Cette partie du Guide vise à présenter le patrimoine mondial à celles et ceux qui ne connaissent pas ses concepts.
Les sections qui suivent décrivent les bases de la Convention du patrimoine mondial de 1972, pour que les lecteurs comprennent à la fois son esprit général et les principes qui la sous-tendent. Des informations complémentaires sur ces concepts se trouvent dans les textes fondamentaux : la Convention du patrimoine mondial et les Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial. Une large gamme de manuels et de ressources spécifiques concernant la protection et la gestion du patrimoine mondial est à la disposition des experts et des acteurs concernés sur le site Web du Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO.
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Histoire et objectif de la Convention
La Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel , communément appelée Convention du patrimoine mondial, a été adoptée en 1972 par la Conférence générale de l’UNESCO. Il s’agit d’un traité international qui vise à identifier, protéger, conserver, mettre en valeur et transmettre aux générations futures les biens du patrimoine de valeur universelle exceptionnelle. La Convention du patrimoine mondial est fondée sur la conviction que les lieux présentant une valeur universelle exceptionnelle appartiennent à l’humanité tout entière car leur importance transcende les frontières nationales, ils sont irremplaçables et jouent un rôle crucial pour le bien être des habitants de la planète. La communauté internationale reconnaît que le patrimoine peut favoriser la compréhension et l’appréciation mutuelles, et bâtir la paix.
Par conséquent, comme l’indique le préambule de la Convention, « la dégradation ou la disparition d’un bien du patrimoine culturel ou naturel constitue un appauvrissement néfaste du patrimoine de tous les peuples du monde ».
Comptant 196 États parties en 2025, la Convention du patrimoine mondial est aujourd’hui l’un des traités internationaux les plus ratifiés de l’histoire et reflète l’engagement commun des États parties à protéger tous les biens du patrimoine mondial inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO pour les générations actuelles et futures.
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Comment fonctionne la Convention ?
En ratifiant la Convention, chaque État partie s’engage à participer à sa mise en œuvre. Cela renvoie à la fois au déploiement d’une coopération et d’une assistance internationales pour conserver les biens du patrimoine mondial, et aux responsabilités de chaque État partie concernant la protection du patrimoine sur son territoire. La Convention dispose que les États parties ont le devoir « de prendre les mesures juridiques, scientifiques, techniques, administratives et financières adéquates pour l’identification, la protection, la conservation, la mise en valeur et la réanimation de ce patrimoine » (article 5). Les États parties à la Convention sont encouragés à intégrer la protection du patrimoine culturel et naturel dans les programmes de planification régionale et locale, à instituer des services dotés d’un personnel approprié au sein de leurs biens du patrimoine mondial, à entreprendre des recherches scientifiques et techniques sur la conservation, et à adopter des mesures qui donnent au patrimoine mondial une fonction dans la vie quotidienne des communautés. Cet engagement s’étend au contexte des nouveaux projets de développement et de construction.
Articles 4 et 5 de la Convention du patrimoine mondial
Les grands engagements que les États parties prennent lorsqu’ils deviennent signataires de la Convention du patrimoine mondial sont présentés dans les articles 4 et 5.
Article 4
Each State Party to this Convention recognizes that the duty of ensuring the identification, protection, conservation, presentation and transmission to future generations of the cultural and natural heritage referred to in Articles 1 and 2 and situated on its territory, belongs primarily to that State. It will do all it can to this end, to the utmost of its own resources and, where appropriate, with any international assistance and co-operation, in particular, financial, artistic, scientific and technical, which it may be able to obtain.
Article 5
Afin d'assurer une protection et une conservation aussi efficaces et une mise en valeur aussi active que possible du patrimoine culturel et naturel situé sur leur territoire et dans les conditions appropriées à chaque pays, les États parties à la présente Convention s'efforceront dans la mesure du possible :
- d'adopter une politique générale visant à assigner une fonction au patrimoine culturel et naturel dans la vie collective, et à intégrer la protection de ce patrimoine dans les programmes de planification générale ;
- d'instituer sur leur territoire, dans la mesure où ils n'existent pas, un ou plusieurs services de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel et naturel, dotés d'un personnel approprié, et disposant des moyens lui permettant d'accomplir les tâches qui lui incombent ;
- de développer les études et les recherches scientifiques et techniques et perfectionner les méthodes d'intervention qui permettent à un État de faire face aux dangers qui menacent son patrimoine culturel ou naturel ;
- de prendre les mesures juridiques, scientifiques, techniques, administratives et financières adéquates pour l'identification, la protection, la conservation, la mise en valeur et la réanimation de ce patrimoine ; et
- de favoriser la création ou le développement de centres nationaux ou régionaux de formation dans le domaine de la protection, de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine culturel et naturel et d'encourager la recherche scientifique dans ce domaine.
Par conséquent, chaque État partie à la Convention doit s’efforcer de protéger la valeur universelle exceptionnelle des biens du patrimoine mondial. Cette protection doit être maintenue y compris lors de la transition vers les énergies renouvelables afin d’atténuer les émissions de gaz à effet de serre et le changement climatique anthropique qui en découle.
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Prise de décisions et gouvernance
The decision-making and governing bodies of the Convention are the Assemblée générale des États parties à la Convention du patrimoine mondial et le Comité du patrimoine mondial Comité du patrimoine mondial. Ce dernier décide, entre autres, d’inscrire ou non un site proposé pour inscription sur la Liste du patrimoine mondial. Le Comité examine également l’état de conservation des biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial, dans le cadre d’un processus qui appelle les États parties à soumettre des rapports périodiques sur les biens du patrimoine mondial et à signaler au Comité tout projet susceptible d’affecter leur valeur universelle exceptionnelle. Le Comité a élaboré les Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial (Orientations) et les met régulièrement à jour. Ce document regroupe les orientations et dispositions officielles permettant de mettre en œuvre la Convention afin que sa mission soit remplie.
Le travail du Comité du patrimoine mondial est soutenu par le Centre du patrimoine mondial mondial de l’UNESCO, qui fait office de secrétariat de la Convention du patrimoine mondial, et par trois organisations consultatives : le Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM) ; le Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) ; et l’ Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
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La Liste du patrimoine mondial
La Liste du patrimoine mondial comprend des biens culturels, des biens naturels et des biens mixtes (culturels et naturels) qui ont satisfait à au moins un des dix critères d’évaluation de la valeur universelle exceptionnelle ainsi qu’aux conditions d’ authenticité et d'intégrité, ainsi que de protection et de gestion. Les États parties proposent pour inscription sur la Liste du patrimoine mondial des sites situés sur leurs territoires respectifs. Ces propositions sont soumises à un processus d’évaluation et ne peuvent faire l’objet d’une inscription sur la Liste que par le Comité du patrimoine mondial. Après inscription, les sites sont appelés biens du patrimoine mondial et leur état de conservation fait l’objet d’un contrôle et de rapports réguliers.
