VIII.29 Parc national de Kakadu (Australie)
Le Comité a rappelé qu'en juillet 1999, la troisième session extraordinaire du Comité a étudié l'état de conservation du Parc national de Kakadu eu égard à l'aménagement d'une mine d'uranium sur la concession minière de Jabiluka, située dans une enclave du Parc.
Le Comité a étudié l'état de conservation de ce bien mixte, culturel et naturel, en deux parties, relatives aux valeurs naturelles et aux valeurs culturelles.
Valeurs naturelles
Le Comité a été informé que le Comité scientifique indépendant (ISP) du Conseil international pour la science (CIUS) et un représentant de l'UICN avaient participé à une mission au Parc national de Kakadu et aux concessions minières de Jabiluka et Ranger en juillet 2000.
Le Comité a noté les conclusions du rapport de l'ISP du CIUS présentées par le Pr Brian Wilkinson, responsable de l'ISP (WHC-2000/CONF203/INF.20) (voir Annexe XI), la déclaration faite par l'UICN au Comité (voir Annexe XII) et la réponse du scientifique superviseur australien (voir Annexe XIII).
Le Directeur du Centre du patrimoine mondial a informé le Comité que, le 28 novembre 2000, l'État partie avait annoncé qu'un nouvel accord avait été signé entre le Gouvernement du territoire du Nord et le Gouvernement du Commonwealth pour prévoir une nouvelle réglementation sur l'exploitation minière dans le Territoire du Nord.
Le Délégué de l'Australie a remercié l'ISP du CIUS et l'UICN de leur participation constructive à la mission de juillet 2000. S'agissant du motif de préoccupation suscité par le changement de propriété de la compagnie minière Energy Resources of Australie Inc (ERA), il a informé le Comité que le Ministre de l'Environnement et du Patrimoine avait écrit à l'ERA le 22 septembre pour lui demander de respecter les engagements pris envers le Comité du patrimoine mondial en juillet 1999. Un double de la lettre du Ministre a été adressé à Rio Tinto, société mère d'ERA. ERA a répondu le 21 octobre 2000 pour confirmer qu'elle respecterait les engagements.
Le Délégué de l'Australie a indiqué qu'il respectait profondément les avis de l'ISP et du scientifique superviseur de l'ISP concernant le suivi. Il a déclaré qu'il allait rechercher des fonds pour mettre rapidement en oeuvre un suivi à Jabiluka dans le cadre des procédures normales d'ouverture de crédits budgétaires.
En réponse aux questions relatives à la recommandation de l'ISP d'établir un Comité consultatif scientifique indépendant pour le projet d'exploitation minière et de broyage d'uranium à Jabiluka soulevées par le Délégué de la Finlande, le Délégué de l'Australie a informé le Comité que les postes de Président et de la majorité des membres votants de l'actuel Comité d'étude scientifique seraient confiés à des sociétés savantes australiennes telles que l'Académie australienne des Sciences et son homologue pour l'ingénierie et la technologie.
Le Comité a adopté la décision suivante concernant la protection des valeurs naturelles du Parc national de Kakadu :
La vingt-quatrième session du Comité du patrimoine mondial, rappelant :
1. La décision du Comité de juillet 1999 demandant que le CIUS poursuive le travail de l'ISP pour évaluer, en coopération avec le scientifique superviseur et l'UICN, la réponse de ce dernier au premier rapport de l'ISP,
Note
2. Que la conclusion générale de l'ISP est que le scientifique superviseur a recensé tous les principaux risques pour les valeurs naturelles du site du patrimoine mondial de Kakadu qui peuvent actuellement être perçues comme résultant de la solution proposée de broyage d'uranium à Jabiluka ; ces risques ont été analysé en détail et quantifiés avec un degré élevé de certitude scientifique ; ces analyses ont montré que ces risques sont très faibles voire négligeables et que la mise à exécution de la solution proposée de broyage à Jabiluka ne devrait pas menacer les valeurs naturelles de patrimoine mondial du Parc national de Kakadu ;
3. Que l'évaluation de l'ISP n'a été faite qu'en liaison avec la proposition d'aménagement de Jabiluka, comme l'indique le Rapport d'avril 1989 du scientifique superviseur au Comité du patrimoine mondial et qu'elle n'est pas nécessairement liée à une quelconque proposition future relative à la solution proposée de broyage à Jabiluka
4. Que l'Australie a fourni l'assurance que tous les nouveaux aspects de la proposition de Jabiluka feraient l'objet d'une évaluation officielle du scientifique superviseur et que tout changement important serait soumis au Président du comité d'étude scientifique (voir ci-dessous) pour commentaires
5. Que l'ISP a fait un certain nombre de recommandations associées aux processus qui devraient, à son avis, être suivis dans la conception finale du projet, ainsi que sur la réglementation en vigueur et le processus de suivi
6. Que le Gouvernement australien a accepté le sens général de toutes les recommandations de l'ISP et de l'UICN, en particulier (a) Le Gouvernement australien a décidé de modifier la composition et le rôle de l'actuel comité d'étude scientifique statutaire pour répondre aux besoins définis par l'ISP dans sa recommandation sur la création d'un Comité consultatif scientifique indépendant. Le Président et la majorité des membres votants seront désignés d'après la sélection opérée par l'organe le plus représentatif de scientifiques et d'ingénieurs australiens, éventuellement l'Académie des sciences australienne. Ce Comité aura capacité de rendre compte ouvertement, en toute indépendance et sans restriction aucune (b) Le rôle de supervision du scientifique superviseur a été renforcé par l'accord conclu entre les Gouvernements du Commonwealth et du Territoire du Nord en date du 17 novembre 2000
7. Que l'Australie, notant que les valeurs naturelles de la concession et des zones environnantes ont été largement documentées et analysées à travers le processus d'évaluation de l'impact environnemental pour Jabiluka, a entrepris d'étendre cette tâche comme l'ont recommandé l'ISP et l'UICN.
