Le Comité du patrimoine mondial,
- Ayant examiné les documents WHC/24/46.COM/8B et WHC/24/46.COM/INF.8B1,
- Inscrit La Cour royale de Tiébélé, Burkina Faso, sur la Liste du patrimoine mondial sur la base du critère (iii) ;
- Adopte la déclaration de valeur universelle exceptionnelle suivante :
Brève synthèse
Installée depuis le XVIe siècle au pied de la colline Tchébili, à 172 kilomètres au sud de la capitale Ouagadougou et à une quinzaine de kilomètres au nord de la frontière avec le Ghana, la Cour royale de Tiébélé est un ensemble architectural en terre témoignant de l’organisation sociale et des valeurs culturelles du peuple Kasena.
Son architecture spécifique alliant la terre, le bois, la bouse de vache et la paille est organisée selon une répartition sociale et spatiale au sein de la Cour en fonction du statut des habitants. On distingue en particulier les maisons mères ou Dinian, édifices fondateurs du domaine, au plan en forme de huit et réservées aux personnes âgées, aux veuves, aux femmes célibataires et aux enfants ; les maisons des jeunes mariés de forme quadrangulaire (Mangolo) ; et celles des adolescents et hommes célibataires de forme circulaire (Draa).
À ces habitations s’ajoutent des éléments sacrés symboliques : le pourou, butte sacrée où est enterré le placenta des nouveau-nés de la famille royale ; le figuier rouge marquant l’entrée de la Cour et sous lequel sont disposées les pierres sacrées (dala), sièges des princes et notables ; le nabari, tombe du fondateur de la famille royale ; le nankongo, qui fait office de tribunal et de lieu de palabre ; et le bonnalè, cimetière de la Cour royale. Ces éléments évoquent un témoignage éloquent de la préservation des pratiques traditionnelles propres à la culture Kasena.
La Cour est également le réceptacle de pratiques et de savoir-faire qui contribuent à en faire un site évolutif et vivant. La pratique de la décoration murale, exclusivement réservée aux femmes de la Cour, est soumise à un répertoire de motifs à la fois anciens et constamment renouvelé, transmis de génération en génération par l’observation et la pratique, ainsi que par l’organisation de cérémonies et concours. Les pratiques rituelles permettant le culte des ancêtres et les rites funéraires s’inscrivent dans un rituel spirituel et temporel spécifique à la culture Kasena, sous l’autorité du Pê.
Critère (iii) : La Cour royale de Tiébélé représente un exemple éminent d’ensemble architectural en terre, qui se distingue à la fois par la technique de construction, la répartition spatiale, sociale et fonctionnelle, le rôle des hommes et des femmes dans la construction, la pluralité des formes d’architectures, son style décoratif et sa spécificité en tant que site vivant. Elle illustre de manière remarquable la culture Kasena, dont l’architecture de la Cour royale et les décorations murales sont représentatives, ainsi que les aspects sociaux, anthropologiques et politiques qui lui sont associés. Ces caractéristiques sont un témoignage exceptionnel et vivant de la culture et des traditions du peuple Kasena, qui ont évolué au cours du temps tout en préservant l’identité et les valeurs des Kasena.
Intégrité
L’intégrité de la Cour royale de Tiébélé repose sur l’ensemble des édifices organisés en concession ainsi que sur les éléments sacrés symboliques qui continuent à être utilisés. La Cour royale a conservé son emprise et demeure à ce jour préservée du développement urbain par ses abords immédiats qui conservent un caractère à dominante naturelle. Le bien comprend l’ensemble des attributs de la valeur universelle exceptionnelle. L’intégrité demeure cependant menacée par un défaut d’entretien, voire la ruine de certaines concessions et l’emploi de nouveaux matériaux et de produits chimiques. Par ailleurs, l’entretien des concessions et leurs transformations occasionnent parfois des erreurs constructives à l’origine de problèmes de remontées capillaires, d’érosion et d’évacuation des eaux. Enfin, les techniques de construction des édifices sont en évolution avec notamment l’emploi de la technique de l’adobe, la réalisation de fondations en briques de ciment ou l’emploi de revêtements peints au goudron ; pratiques qui, si elles sont généralisées, sont susceptibles de porter atteinte à l’intégrité du bien.