Listes indicatives
Un inventaire des sites que chaque État partie considère comme susceptibles d’être proposés pour inscription sur la Liste du patrimoine mondial est publié sur le site Web du Centre du patrimoine mondial sous forme de liste indicative (paragraphes 62-76 des Orientations). La préparation d’une liste indicative constitue la base du processus d’inscription. Les sites ajoutés à la liste indicative doivent être considérés par l’État partie concerné comme étant potentiellement de valeur universelle exceptionnelle.
Lorsqu’un État partie prépare une proposition d’inscription d’un site sur la liste indicative, tout projet de développement prévu ou en cours – y compris les installations et projets d’énergie renouvelable – qui pourrait avoir un impact sur la valeur universelle exceptionnelle potentielle du site doit être pris en considération. Cela reflète une prise de conscience et permet d’élaborer des mesures pour protéger le site.
On trouvera des conseils complémentaires sur la préparation des listes indicatives dans les paragraphes 62 à 67 des Orientations. Pour plus d’informations, voir également le Guide pour l’élaboration et la révision des listes indicatives du patrimoine mondial.
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Valeur universelle exceptionnelle
Les biens du patrimoine mondial sont inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en raison de leur valeur culturelle et/ou naturelle exceptionnelle pour toute l’humanité. C’est ce qu’on appelle la valeur universelle exceptionnelle (VUE) d’un lieu. La valeur universelle exceptionnelle est approuvée par le Comité du patrimoine mondial dans la déclaration de valeur universelle exceptionnelle (DVUE), généralement au moment de l’inscription.
Le concept de valeur universelle exceptionnelle est au cœur du système du patrimoine mondial. Il a été réexaminé et révisé au fil des ans pour mieux refléter l’importance et la signification du patrimoine pour l’humanité. C’est la raison pour laquelle le patrimoine mondial englobe désormais de nouvelles catégories de patrimoine, les perspectives ayant été élargies pour que la valeur du patrimoine soit reconnue de manière plus inclusive.Un site du patrimoine naturel ou culturel (ou mixte, c’est-à-dire qui possède la fois des valeurs naturelles et culturelles) est inscrit sur la Liste du patrimoine mondial par le Comité du patrimoine mondial si :
- il satisfait à un ou à plusieurs critères du patrimoine culturel et/ou naturel;
- il satisfait à la/aux condition(s) d’intégrité et d’authenticité (la condition d’authenticité ne s’applique qu’aux sites culturels et mixtes) ;
- il bénéficie d’une protection et d’une gestion adaptées afin d’assurer la protection à long terme du bien.
Ces trois éléments sont souvent appelés les trois « piliers » de la valeur universelle exceptionnelle.
La déclaration de valeur universelle exceptionnelle est un court texte narratif qui décrit la valeur universelle exceptionnelle et les principaux attributs d’un bien du patrimoine mondial au moment de son inscription. Elle résume les raisons pour lesquelles un bien est considéré comme ayant une valeur universelle exceptionnelle, de quelle façon il satisfait aux critères, pertinents, aux conditions d’ intégrité et (pour les biens culturels) d’ authenticité, et de quelle façon il répond aux exigences en matière de protection et de gestion afin de préserver sa valeur universelle exceptionnelle et ses attributs à long terme. Elle présente brièvement la valeur universelle exceptionnelle du bien, y compris les attributs matériels et immatériels qui expriment et transmettent la valeur universelle exceptionnelle (paragraphe 155 des Orientations). Cette déclaration est adoptée au moment de l’inscription et n’évolue pas par la suite. Cela signifie que la définition de la valeur universelle exceptionnelle et des attributs d’un bien reste valide alors même que la description de la gestion et de la protection peut devenir obsolète si le bien est inscrit depuis plusieurs années.
Exemples de déclarations de valeur universelle exceptionnelle
Le site web du Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO comprend une section consacrée à chaque bien du patrimoine mondial, où figure notamment la déclaration de valeur universelle exceptionnelle. Les biens du patrimoine mondial sont répertoriés par pays et chaque bien possède une page où l’on peut trouver sa déclaration de valeur universelle exceptionnelle, approuvée par le Comité du patrimoine mondial.
As-Salt – lieu de tolérance et d’hospitalité urbaine (Jordanie)
Parcs nationaux du Lac Turkana (Kenya)
L’axe cosmologique de Yogyakarta et ses monuments historiques emblématiques (Indonésie)
Château de Kronborg (Danemark)
Parc national de Chiribiquete - « La Maloca du jaguar » (Colombie)
Critères d’inscription
Les biens du patrimoine mondial sont inscrits sur la Liste du patrimoine mondial s’ils répondent à au moins un des dix critères d’inscription. Les critères déterminent la raison pour laquelle un lieu mérite d’être inscrit sur la Liste du patrimoine mondial.
Les critères (i) à (vi) font référence aux valeurs culturelles des biens tandis que les critères (vii) à (x) s’appliquent aux valeurs naturelles des biens. Les biens mixtes du patrimoine mondial doivent répondre à au moins un critère culturel et un critère naturel.
Exemples de description des « critères »
Dans les déclarations de valeur universelle exceptionnelle :
Oasis d’Al-Ahsa, un paysage culturel en évolution (Arabie saoudite)
Parc national du Simien (Éthiopie)
Forêts de tugay de la Réserve naturelle de Tigrovaya Balka (Tadjikistan)
Grottes de Škocjan (Slovénie)
Parc national de Lençóis Maranhenses (Brésil)
L’« intégrité » dans les Orientations
- Tous les biens proposés pour inscription sur la Liste du patrimoine mondial doivent répondre aux conditions d’intégrité.
- L’intégrité est une appréciation d’ensemble et du caractère intact du patrimoine naturel et/ou culturel et de ses attributs. Étudier les conditions d’intégrité exige par conséquent d’examiner dans quelle mesure le bien :
- possède tous les éléments nécessaires pour exprimer sa valeur universelle exceptionnelle ;
- est d’une taille suffisante pour permettre une représentation complète des caractéristiques et processus qui transmettent l’importance du bien ;
- subit des effets négatifs liés au développement et/ou au manque d’entretien.
Ceci devra être présenté sous la forme d’une déclaration d’intégrité.
- . Pour les biens proposés pour inscription selon les critères (i) à (vi), le tissu physique du bien et/ou ses caractéristiques significatives doivent être en bon état, et l’impact des processus de détérioration doit être contrôlé. Il doit exister une proportion importante des éléments nécessaires à la transmission de la totalité des valeurs que représente le bien. Les relations et les fonctions dynamiques présentes dans les paysages culturels, les villes historiques, ou les autres propriétés vivantes essentielles à leur caractère distinctif doivent également être maintenues.
