Faites une recherche à travers les informations du Centre du patrimoine mondial.

i
ii
iii
iv
v
vi
vii
viii
ix
x

Sites préhistoriques et grottes ornées de la vallée de la Vézère

France
Facteurs affectant le bien en 2008*
  • Micro-organismes
Assistance internationale : demandes reçues pour le bien jusqu'en 2008
Demandes approuvées : 0
Montant total approuvé : 0 dollars E.U.
Missions sur le bien jusqu'en 2008**

2006: visite du Centre du patrimoine mondial

Problèmes de conservation présentés au Comité du patrimoine mondial en 2008

En 2003, le Centre du patrimoine mondial a déjà pris contact avec l'Etat partie suite à des inquiétudes exprimées par des particuliers et par la presse spécialisée quant à l'état de conservation de la grotte de Lascaux, une des composantes du bien du patrimoine mondial. Le 10 avril 2003, les autorités de l'Etat partie ont remis un rapport détaillé sur l’état de conservation du bien qui a été étudié par l'ICOMOS.

Des inquiétudes répétées ont été exprimées, au cours des années 2007 et 2008, par de nombreux particuliers, par des ONG et par le Comité international pour la préservation de Lascaux à propos de l'état de conservation des peintures rupestres de la grotte de Lascaux, en particulier en ce qui concerne le spectaculaire développement de spores de moisissure à la surface des peintures provoqué par un déséquilibre bioclimatique dans la grotte, dont l'importance est devenue critique en 2001, puis, de nouveau en 2007. Des articles de presse ont décrit très précisément les symptômes.

Le bien est composé de 147 sites paléolithiques et de 25 grottes ornées situés dans la vallée de la Vézère. La grotte de Lascaux est d'une importance capitale pour l'histoire de l'art préhistorique. Les scènes de chasse représentent 100 animaux et sont remarquables par leurs détails, la richesse de leurs couleurs et leur qualité figurative. Suite à sa découverte en 1940, la grotte a été placée sous la protection juridique de la législation des monuments historiques. Le propriétaire privé de la grotte a entrepris des travaux afin d'en extraire de considérables quantités de pierres et de sédiments et de permettre l'accès au public. En 1957, des systèmes d'éclairage et d'extraction d'air ont été mis en place.

a) Historique de la conservation

Dès 1960, des modifications du microclimat de la grotte, liées à la présence des visiteurs et des infrastructures d'accueil, ont commencé à nuire aux peintures. Quelques années plus tard, une prolifération d'algues a débuté et une précipitation de carbonate est apparue à la surface des peintures. En 1963, le Ministère de la Culture a créé le Comité d'études scientifiques et de protection de la grotte de Lascaux. Afin d'en améliorer la conservation, le Ministère de la Culture a ordonné au propriétaire la fermeture de la grotte au grand public à l'exception de cinq personnes par jour pour des visites n'excédant pas 35 minutes, le système de régulation d'air a par ailleurs été retiré. Après des applications d'antibiotiques qui se sont révélées inefficaces, la contamination biologique a été atténuée grâce à des applications de solutions à base de formol. Les résidus de ce traitement sont constitués de centaines de kilos de matière organique générée par le formol, qui a pu constituer un substrat trophique propice à la prolifération de champignons.

Une fois la grotte fermée au public et le premier système de régulation de l'air retiré, un équipement destiné à la mesure de la température et de l'humidité a été installé afin de créer un nouveau système de contrôle de l'air capable de contrebalancer les impacts liés à la présence de visiteurs. Ce nouveau système a été installé entre 1965 et 1967. La grotte est devenue propriété de l'état en 1972, et en 1983, le Ministère de la Culture a ouvert au public une réplique fac-similé représentant 50% de la grotte. Le nombre limité de visiteurs dans la grotte originale a été maintenu, et cependant, en 1998, outre des algues, du lichen est apparu.

