Le Comité du patrimoine mondial,
- Ayant examiné les documents WHC/24/46.COM/8B et WHC/24/46.COM/INF.8B1,
- Approuve la modification importante des limites de Christiansfeld, une colonie de l’Église morave, Danemark, pour inclure Herrnhut (Allemagne), Gracehill (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord), et Bethlehem (États-Unis d’Amérique) et devenir les Colonies de l’Église morave, Danemark, Allemagne, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et États-Unis d’Amérique sur la Liste du patrimoine mondial sur la base des critères (iii) et (iv) ;
- Adopte la déclaration de valeur universelle exceptionnelle suivante :
Brève synthèse
Les Colonies de l’Église morave à Herrnhut (Saxe, Allemagne), Bethlehem (Pennsylvanie, États-Unis d’Amérique), Gracehill (Irlande du Nord, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord), et à Christiansfeld (Jutland, Danemark) ont été établies suivant des principes de planification globaux, qui reflètent les idéaux de l’Église morave, tels qu’exprimés dans leurs plans et leur organisation démocratique. Herrnhut, fondé en 1722 en tant que « colonie-mère », est un témoignage des principes moraves d’origine en matière de conception urbaine et architecturale, ainsi que des attributs clés des idéaux spirituels, sociétaux et éthiques de l’Église. Bethlehem, établie en 1741, est la première colonie permanente de l’Église morave en Amérique du Nord, la plus importante et la mieux conservée. Gracehill, créée en 1759 et doté d'un plan quadrillé centré sur la place du village est la colonie de l’Église morave la mieux conservée des îles de Grande-Bretagne et d’Irlande. Fondé en 1773, Christiansfeld, avec sa place centrale intacte et son impressionnante collection de bâtiments, constitue l’exemple d’une colonie de Église morave la mieux conservée en Europe du Nord. Chaque ensemble architectural témoigne de la vision de l’Église morave, basée sur une conception d’une ville cohérente et unifiée, s’inspirant du concept de « ville idéale » développé par l’Église au cours de sa phase de formation au XVIIIe siècle et au début du XIX siècle.
Les quatre colonies ont toutes des bâtiments moraves distinctifs, comprenant un type particulier de Gemeinhaus (maison de la congrégation), l’église, et des maisons du chœur (grandes structures conçues comme habitations collectives pour des hommes célibataires, des femmes célibataires, et des veuves), et un Acre de Dieu (cimetière) à proximité. Chaque colonie a son propre caractère architectural basé sur un style civique baroque original de l’Église morave, mais adapté aux conditions locales. Ces bâtiments représentent ensemble la dimension et la cohérence transnationales de la communauté morave internationale en tant que réseau mondial. De nos jours, une congrégation est active dans chaque élément constitutif, où des traditions sont perpétuées et constituent un patrimoine morave vivant.
Critère (iii) : La série transnationale de colonies de l’Église morave apporte un témoignage exceptionnel sur les principes de l’Église morave, qui sont exprimés dans les agencements, l’architecture et l’artisanat de ces colonies, et par le fait que de nombreux bâtiments sont encore utilisés pour leurs fonctions d’origine ou pour la poursuite des activités et traditions de l’Église morave. Les colonies de Herrnhut, Bethlehem, Gracehill, et Christiansfeld, possédant chacune une série exceptionnelle d’attributs matériels et immatériels, représentent un réseau dynamique dans le monde entier, dans lequel aucune colonie ou congrégation n’existe de manière isolée. Elles mettent en évidence, ensemble, l’influence de l’Église morave dans les processus de colonisation et d’œuvre missionnaire, et sa structure, en tant que réseau pendant sa phase de formation au XVIIIe siècle et au début du XIX siècle. La présence continue de communautés de l’Église morave dans chacune des colonies rattache leurs agencements et structures historiques à la tradition culturelle vivante de l’Église morave et de la communauté plus large de cette Église.
Critère (iv) : La série transnationale de colonies de l’Église morave offre un exemple exceptionnel d’urbanisme religieuse, au sein la tradition protestante, combinant les aspects spirituels et les considérations pratiques de la vie en communauté. Chaque ensemble architectural témoigne de la vision de l’Église morave d’une conception urbaine cohérente et unifiée, s’inspirant du concept de « ville idéale » et anticipant les idéaux d’égalité et d’amélioration sociale des Lumières, qui devinrent une réalité pour beaucoup, seulement bien plus tard. L’organisation démocratique de l’Église morave s’exprime dans son urbanisme humaniste et les importants bâtiments consacrés au bien-être commun, et dans les connections visuelles et fonctionnelles entre des éléments individuels et avec l’environnement paysager. Ces éléments, constitués pendant la phase de formation des colonies de l’Église morave, représentent le mouvement vers la démocratisation, offrant le même niveau de vie à tous ses membres et faisant progresser le bien-être du groupe. Chaque colonie détient des fonctions distinctes et illustre une unité au travers de groupes de bâtiments homogènes partageant les mêmes styles, matériaux et proportions (chacun étant adapté aux conditions locales), associés à une haute qualité de l’artisanat.