- Pour tous les biens proposés pour inscription selon les critères (vii) à (x), les processus biophysiques et les caractéristiques terrestres doivent être relativement intacts. Il est cependant reconnu qu’aucune zone n’est totalement intacte et que toutes les aires naturelles sont dans un état dynamique et, dans une certaine mesure, entraînent des contacts avec des personnes. Diversité biologique et diversité culturelle peuvent être étroitement liées et interdépendantes, et des activités humaines, dont celles de sociétés traditionnelles, de populations locales et de peuples autochtones, ont souvent lieu dans des aires naturelles. Ces activités peuvent être en harmonie avec la valeur universelle exceptionnelle de l’aire là où elles sont écologiquement durables.
- En outre, pour les biens proposés pour inscription selon les critères (vii) à (x), une condition d’intégrité correspondante a été définie pour chaque critère.
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Les biens proposés selon le critère (vii) doivent être d’une valeur universelle exceptionnelle et inclure des zones essentielles au maintien de la beauté du site. C’est ainsi qu’un site auquel une chute d’eau conférerait des valeurs esthétiques répondrait aux conditions d’intégrité s’il incluait également le bassin qui l’alimente ainsi que des aires en aval intégralement liées au maintien des qualités esthétiques du site.
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Les biens proposés selon le critère (viii) doivent contenir la totalité ou la plupart des éléments connexes et interdépendants essentiels dans leurs rapports naturels. Ainsi, une zone de « l’ère glaciaire » répondrait aux conditions d’intégrité si elle comprenait le champ de neige, le glacier lui-même ainsi que les formes typiques d’érosion glaciaire, de dépôts et de colonisation végétale (par exemple striations, moraines, premiers stades de la succession des plantes, etc.) ; dans le cas des volcans, les séries magmatiques devraient être complètes et la totalité ou la plupart des variétés de roches éruptives et types d’éruptions représentées.
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Les biens proposés selon le critère (ix) doivent être assez étendus et contenir les éléments nécessaires à l’illustration des principaux aspects des processus essentiels à la conservation à long terme des écosystèmes et de la diversité biologique qu’ils contiennent. Ainsi, une zone de forêt tropicale humide répondrait aux conditions d’intégrité si elle comprenait un certain nombre de variations d’altitude par rapport au niveau de la mer, des modifications de la topographie et des types de sol, des systèmes fluviaux et des parcelles de régénération naturelle ; de même, un récif de corail devrait comprendre, par exemple, des herbiers marins, des mangroves ou autres écosystèmes contigus.
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Les biens proposés selon le critère (x) doivent être les biens les plus importants pour la conservation de la diversité biologique. Seuls les biens les plus divers du point de vue biologique et/ou représentatifs sont susceptibles de répondre à ce critère. Les biens doivent contenir des habitats pour le maintien d’un maximum de diversité animale et végétale caractéristique des provinces et écosystèmes biogéographiques concernés. Par exemple, une savane tropicale répondrait aux conditions d’intégrité si elle comprenait un ensemble complet d’herbivores et de plantes ayant évolué ensemble ; un écosystème insulaire devrait offrir des habitats pour le maintien de sa diversité biologique endémique ; un bien abritant des espèces de grande envergure devrait être assez grand pour contenir les habitats les plus critiques essentiels à la survie des populations viables de ces espèces ; dans une aire abritant des espèces migratrices, les lieux de reproduction et de nidification saisonnières et les voies migratoires, quelle que soit leur localisation, devraient être protégés de façon adéquate.
Pourquoi l’« intégrité » est-elle importante ?
L’intégrité d’un bien du patrimoine mondial est une considération importante pour les biens naturels, culturels et mixtes, et elle doit être évaluée dans une étude d’impact. Cela peut concerner les caractéristiques morphologiques ou visuelles des infrastructures associées dans le cadre plus large d’un bien du patrimoine mondial qui peuvent altérer, dominer ou perturber les caractéristiques structurelles, fonctionnelles et visuelles existantes du bien. Pour les biens du patrimoine mondial naturel, il faut tenir compte de l’intégrité de l’écosystème, entre autres facteurs.
Les installations d’énergies renouvelables peuvent avoir d’importants effets négatifs sur l’intégralité des biens du patrimoine mondial. Les éoliennes larges et hautes, les vastes installations solaires et les infrastructures de transmission à haute tension ne se fondent pas facilement dans un paysage traditionnel ou un paysage urbain car elles sont susceptibles de modifier les points de vue et les panoramas remarquables . En effet, les installations d’énergie renouvelable peuvent altérer le sens du lieu au point de menacer l’intégrité d’un bien.
Voir également la NOTE 4
Pour des plus amples informations sur les aspects visuels liés à la valeur universelle exceptionnelle, reportez-vous aux paragraphes 104 et 112 des Orientations et consultez le Rapport de la réunion internationale d’experts sur l’intégrité visuelle (Agra, Inde, 6-9 mars 2013)
Exemples de description de l’« intégrité » dans les déclarations de valeur universelle exceptionnelle :
Pourquoi l’« authenticité » est-elle importante ?
L’authenticité peut être mise en péril, par exemple, par des travaux de conservation inadaptés et un mauvais entretien d’un site, ainsi que par l’ignorance des aspects essentiels et des sources d’information par lesquels le bien et ses attributs expriment les valeurs du patrimoine. La disparition des traditions culturelles et la fragmentation des communautés peuvent également être des facteurs de risque.
Selon les caractéristiques d’un site, les projets et installations d’énergie éolienne et solaire peuvent porter atteinte à l’authenticité d’un bien s’ils ne sont pas planifiés et conduits avec la prudence et le soin nécessaires.Les travaux de creusement des fondations des éoliennes ou de nivellement de terrain pour l’installation d’un champ de panneaux solaires photovoltaïques, par exemple, peuvent nuire à la préservation à long terme du patrimoine archéologique n’ayant pas encore fait l’objet de fouilles et menacer l’authenticité des biens culturels du patrimoine mondial. De la même manière, l’installation de systèmes de chauffe-eau solaires peut entraîner la destruction d’un tissu urbain historique important, et mettre en péril l’intégrité d’un monument. Voir également la section « Impacts globaux des projets d’énergie éolienne »
Exemples de description de l’« authenticité » dans les déclarations de valeur universelle exceptionnelle :
La déclaration de valeur universelle exceptionnelle (DVUE) est une référence essentielle pour la conservation et la gestion du bien du patrimoine mondial et sert plusieurs objectifs car elle permet idéalement de :
- fournir des informations sur la valeur universelle exceptionnelle du bien et ses attributs ;
- orienter l’évaluation de l’état de conservation d’un bien ;
- synthétiser l’état initial du bien en vue de l’identification et de la protection de ses attributs, qui constitue la base du suivi du bien au niveau national et des processus de suivi réactif et de rapport périodique ;
- communiquer des informations pour toute prise de décisions concernant des interventions qui pourraient avoir un impact sur un bien du patrimoine mondial.