Le Comité du patrimoine mondial :
8. Se déclare satisfait des travaux de l'ISP et de l'UICN, ainsi que de la réponse du Gouvernement australien à leurs recommandations
9. Demande que le Gouvernement australien affecte dès que possible des ressources permettant la réalisation de l'analyse du paysage et de l'écosystème, et du programme de suivi recommandé par l'ISP et l'UICN, ainsi que la nomination d'un spécialiste des ressources en eau au Bureau du scientifique superviseur
10. Au regard de ce qui précède, il conclut que la proposition actuellement approuvée concernant la mine et le broyage de l'uranium à Jabiluka ne menace ni la santé des habitants, ni les systèmes biologiques et écologiques du Parc national de Kakadu que la mission de 1998 avait estimés menacés.
Valeurs culturelles
Le Directeur du Centre du patrimoine mondial a demandé au Comité de se référer au texte de la recommandation de la vingt-quatrième session extraordinaire du Bureau. Depuis, le Comité a été informé qu'il avait reçu une lettre datée du 28 novembre 2000, d'Yvonne Margarula, propriétaire traditionnelle principale du peuple mirrar, l'informant de la rupture des pourparlers entre le peuple mirrar et le Gouvernement australien au sujet d'un nouveau processus concernant la protection du patrimoine culturel (comme indiqué dans la recommandation du Bureau). (Voir Annexe XIV).
Le représentant de l'ICOMOS a observé que quand l'ICOMOS avait réalisé l'évaluation des propositions d'inscription de la phase I et de la phase II de Kakadu, pour classement sur la Liste du patrimoine mondial, les valeurs culturelles avaient été évaluées par rapport à l'archéologie et à l'art rupestre de l'endroit. Ce n'est qu'à l'évaluation de la phase 3 des propositions d'inscription que les traditions culturelles vivantes avaient été étudiées comme il se doit.
Le représentant de l'ICOMOS a souligné que pour toute évaluation d'impact concernant le patrimoine culturel, il fallait disposer d'une cartographie culturelle. Il a reconnu que les relations entre les propriétaires traditionnels mirrar et le Gouvernement australien se trouvaient dans une impasse et il a suggéré d'appliquer le processus utilisé par l'ISP du CIUS pour résoudre la question de la cartographie culturelle. Il a suggéré la création d'un groupe international indépendant pour s'entretenir avec les Mirrar et le Gouvernement australien afin de trouver une issue.
Le Délégué de la Thaïlande a mis en garde contre une ingérence dans les affaires nationales par la création d'un groupe international indépendant pour traiter des questions culturelles à Jabiluka.
Le Délégué de la Hongrie était confiant dans le fait qu'une solution pouvait être trouvée et a évoqué l'importance exceptionnelle du patrimoine culturel vivant du Parc national de Kakadu. Il s'est déclaré préoccupé de la situation actuelle présentée au Comité.
Le Délégué de l'Australie s'est déclaré préoccupé de la rupture du dialogue entre les Propriétaires traditionnels mirrar et le Gouvernement australien. Il l'a cependant considérée comme une « interruption » et non comme la fin du processus de dialogue. Il a informé le Comité que le Ministre de l'Environnement et du Patrimoine était prêt à reprendre les discussions à tout moment. Expliquant ce qui avait pu causer cette interruption, il s'est référé à une lettre d'Yvonne Margarula qui mentionnait les inquiétudes concernant les allégations d'incitations financières qui auraient été faites au Peuple mirrar (voir Annexe XIV). Il a insisté sur le fait qu'il n'avait jamais été fait d'offre de ce genre par les négociateurs australiens.