Authenticité
Le Cour royale de Tiébélé a su préserver son authenticité au regard de la conservation ou de l’évolution des pratiques traditionnelles, que ce soit dans les méthodes de construction ou l’architecture spécifique à la culture et au mode de vie Kasena, y compris dans la répartition sociale des tâches en matière de construction et de décoration. Il est néanmoins important de mettre en place un système pour assurer la préservation des motifs anciens, tout en permettant l’évolution à travers la création de nouveaux motifs, renforçant ainsi le caractère vivant du bien et des pratiques et savoir-faire associés à son architecture. Le développement de l’usage de nouveaux matériaux tels que le ciment, la tôle ondulée, les fenêtres métalliques, ou encore le goudron et d’autres produits chimiques se substituant aux pigments naturels utilisés pour les décorations murales, sont susceptibles d’affecter l’authenticité du bien.
Éléments requis en matière de protection et de gestion
La Cour royale de Tiébélé est placée sous la tutelle administrative de la Direction générale de la culture et des arts. La Cour est protégée juridiquement par la loi 024-2007/AN du 13 novembre 2007 portant protection du patrimoine culturel au Burkina Faso et le décret n° 2014-1019/PRES/PM/MCT/MEDD/MATS/MATDS du 28 octobre 2014 portant classement des biens culturels et naturels et leur inscription sur la liste indicative du patrimoine du Burkina Faso. La loi n° 014/96/ADP du 23 mai 1996 portant réorganisation agraire et foncière au Burkina Faso (RAF) permet à la communauté de disposer de son domaine, à savoir l’ensemble de la Cour et une grande partie de la zone tampon, qui est une propriété du Pê. La dimension immatérielle de la Cour est prise en compte par l’arrêté n° 2015-0338/MCT/SG du 23 décembre 2015 portant proclamation des Trésors humains vivants du Burkina Faso. La gestion de la Cour royale de Tiébélé incombe traditionnellement au Pê (chef coutumier) et à la communauté.
Un plan de conservation et de gestion pour la période 2022-2026 a été validé en 2021. Deux organes ont été établis pour en assurer la mise en œuvre : un comité local en charge de la mise en œuvre du plan par le biais d’actions de conservation du bien, et un comité scientifique chargé de conduire des études spécifiques sur le bien.
Le système de protection et de gestion sera renforcé par l’intégration, au niveau du plan de gestion et de conservation, de l’existence et des éventuels impacts de projets d’aménagement et de développement en cours ou futurs, ainsi que du recours à des évaluations d’impact sur le patrimoine, de la gestion des risques et du suivi de la mise en œuvre du plan de conservation, en définissant les rôles, responsabilités et modalités des comités local et scientifique.
- Recommande que l’État partie prenne en considération les points suivants :
- mettre en place un système permettant d’assurer la préservation des motifs anciens tout en favorisant le développement de nouveaux motifs,
- contrôler l’utilisation de nouvelles techniques et nouveaux matériaux de construction,
- aménager des sites qui permettraient d’assurer un approvisionnement durable en matériaux traditionnels, par exemple à travers la plantation d’espèces végétales appropriées pour l’utilisation du bois,
- finaliser le processus de nomination du gestionnaire de site,
- apporter des précisions au niveau du plan de gestion et de conservation pour ce qui concerne l’existence et les éventuels impacts de projets d’aménagement et de développement en cours ou futurs, ainsi que le recours à des évaluations d’impact sur le patrimoine, la gestion des risques et le suivi de la mise en œuvre du plan de conservation à travers la définition des rôles, responsabilités et modalités des comités local et scientifique,
- élaborer dans le cadre du plan de gestion une stratégie de tourisme durable,
- développer le système de suivi pour prendre en compte l'ensemble des attributs de la valeur universelle exceptionnelle afin de répondre de manière appropriée aux menaces qui pèsent sur les conditions d’authenticité du bien,
- informer le Centre du patrimoine mondial et les Organisations consultatives de tout projet de développement à l’intérieur du bien ou de sa zone tampon, y compris l’installation du centre d’interprétation de l’architecture traditionnelle Kasena ou les aménagements touristiques à l’intérieur de la zone tampon,
- Demande à l’État partie de soumettre au Centre du patrimoine mondial d’ici le 1erdécembre 2025, un rapport sur la mise en œuvre des recommandations susmentionnées pour examen par le Comité du patrimoine mondial lors de sa 48e session.