La déclaration de valeur universelle exceptionnelle sert de référence pour toute activité de suivi ultérieure ; toute évaluation comparative doit être réalisée en tenant compte de cette base de référence. La même base de référence sert également pour les évaluations d’impact qui concernent les biens du patrimoine mondial. Néanmoins, il existe des cas particuliers où un site est inscrit sur la Liste du patrimoine mondial alors que son intégrité est menacée. Dans ce cas, des actions de gestion doivent être entreprises pour améliorer la situation avant que des bases de référence ne soient définies.
Actions en amont du développement de projets d’énergie renouvelable
Avant même de planifier un projet d’énergie renouvelable ou l’installation d’une infrastructure de transmission au sein d’un bien du patrimoine mondial ou à proximité, les promoteurs doivent déterminer si l’emplacement choisi a un quelconque lien visuel, physique, fonctionnel ou social avec un bien du patrimoine mondial. Le lien en question peut s’étendre bien au-delà des limites du bien et des zones tampons, en fonction du cadre plus large. Les outils de planification en vigueur à l’échelle locale et régionale peuvent fournir des informations pertinentes à cet égard.
- Des échanges en amont avec les autorités chargées de la gestion du bien du patrimoine mondial concerné permettent de garantir la concordance du projet avec les objectifs en matière de conservation et facilitent un dialogue transparent avec les communautés et les parties prenantes, dès le départ.
- Les personnes qui habitent à proximité de sites du patrimoine mondial doivent contacter les autorités locales ou les gestionnaires des sites en question pour obtenir des conseils avant d’installer des infrastructures d’énergie renouvelable.
- Si un projet est susceptible d’affecter un bien du patrimoine mondial, sa zone tampon ou son cadre plus large, ses promoteurs doivent réunir des informations sur la valeur universelle exceptionnelle (VUE) du bien en question et veiller à ce qu’une évaluation d’impact spécifique soit organisée.
- La cartographie des acteurs et la participation en amont des communautés locales, des détenteurs de droits et des autorités responsables de l’environnement et du patrimoine, entre autres parties prenantes, sont indispensables – quelle que soit l’ampleur des projets.
- La déclaration de valeur universelle exceptionnelle et le dossier de candidature sont des ressources primordiales pour l’identification des attributs d’un bien. Cela étant, la contribution des gestionnaires et des experts peut être nécessaire pour combler les lacunes éventuelles. Voir aussi l'Outil 1 de la publication Guide et boîte à outils pour les évaluations d’impact dans un contexte de patrimoine mondial.
Attributs qui transmettent la valeur universelle exceptionnelle
Les attributs sont les éléments d’un site du patrimoine qui transmettent et rendent compréhensibles ses valeurs de patrimoine ou de conservation. Il peut s’agir de qualités physiques, de structures matérielles et d’autres caractéristiques tangibles, mais aussi d’aspects immatériels tels que des processus, des dispositions sociales ou des pratiques culturelles, ainsi que des associations et des relations dont témoignent les éléments physiques du bien (Guide et boîte à outils pour les évaluations d’impact dans un contexte de patrimoine mondial ; Glossaire). Les attributs faisant généralement l’objet d’une protection juridique, ils occupent une place centrale dans les différentes méthodes d’évaluation d’impact.
L’identification des attributs matériels et immatériels qui transmettent la valeur universelle exceptionnelle d’un bien du patrimoine mondial et leur cartographie systématique (collecte et organisation des informations de manière à pouvoir localiser géographiquement les attributs) sont des outils utiles pour la protection et la gestion à long terme du bien . Les attributs sont souvent porteurs de multiples valeurs patrimoniales et doivent donc tous être pris en compte, au même titre que les autres valeurs patrimoniales qui ne font pas partie de la valeur universelle exceptionnelle mais qui peuvent la soutenir.
L’ensemble des attributs identifiés d’un bien est utile pour :
- l’établissement d’un système ou d’un plan de gestion adapté définissant les éléments qui doivent être entretenus afin de préserver la valeur universelle exceptionnelle ; dont les processus, les dispositions sociales ou les pratiques culturelles ;
- le suivi de l’état de conservation ; et
- la réalisation de tout type d’évaluation d’impact, car cela permet de définir les éléments par rapport auxquels les impacts potentiels sur la valeur universelle exceptionnelle doivent être évalués (y compris l’évaluation de l’ampleur des impacts positifs ou négatifs et la proposition de mesures d’atténuation possibles).
Un ensemble d’attributs communément admis facilite la compréhension de tous les acteurs et permet une gouvernance participative pour la protection et la gestion des biens du patrimoine mondial.
Exemples d’attributs
Exemple de dossiers de proposition d’inscription qui décrivent les attributs de la valeur universelle exceptionnelle :
Kulangsu, un établissement historique international (Chine)
Qhapaq Ñan, réseau de routes andin (Argentine, Bolivie, Chili, Colombie, Équateur, Pérou)
Pour l’évaluation des impacts possibles des projets d’énergies renouvelables et des infrastructures de transmission, les attributs pertinents doivent être examinés au cas par cas, qu’une évaluation d’impact officielle ait été effectuée ou non, en tenant également compte des différentes phases du cycle de vie du projet :
- la planification (implantation) et la mise en service ;
- la construction ;
- l’exploitation et la maintenance avec une extension potentielle de la durée de vie et un renforcement (repowering) ;
- la fin de vie, la mise hors service avec le démantèlement, l’enlèvement des installations et la restauration/réhabilitation.
Chacune de ces phases peut avoir des impacts différents sur l’environnement bâti et naturel, en particulier sur les habitats et les espèces, et sur les éventuels schémas saisonniers tels que le cycle agricole.
L’état des attributs peut être un indicateur utile pour évaluer la vulnérabilité générale d’un bien du patrimoine mondial, y compris en ce qui concerne les projets et installations d’énergie renouvelable.
Pourquoi les attributs sont-ils importants et pertinents ?
Avant d’approuver le lancement d’un projet d’énergie renouvelable ou l’installation d’une infrastructure de transmission à proximité d’un bien du patrimoine mondial, il est indispensable de comprendre les caractéristiques spécifiques qui confèrent à ce bien sa valeur universelle exceptionnelle (VUE). Ces caractéristiques – appelées « attributs » – constituent la base à partir de laquelle les impacts potentiels sont déterminés. Les attributs peuvent être matériels (architecture, paysages, forme urbaine; etc.) ou immatériels (pratiques culturelles, significations symboliques, usages traditionnels, etc.).