Intégrité
Le bien en série transnational comprend tous les attributs nécessaires pour transmettre sa valeur universelle exceptionnelle, et a une taille appropriée pour assurer la représentation complète des caractéristiques qui expriment son importance. Le bien comprend quatre éléments constitutifs qui illustrent ensemble les origines, l’évolution, et la diffusion mondiale des colonies de l’Église morave pendant leur phase de formation. Ces élément constitutifs représentent la continuité du patrimoine religieux, chacun partageant un ensemble d’attributs communs, tout en apportant une contribution à la série, notamment au travers d’un rayonnement géographique et culturel distinctif, des variantes représentatives des plans urbains, des exemples de types de construction spécifiques, des contributions régionales au style architectural et aux matériaux de construction locaux, de la période d’établissement de la colonie, et des relations avec d’autres colonies et postes de mission.
Les plans urbains restent lisibles et largement intacts. Les relations visuelles et fonctionnelles au sein des colonies et, dans certains cas, avec les paysages environnants, ont en grande partie subsisté en restant lisibles. Aucune des colonies ne souffre d’un manque d’entretien et aucune n’est menacée par un changement irréversible.
Authenticité
Le bien en série transnational est considérablement authentique en termes de situation et cadre, de forme et de concepts, de matériaux et substance, et d’artisanat. De nombreux bâtiments restent utilisés par l’Église morave. La continuité de la communauté de l’Église morave contribue à sauvegarder l’esprit et l’impression, ainsi que l’atmosphère authentiques du bien en série. La présence d’une communauté active dans chaque colonie entretient une tradition culturelle vivante de l’Église morave.
La plupart des unités résidentielles présentent des intérieurs modernisés, conformes aux normes de vie contemporaines, mais dont l'authenticité a été préservée autant que de possible. Dans certains cas, les rénovations auraient pu être exécutées dans un plus grand respect de l’authenticité, et certains aspects des matériaux et des techniques de construction historiques auraient pu être maintenus. Les futures modernisations, y compris des intérieurs, devraient accorder une attention particulière à la conservation du tissu historique. Des programmes de conservation et d’entretien devraient être élaborés pour les attributs clés, et l’utilisation de techniques et de matériaux de conservation appropriés devrait être assurée.
Éléments requis en matière de protection et de gestion
Chaque élément constitutif du bien en série bénéficie d’une protection garantie par la législation et les règlements sur l’aménagement du territoire, ancrés dans les mécanismes de protection propres à chaque État partie. La responsabilité de la protection de chacun des éléments constitutifs du bien relève des autorités nationales, régionales, et/ou locales, suivant le cas.
Au cours des trois derniers siècles, la communauté de l’Église morave a assuré la protection traditionnelle de ses bâtiments par le biais des exigences de l’Église en matière d’utilisation, et reste très active dans le maintien de ses services religieux et sociaux. Ces activités soutiennent également les principes spirituels, sociaux et éthiques qui font l’importance des colonies.
Un système de gestion global pour le bien en série transnational a été élaboré avec un plan de gestion international et un plan d’action approuvés par toutes les parties prenantes. Un Comité gouvernemental international, constitué des points focaux nationaux du patrimoine mondial et/ou d’un représentant de l’autorité supérieure de la protection des monuments ou du patrimoine, sera responsable des affaires au niveau des États parties et leurs obligations au titre de la Convention sur le patrimoine mondial, tandis qu’un groupe de coordination transnational sera composé des représentants de chaque élément constitutif. Un groupe consultatif transnational de l’Église morave fournira un regard cohérent sur les questions relatives aux des attributs matériels et immatériels. Chaque élément constitutif disposera d’un gestionnaire/coordinateur de site et d’un plan de gestion local qui sera conforme au plan de gestion international global.
- Recommande que les États parties prennent en considération les points suivants :
- améliorer la présentation des attributs qui soutiennent la valeur universelle exceptionnelle, et en particulier la présentation de la maison des Pèlerins (Pilgerhaus) accueillant des missionnaires invités ou pensionnés, et des bâtiments montrant des aspects de la vie quotidienne comme la maison de la Buanderie collective (Alte Rolle, 1788),
- élaborer une analyse complète et détaillée pour déterminer dans quelle mesure les plans urbains, les bâtiments individuels et les structures clés des éléments constitutifs ont conservé leurs formes, leurs matériaux et leurs fonctions historiques afin de mieux orienter la conservation, la présentation, et la gestion des éléments constitutifs,
- élaborer davantage une stratégie transnationale commune d’interprétation et de présentation, en coopération avec l’Église morave et les populations locales, pour présenter l’intégralité du réseau de colonies moraves, leur évolution et leur importance,
- élaborer des inventaires et des programmes de conservation et d’entretien correspondant aux éléments constitutifs et à leurs attributs clés individuels, qui intègrent des orientations et des exigences concernant l’utilisation de techniques et matériaux appropriés,
- approuver officiellement et mettre en œuvre le plan de gestion international et les plans de gestion locaux individuels,
- élaborer davantage les indicateurs de suivi pour les rendre plus mesurables et précis, de façon à couvrir tous les attributs de valeur universelle exceptionnelle, et faciliter l’intégration des résultats dans le questionnaire du Rapport périodique,
- entreprendre une évaluation d’impact sur le patrimoine pour toute proposition d’aménagement susceptible d’avoir un impact sur la valeur universelle exceptionnelle, l’authenticité, et l’intégrité du bien avant que toute décision difficilement réversible ne soit prise.