Le Délégué de l'Australie a indiqué au Comité que le seul engagement pris par le Gouvernement australien envers le Comité en juillet 1999 qui n'ait pas été totalement tenu concerne la mise au point d'un plan de gestion du patrimoine culturel et d'une cartographie culturelle. Il a rappelé que la mine de Jabiluka était en mode d'attente et de gestion environnementale et qu'il n'y aurait pas de production commerciale pendant une très longue période ce qui reflétait l'engagement pris par rapport aux mines séquentielles. Il a déclaré que la compagnie minière était juridiquement obligée de fournir un Plan de gestion du patrimoine culturel et que le Gouvernement australien souhaitait que l'on trouve aussitôt que possible un processus préparatoire adapté, par le biais de négociations nationales.
La Déléguée de l'Afrique du Sud a fait part de son accord pour le processus d'étude indépendante proposé par l'ICOMOS et elle a suggéré d'avoir recours aux bons offices. Elle a instamment demandé au Gouvernement australien de convenir d'un processus impliquant un médiateur extérieur en faisant remarquer que Kakadu est un site de valeur pour l'ensemble de l'humanité et non pas uniquement pour l'Australie.
Le Délégué de la Finlande a suggéré d'utiliser une méthode de travail analogue à celle retenue pour traiter les questions scientifiques, afin d'assurer un avancement dans les questions liées au patrimoine mondial.
Le Délégué du Canada a reconnu l'importance des valeurs culturelles vivantes de Kakadu et il a indiqué que les membres du Comité souhaitaient qu'elles soient protégées. Si un accord entre les Mirrar et l'État partie n'était pas possible, il faudrait envisager la participation d'un tiers.
L'observateur de la Papouasie-Nouvelle-Guinée a insisté sur l'importance de reconnaître les valeurs du patrimoine culturel vivant dès le début du processus du recensement et de protection du patrimoine mondial.
L'ICCROM a ajouté que tout en ayant vivement soutenu la recommandation proposée par la vingt-quatrième session du Bureau, en particulier parce qu'elle mettait l'accent sur l'importance du processus, il craignait que ce « processus » soit interprété de différentes façons par différents délégués ; comme un « dialogue aidé des médiateurs » selon l'Afrique du Sud, comme une « étude » ou un « groupe de référence scientifique» selon l'ICOMOS et d'autres. L'ICCROM sentait qu'une clarification de toute référence faite au processus était nécessaire afin que la recommandation consolidée en cours de rédaction puisse aider l'État partie d'une façon pleinement efficace.
Yvonne Margarula, propriétaire traditionnelle principale mirrar, a été invitée à prendre la parole devant le Comité. Elle a parlé de son pays (ses terres traditionnelles), des sites sacrés et des « sites dangereux » (djang) qui se trouvent à Jabiluka. Elle a déclaré que son pays était « en danger » car le Gouvernement australien disait que les Mirrars mentaient lorsqu'ils disaient que le site était sacré et qu'ils lançaient un appel à l'aide au Comité du patrimoine mondial. Le Délégué de l'Australie a dit que le Ministère de l'Environnement et du Patrimoine insistait sur le fait qu'il ne croyait pas que les Mirrars agissaient de façon malhonnête.
Le Comité a adopté la décision suivante sur la protection des valeurs culturelles du parc national de Kakadu :
Le Comité,
11. A noté la préoccupation des propriétaires traditionnels qui craignent le maintien de sérieux impacts sur les valeurs culturelles vivantes du Parc national de Kakadu suite au projet d'exploitation minière et de broyage d'uranium à Jabiluka ;
12. A considéré que la précédente décision du Comité concernant la cartographie culturelle et la préparation d'un plan de gestion du patrimoine culturel pour Jabiluka ne peut être actuellement mise en oeuvre et qu'il faut adopter une nouvelle approche fondée sur un partenariat entre toutes les parties concernées pour assurer la protection des valeurs culturelles vivantes du Parc national de Kakadu ;
13. A rappelé qu'à la vingt-quatrième session du Bureau à Paris (2000), l'ICOMOS s'est déclaré prêt « à participer à des activités visant à résoudre des questions du patrimoine culturel liées à la gestion du Parc national de Kakadu » ;
14. A noté que l'État partie est prêt à étudier s'il faut envisager un nouveau processus pour traiter les questions en suspens relatives aux valeurs culturelles. L'État partie aurait recours aux bons offices pour tout nouveau processus, en consultation avec les propriétaires traditionnels et autres acteurs nationaux concernés ;
15. S'est déclaré déçu de l'interruption actuelle du dialogue entre l'État partie et les propriétaires traditionnels mirrar ;
16. A réaffirmé l'importance du patrimoine culturel vivant du Parc national de Kakadu ;
17. A encouragé l'État partie et les propriétaires traditionnels mirrar à reprendre et poursuivre leurs efforts à travers un dialogue constructif, afin de mettre au point ensemble un processus aboutissant à la protection du patrimoine culturel de Kakadu.
18. En cas de maintien de l'interruption du dialogue, a demandé que l'État partie et les propriétaires traditionnels mirrar envisagent d'avoir recours aux bons offices pour ce dialogue afin de parvenir à un processus approuvé d'ici la vingt-cinquième session du Comité en 2001.