Pourquoi est-ce important ?
- Les évaluations d’impact visent à prévoir la mesure dans laquelle un projet proposé est susceptible de modifier les attributs d’un bien du patrimoine mondial.
- Pour évaluer efficacement les impacts, il est nécessaire de comprendre tous les attributs concernés, sur lesquels le projet proposé pourrait avoir des effets directs ou indirects.
L’identification des attributs est donc indispensable pour déterminer si un projet d’énergie renouvelable risque de porter atteinte à la valeur universelle exceptionnelle d’un bien du patrimoine mondial.
Identification des attributs
- Les nouveaux dossiers de proposition d’inscription doivent comprendre une liste détaillée des attributs (voir l’annexe 5 des Orientations ).
- Les biens inscrits avant la mise en œuvre de cette disposition peuvent ne pas disposer d’un inventaire complet, mais leurs gestionnaires sont encouragés à en établir un.
- Le processus des rapports périodiques permet de compléter ces listes et de les mettre à jour, en y ajoutant des attributs qui auraient pu être omis auparavant.
Qui doit y participer ?
- Le processus d’identification est dirigé par les autorités nationales chargées du patrimoine.
- Les gestionnaires de sites, les experts du patrimoine, les communautés locales et d’autres acteurs doivent être consultés et sont encouragés à participer à ce processus.
- Les attributs associés à d’autres valeurs patrimoniales (autres que celles liées à la valeur universelle exceptionnelle) doivent aussi être systématiquement évalués.
Quel est l’intérêt de cartographier les attributs ?
La cartographie et l’inventaire des attributs permet de :
- mettre en évidence les connexions spatiales entre un bien, sa zone tampon (s'il y en a une) et le cadre plus large ;
- décrire plus clairement les connexions spatiales entre un bien, sa zone tampon (le cas échéant) et le cadre plus large ;
- faciliter la planification initiale pour identifier les zones plus ou moins propices à la mise en place de projets d’énergies renouvelables ;
- mettre au jour les points faibles et les sensibilités à prendre en compte lors de la conception du projet.
Voir aussi de la publication Guide et boîte à outils pour les évaluations d'impact dans un contexte de patrimoine mondial et la note qui l’accompagne l’Outil 1
Comment décrire les attributs ?
- Employer un langage clair et simple, compréhensible par tous les acteurs concernés – y compris le public et les promoteurs.
- Adapter le niveau de détail à l’échelle du projet :
- Pour les parcs éoliens : aborder les impacts généraux sur les paysages, les panoramas et les complexes immobiliers.
- Pour les panneaux solaires photovoltaïques sur les toits : évaluer les répercussions sur les bâtiments individuels, les vues et les éléments architecturaux.
Une communication claire et l’identification précoce des attributs sont indispensables, tant pour réaliser des évaluations d’impact efficaces que pour assurer la protection à long terme des biens du patrimoine mondial.
Autres valeurs patrimoniales
Outre leur valeur universelle exceptionnelle, les biens du patrimoine mondial peuvent présenter d’autres valeurs patrimoniales, parfois étroitement liées à la valeur universelle exceptionnelle. Il est donc essentiel de les prendre en compte. La protection du patrimoine renvoie à des systèmes complexes. C’est la raison pour laquelle il est important d’évaluer également les autres valeurs et attributs, dont certains peuvent être indispensables à la protection de la valeur universelle exceptionnelle même s’ils n’en font pas partie. Par exemple, l’intégrité de certains paysages culturels et biens culturels élargis est tributaire de la stabilité de leur écosystème, qui empêche l’érosion et contribue à la préservation des pratiques traditionnelles. Il faut donc que l’évaluation de l’impact des projets porte également sur ses autres valeurs patrimoniales importantes, afin que l’intégrité de la valeur universelle exceptionnelle soit maintenue.
Ces valeurs peuvent être particulièrement importantes pour les détenteurs de droits (dont les peuples autochtones) et les parties prenantes aux niveaux international, national, régional et local. Il peut s’agir de valeurs patrimoniales renvoyant à des désignations officielles ou bien simplement reconnues par les communautés. Quoi qu’il en soit, elles sont essentielles pour une planification et une gestion efficace des biens du patrimoine mondial et de leur cadre plus large. Il est donc important d’avoir une compréhension globale de ces valeurs patrimoniales et de leurs relations avec la valeur universelle exceptionnelle afin de s’assurer que la société profite des avantages de la protection et de la gestion. Les agences nationales doivent donc également identifier les valeurs patrimoniales qui ne sont pas strictement liées à la valeur universelle exceptionnelle et partager ces informations aux niveaux local, régional et national ainsi qu’avec les promoteurs de projets.
Voir également des informations complémentaires sur l’importance des autres valeurs ici
Protection et gestion
Conformément aux dispositions de la Convention du patrimoine mondial, tous les biens du patrimoine mondial nécessitent une protection et une gestion législatives, réglementaires, institutionnelles et/ou coutumières, adaptées et à long terme, pour assurer leur sauvegarde. Sur le plan juridique, le bien lui-même doit bénéficier du niveau de protection nationale le plus élevé et le plus efficace. Chaque fois que cela s’avère nécessaire pour la protection appropriée du bien, une protection supplémentaire peut être mise en place par la création d’une zone tampon ou de mécanismes similaires qui établissent des restrictions juridiques et/ou coutumières complémentaires concernant l’aménagement et le développement à l’intérieur ou à proximité des zones vulnérables.
Une gestion efficace joue un rôle central pour assurer la protection à long terme des biens du patrimoine mondial, y compris leur valeur universelle exceptionnelle et les autres valeurs patrimoniales. Les États parties à la Convention ont également adopté divers instruments politiques pour aider à la mise en œuvre de la Convention, notamment la Politique pour l’intégration d’une perspective de développement durable dans les processus de la Convention du patrimoine mondial. Ce document stipule que le système de gestion d’un site – qu’il soit naturel, culturel ou mixte - doit intégrer les principes du développement durable. De plus, le plan ou le système de gestion doit couvrir les zones tampons et le cadre plus large du site. Voir aussi la section « La définition spatiale des biens du patrimoine mondial »
Les plans de gestion du patrimoine mondial (qui décrivent souvent le système de gestion des biens du patrimoine mondial, entre autres) sont une bonne source d’information pour les promoteurs de projets, ainsi que pour les détenteurs de droits et les acteurs concernés en général. Outre les informations sur la valeur universelle exceptionnelle et les attributs des bien du patrimoine mondial, le document peut éventuellement présenter des mécanismes prévus pour soutenir le dialogue intersectoriel et des outils pour faciliter la planification anticipée, par exemple par la détection précoce des intérêts contradictoires. Néanmoins, les informations pertinentes pour les promoteurs de projets et d’autres acteurs, dont les propriétaires de biens immobiliers, peuvent être incluses dans d’autres sources de données nationales (inventaires/bases de données, cadastres, outils d’aménagement du territoire, documents d’orientation, etc.), ainsi que dans des plans, politiques et règlements locaux et dans des directives municipales.
Projets d’énergie renouvelable et systèmes de gestion du patrimoine mondial
La planification d’un projet d’énergie renouvelable ou de l’installation d’infrastructures de transmission à proximité d’un bien du patrimoine mondial doit s’accorder avec le système de gestion du bien en question. C’est à cette condition que la valeur universelle exceptionnelle (VUE) du bien pourra être respectée et protégée tout au long du cycle de vie du projet.
Que doivent faire les promoteurs du projet ?
- S’assurer que le projet ne nuit pas à la valeur universelle exceptionnelle du bien ;
- Examiner les plans de développement locaux et nationaux pour y trouver des informations sur le patrimoine mondial ;
- Consulter les gestionnaires du site, les détenteurs de droits et les autorités pertinentes afin de comprendre les cadres juridiques et institutionnels de protection du patrimoine ;
- Repérer les éventuels chevauchements entre la zone du projet, les zones protégées au nom du patrimoine mondial et les territoires traditionnels et entamer le plus tôt possible un dialogue avec les communautés concernées.
Quel est le rôle des institutions ?
- Les responsables – gestionnaires du site, autorités locales et organes nationaux – fixent les cadres régissant le développement des énergies renouvelables.
- Ils peuvent favoriser la conformité grâce à :
- des inventaires des attributs du patrimoine ;
- des directives claires en matière de planification et de consultation ;
- des mécanismes de dialogue avec les parties prenantes.
Ces efforts facilitent le développement des énergies renouvelables tout en protégeant la valeur universelle exceptionnelle des biens du patrimoine mondial.
Qu’en est-il des évaluations d’impact ?
- - Une évaluation d’impact adaptée doit être réalisée pour chaque projet susceptibles de nuire à la valeur universelle exceptionnelle d’un bien du patrimoine mondial. La publication Guide et boîte à outils pour les évaluations d’impact dans un contexte de patrimoine mondial présente, étape par étape, la méthode appropriée à suivre pour évaluer les projets qui pourraient avoir un impact sur la valeur universelle exceptionnelle d’un bien du patrimoine mondial. Voir aussi la section « Évaluation des impacts » de ce Guide
- L’objectif premier devrait être d’éviter les impacts négatifs, par exemple en déployant le projet ailleurs ou en modifiant sa conception.
- Cette démarche est conforme aux paragraphes 110 et 118bis des Orientations.
Responsabilités internationales
- En vertu du paragraphe 172 des Orientations, les États parties doivent informer le Comité du patrimoine mondial au sujet de tous travaux importants qui pourraient modifier la valeur universelle exceptionnelle d’un bien.
- Les propositions de projets d’énergie renouvelable, y compris dans la zone tampon ou le cadre plus large d’un bien, doivent être communiquées au Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO dès la phase de planification et le plus tôt possible.
Exemples d’éléments requis en matière de protection et de gestion dans les déclarations de valeur universelle exceptionnelle
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La définition spatiale des biens du patrimoine mondial et son importance pour la protection et la gestion
Biens du patrimoine mondial
Conformément aux Orientations, les limites des biens du patrimoine mondial doivent être clairement définies. Ce sont en effet des éléments clés pour la protection et la gestion efficaces d’un bien. La valeur universelle exceptionnelle du bien et tous les attributs qui la composent doivent se trouver dans les limites du bien. La zone du patrimoine mondial doit bénéficier de la protection nationale la plus efficace possible d’un point de vue juridique (généralement une protection qui relève de la réglementation pour la protection du patrimoine culturel et/ou naturel) et la gestion doit satisfaire aux exigences définies dans les Orientations.
Des cartes des limites de tous les biens du patrimoine mondial et de leurs zones tampons (si elles ont été définies) sont disponibles sur le site web du Centre du patrimoine mondial. En outre, ces cartes figurent généralement dans des bases de données nationales et, dans de nombreux cas, des bases de données des systèmes d’information géographiques (SIG) pour les zones et les biens protégés du patrimoine culturel et/ou naturel (sites archéologiques, bâtiments classés, monuments, villes et zones historiques protégées, habitats naturels, parcs naturels, etc.) Les autorités nationales, régionales et locales doivent se référer à ces sources d’information officielles lorsqu’elles évaluent les propositions de projets ou lorsqu’elles établissent des directives et des cadres concernant le développement des énergies renouvelables. De même, les zones des biens du patrimoine mondial doivent être incluses dans les documents relatifs à l’aménagement du territoire, les cartes de zonage et les règlements et dispositifs de contrôle du développement. Cela garantit leur prise en compte à la fois par les promoteurs de projets d’énergie éolienne et solaire lors du choix de l’emplacement de leur projet et par les autorités nationales, régionales et locales décisionnaires lors de l’évaluation des demandes de permis d’aménagement et lors de l’élaboration des politiques et règlements en la matière.
Biens du patrimoine mondial en série, transfrontaliers et transnationaux
Certains biens du patrimoine mondial sont des sites « transfrontaliers ». Dans de tels cas, les limites du bien et sa zone tampon (le cas échéant) sont situées sur le territoire d’au moins deux pays (États parties) voisins mais forment une seule zone continue.
Les biens du patrimoine mondial peuvent également être des « biens en série ». De tels biens sont constitués de plusieurs composantes distinctes qui peuvent être situées dans un ou plusieurs pays. Dans ce cas, le bien est alors désigné comme un bien du patrimoine mondial en série « transnational », voire, parfois, comme un bien du patrimoine mondial « transrégional ».
Zone(s) tampons(s)
Une zone tampon est une zone officiellement définie qui entoure un bien du patrimoine mondial. Elle est dotée de fonctions juridiques et de gestion adaptées pour assurer un surcroît de protection à la valeur universelle exceptionnelle de ce bien. Elle comprend généralement l’environnement immédiat d’un bien et englobe les perspectives visuelles importantes et d’autres aires ou attributs ayant un rôle fonctionnel important pour la protection du bien. Il peut s’agir de zones protégées au niveau national, afin de remplir leur fonction de soutien au bien du patrimoine mondial. Les zones tampons doivent faire partie intégrante du système de gestion d’un bien du patrimoine mondial, avec des cadres juridiques et/ou coutumiers complémentaires et des dispositions de gestion destinées à contrôler le développement et l’utilisation des terres.
Les mesures de protection juridique de la zone tampon diffèrent de celles en vigueur dans le périmètre du patrimoine mondial. Cependant, les zones tampons doivent être prises en considération lors des processus de planification et de prise de décisions, car ce sont des mécanismes d’aménagement du territoire et de zonage. Dans ce contexte, le potentiel des zones tampons pour la protection de la valeur universelle exceptionnelle d’un bien doit être pleinement exploité. Les zones tampons doivent être considérées non seulement comme des niveaux supplémentaires de protection de la valeur universelle exceptionnelle mais également comme des outils de planification permettant d’améliorer les bénéfices mutuels pour les communautés locales et les autres communautés concernées.
Exemples de cartes de biens du patrimoine mondial et de leurs zones tampons
Un grand nombre de biens du patrimoine mondial sont désormais sur la Plateforme de cartes en ligne du patrimoine mondial. Il s’agit d’une plateforme de suivi qui affiche les limites géoréférencées et vérifiées des biens du patrimoine mondial et de leurs zones tampons (le cas échéant) sur différents fonds de carte.
Voir par exemple :
- Delta de l’Okavango (Botswana)
- La ville ancienne de Si Thep et ses monuments de Dvaravati associés (Thaïlande)
- Aire culturelle de Ḥimā (Arabie saoudite)
- Site archéologique d’Olympie (Grèce)
- Ville coloniale de Saint-Domingue (République dominicaine)
Cadre plus large
Alors que la zone tampon couvre l’environnement immédiat d’un site, le « cadre plus large » est l’environnement étendu d’un bien du patrimoine mondial, et il fait partie de la signification et la singularité du bien (ou y contribue).
Le paragraphe 112 des Orientation fait référence au cadre comme étant potentiellement lié à un bien par :
- sa topographie (p. ex. les collines, les montagnes, les rivières) ;
- son environnement naturel (p. ex. le caractère et le type du paysage environnant et/ou du paysage marin) ;
- son environnement bâti (p. ex. les liens entre les bâtiments historiques et les zones urbaines) ;
- ses infrastructures ;
- les modalités d’affectation des sols ;
- l’organisation spatiale ;
- les relations visuelles (entre les attributs et le cadre) ;
- les pratiques sociales et culturelles ;
- les processus économiques ;
- les autres dimensions immatérielles du patrimoine : perceptions et associations (p. ex. historiques, artistiques, littéraires, esthétiques).
Bien qu’ils soient délimités et protégés par leurs zones tampons, les biens du patrimoine mondial ne sont pas des entités isolées. Au contraire, les biens sont fortement liés à leur environnement et, au-delà des connexions physiques et spatiales, ils font partie de processus et de pratiques physiques, économiques, culturels, spirituels et sociaux (coutumes, connaissances, utilisations et activités traditionnelles, pratiques spirituelles et autres formes d’aspects du patrimoine immatériel), d’écosystèmes, de communautés et de sociétés qui existent au-delà de toute limite ou frontière. Leur valeur universelle exceptionnelle est donc soutenue par ces interdépendances et ces relations.
Le cadre plus large « met souvent en scène » un bien dans son paysage, et peut abriter des processus écologiques importants pour la biodiversité et les pratiques culturelles présentes sur le territoire du bien. Par conséquent, les modifications apportées à cette zone sont susceptibles d’avoir un impact direct ou indirect sur la valeur universelle exceptionnelle.
Bien que son identification ne soit pas une obligation statutaire, le cadre plus large d’un bien peut jouer un rôle important en soutenant la protection de la valeur universelle exceptionnelle d’un bien. Ce rôle doit être pris en compte dans la gestion autant que dans les propositions de planification et, surtout, dans les processus d’évaluation d’impact. Les Orientations soulignent l’importance d’une « approche intégrée en matière de planification et de gestion [...] pour guider l’évolution des biens à travers le temps et s’assurer que tous les aspects de leur valeur universelle exceptionnelle soient maintenus ». Elles soulignent également que « cette approche s’applique au-delà du bien en tant que tel et inclut toute(s) zone(s) tampon(s), ainsi que le cadre plus large » (paragraphe 112 des Orientations).
S’il est plutôt rare de trouver des propositions de projets d’énergies renouvelables au sein d’un bien du patrimoine mondial et de ses zones tampons, les propositions de développement plus éloignées, dans ce que l’on appelle le « cadre plus large », sont beaucoup plus fréquentes.
L’importance du cadre plus large
Le cadre plus large d’un bien du patrimoine mondial correspond à son environnement élargi, qui peut jouer un rôle vital pour le maintien de la valeur universelle exceptionnelle dudit bien. L’identification de ce cadre est indispensable pour bien évaluer les impacts, planifier les projets et assurer une protection à long terme.
Principes fondamentaux
D’après le manuel de référence de l’UNESCO intitulé Établir une proposition d’inscription au patrimoine mondial, lorsque le cadre contribue à la VUE d’un bien, il doit faire partie du bien inscrit ou de sa zone tampon. S’il met en lumière la valeur universelle exceptionnelle sans y participer, il devrait bénéficier d’une protection, idéalement par son intégration dans la zone tampon.
- Selon la Déclaration de Xi’an adoptée à Xi’an (République populaire de Chine) lors de la 15e Assemblée générale de l’ICOMOS en 2005, le contexte ne se définit pas seulement comme l’environnement physique et visuel. Il comprend aussi les interactions sociales, spirituelles, écologiques et culturelles qui donnent à un lieu sa singularité et sa signification.
L’importance du contexte
La zone formant le cadre plus large varie selon l’objectif considéré : gestion quotidienne, évaluation d’impact d’un projet, planification visant à réduire les risques de catastrophe, etc. Dans certains cas, des facteurs saisonniers ou écologiques doivent également être pris en considération, par exemple la présence de voies de migration des oiseaux s’étendant au-delà des limites du bien et de sa zone tampon.
L’importance du cadre plus large pour la planification du projet
Comprendre le cadre plus large permet de mieux planifier le projet, de réduire les risques et de rendre le développement plus responsable.
- Les évaluations environnementales stratégiques peuvent faciliter l’intégration des aspects liés au cadre dans les politiques et la planification. ( ➔ Voir aussi la section « Évaluation environnementale stratégique » )
Exemple de la manière dont le cadre plus large peut influencer la protection du patrimoine mondial
Comprendre le cadre plus large de du patrimoine mondial, c’est regarder au-delà de ses limites officielles et de sa zone tampon. Les exemples suivants mettent en évidence le rôle majeur de ce contexte élargi :
Systèmes hydrologiques (p. ex. lacs, zones humides, rivières) :
L’état et l’intégrité des lacs ou des zones humides se trouvant dans les limites d’un bien du patrimoine mondial dépend des rivières ou des ruisseaux qui les alimentent – même si ces cours d’eau ne sont pas au sein du bien ou de sa zone tampon. Par exemple, la pollution, les retenues d’eau ou la déviation des cours d’eau en amont sont autant de facteurs susceptibles de dégrader l’équilibre des lacs et des zones humides, et de modifier indirectement la valeur universelle exceptionnelle (VUE) du bien.Voies de migration des oiseaux et projets d’énergie renouvelable
Les grands parcs éoliens et les grandes centrales solaires à concentration peuvent perturber la migration des oiseaux, même à plusieurs kilomètres d’un bien du patrimoine mondial. Si la présence d’oiseaux est un élément constitutif de la valeur universelle exceptionnelle du site (qui peut par exemple abriter des zones humides essentielles pour la nidification et l’alimentation des espèces concernées), les installations le long des voies migratoires – même à grande distance des limites du bien – peuvent représenter de sérieuses menaces. Par exemple, les éoliennes placées le long des principales trajectoires des oiseaux migrateurs peuvent entraîner des collisions ou perturber les cycles naturels.
Paysages culturels et intégrité visuelle
Un paysage culturel inscrit comme bien du patrimoine mondial peut tirer une partie de sa valeur des panoramas dégagés et pittoresques qu’il offre – par exemple une vue sur un vignoble en terrasse donnant sur une vallée ou la silhouette d’un village historique niché dans la campagne. Si de nouvelles installations (parc solaire ou infrastructures de grande taille) sont construites dans ce panorama – même en dehors de la zone tampon – elles pourraient perturber le paysage et nuire à l’expérience et à la compréhension des valeurs du bien.
Zones à usage saisonnier et fonctionnel
Lorsque des biens tirent une partie de leur valeur universelle exceptionnelle des usages traditionnels et des pratiques qui s’y déroulent – pâturages, chemins de pèlerinage, élevage traditionnel – le cadre plus large peut englober des zones utilisées seulement pendant certaines saisons ou en lien avec des événements ponctuels. Ces relations fonctionnelles doivent être prises en compte lors de la planification, car toute perturbation peut avoir des répercussions négatives sur le patrimoine vivant lié au site.
Outils et recommandations
- Il peut être utile d’évaluer les vulnérabilités et de cartographier les zones sensibles pour délimiter la zone du projet et les zones à exclure.
- Ces outils améliorent la transparence, facilitent une planification responsable et étayent les démarches des promoteurs et des décideurs.
➔ See also NOTE 1
Le lien entre le cadre plus large et la planification de projets
Les limites spatiales des biens du patrimoine mondial et leurs implications en matière de protection et de gestion ont une grande importance en ce qui concerne la planification des projets. La valeur universelle exceptionnelle d’un bien du patrimoine mondial étant étroitement liée aux limites du bien, les impacts potentiels des changements ou des projets planifiés et proposés en dehors de ces zones bien définies et cartographiées peuvent être négligés par les promoteurs des projets. Néanmoins, les changements proposés, les développements ou projets prévus en dehors des limites du bien et de la zone tampon peuvent avoir une forte incidence sur la valeur universelle exceptionnelle du bien et les attributs qui la transmettent. Par conséquent, toutes les propositions susceptibles d’avoir des effets négatifs sur le patrimoine – même en dehors des limites d’un bien du patrimoine mondial et dans son cadre plus large – doivent faire l’objet d’une évaluation d’impact.
Pour de nombreux biens du patrimoine mondial, parvenir à un développement durable exigera d’agir à une échelle beaucoup plus grande que celle du bien lui-même. Dans le cadre de ce processus, certaines dimensions du développement durable peuvent s’avérer plus utiles et pertinentes que d’autres. Ainsi, les États parties doivent intégrer les approches de conservation et de gestion des biens du patrimoine mondial dans leurs cadres plus larges de planification nationale et régionale, en tenant compte des exigences du patrimoine mondial et de l’intégrité des systèmes socioécologiques.
Que faut-il prendre en compte pour mettre en place des projets d’énergie éolienne et solaire de grande ampleur ?
Pour planifier un projet d’énergie éolienne ou un projet d’énergie solaire de grande ampleur à proximité d’un bien du patrimoine mondial, vérifier les cartes ne suffit pas. Il faut comprendre le contexte spatial dans son ensemble et en particulier le cadre plus large, bien souvent négligé.
Même si le cadre plus large n’est pas cartographié, il doit être pris en compte
Dans de nombreux pays, les documents de planification ne définissent pas le cadre plus large des biens du patrimoine mondial et ne le protègent pas. Pourtant, cette zone peut grandement contribuer à la valeur universelle exceptionnelle (VUE) d’un bien. C’est la raison pour laquelle le processus d’évaluation d’impact— et en particulier la phase d’étude préliminaire— doit identifier ce cadre pour chaque projet, avec le soutien des gestionnaires du site.
- ➔ Voir aussi la Définition de la portée dans le Guide et boîte à outils pour les évaluations d’impact dans un contexte de patrimoine mondial
Les impacts peuvent se manifester à distance
Les promoteurs et planificateurs des projets doivent savoir que les installations d’énergie éolienne et solaire, en particulier lorsqu’elles sont de grande envergure, peuvent avoir des répercussions sur un bien du patrimoine mondial, même si elles en sont éloignées. Les impacts peuvent être variés :
- intrusions visuelles dans des paysages et des bassins visuels importants sur le plan culturel
- perturbations des systèmes écologiques et des voies de migration
- perturbations des expressions du patrimoine immatériel
- répercussions sur les infrastructures secondaires (voies d’accès, trafic maritime, bâtiments d’exploitation, etc.)
La collaboration précoce est essentielle
Les stratégies énergétiques nationales et régionales doivent prendre en considération les sites du patrimoine mondial, dès le départ. De même, les promoteurs des projets doivent consulter les gestionnaires des sites et les autorités concernées au début du processus de planification. En communiquant dès le départ, les acteurs peuvent :
- partager les informations sur les zones sensibles
- définir les zones se prêtant bien – ou non – à l’installation de projets d’énergie renouvelable
- éviter les conflits et les retards ultérieurs.
Les décisions fondées sur des éléments probants renforcent la confiance
L’implantation du site doit être décidée sur la base d’éléments clairs. Des outils tels que les cartes de sensibilité paysagère, les évaluations d’impact et les études de vulnérabilité sont indispensables pour comprendre les risques et trouver le bon équilibre entre développement et protection. Une planification transparente et inclusive crée un climat de confiance entre :
- les promoteurs
- les gestionnaires de sites
- les experts du patrimoine
- les détenteurs de droits et les communautés
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