En 2000-2001, un troisième système de régulation de l'air a été installé. Selon des rapports publiés, cet équipement ne respectait pas les courants de convection de l'air. En outre, toujours selon ces mêmes rapports, ni les vêtements des ouvriers, ni les espaces traversés par ces mêmes ouvriers en charge de l'installation de l'équipement n'étaient stérilisés. Presque immédiatement après l'installation du système, le Fusarium solani (dit "taches blanches") a colonisé et rapidement envahi la grotte, ayant des conséquences sur les peintures. Le système de régulation de l'air a été arrêté, et afin de contrôler l'invasion, des mesures ont été prises entre 2001 et 2002, entre autre, l'application généreuse de fongicides et d'antibiotiques et le nettoyage des surfaces, considéré par certains comme trop puissant. En l'absence de résultats positifs, le traitement a été abandonné.

Cependant, plus d'une tonne et demie de chaux vive avait été répandue sur le sol et s'était transformée en "calcite" (carbonate de chaux) ayant pour conséquence l'augmentation de la température de la grotte. En novembre 2005, une propagation de "taches noires" (entre autre l'Ulocladium sp.) a été observée dans l'Abside, sur le sol et les parties basses des murs. Des taches noires ont aussi été découvertes sur la corne gauche de la Vache noire de la Nef et sur les Bois du Cerf dans l'Abside. Un an plus tard, ces taches s'étaient propagées et recouvraient les peintures et les gravures.

Les conservateurs sont désormais pleinement conscients de l'importance des conditions écologiques et microclimatiques très spécifiques nécessaires à la sauvegarde des peintures, et qu'il est impératif de ne pas modifier ces conditions. Il a été observé que l'adaptation des grottes et des tombeaux à la visite du public peut provoquer l'apparition de moisissures, de champignons et de lichen, et que l'absence de maintien des conditions microclimatiques peut provoquer une prolifération de bactéries déjà présentes dans la grotte, au détriment d'autres.

Ce qui s'est déroulé à Lascaux en 2001 est une illustration poussée à l'extrême du problème. Pour entamer la modification du microclimat d'une grotte, il est nécessaire d'en connaître tous ses agents biologiques, ses cycles et son activité métabolique. On doit cependant reconnaître que les diverses interventions depuis 1957 en terme de changements structurels, d'infrastructures et d'accès du public ont fondamentalement altéré les conditions climatiques de la grotte et qu'il est désormais impossible d'envisager la reconstitution des conditions présentes lors de sa découverte.

b) Mesures correctives

En 2002, le Ministère français de la Culture a créé le Comité scientifique international de la grotte de Lascaux afin de résoudre les problèmes rencontrés. Deux années ont été nécessaires à l'élaboration d'un "projet global pour l'équilibre sanitaire de la grotte de Lascaux". Ce Comité a entrepris des recherches afin de comprendre ce qui s'était produit dans la grotte et afin d'éviter que cela ne se reproduise.

Bien que le biocide et d'autres traitements aient effacé les traces les plus manifestes du problème, celui-ci persiste, car les champignons ont développé une résistance aux traitements. Par ailleurs, les traitements et les nettoyages mécaniques n'ont pu éliminer totalement les matières organiques mortes présentes dans la grotte.

En ce qui concerne l'identification des micro-organismes, les analyses ADN représentent une grande avancée par rapport aux techniques traditionnelles. Ces analyses ADN ont démontré que les communautés microbiennes sont beaucoup plus fréquentes et répandues qu'on ne l'imaginait et répondaient à des changements mineurs des conditions, changements induits par la présence humaine, la lumière, les matières organiques, ou à des fluctuations de température et d'humidité.

Il est donc déterminant de construire un modèle scientifique aussi précis que possible qui montrera comment les précédentes interventions dans la grotte ont eu des impacts sur son microclimat, et le mode de transmission, par l'air ou par l'eau, des diverses algues et bactéries. Cela a été et est toujours examiné par le Comité scientifique international de la grotte de Lascaux. Un problème très important à résoudre est de savoir si un changement de l'air dans la grotte favoriserait ou empêcherait la transmission des spores bactériens, certains d'entre eux étant transmis par l'eau, comme le Fusarium solani ("taches blanches") alors que d'autres tel le champignon récemment identifié, Ulocladium sp. ("taches noires") est transmis par l'air.

c) Réunions avec l'Etat partie et le Comité international pour la préservation de Lascaux (ONG)

Suite aux inquiétudes exprimées par le Comité international pour la préservation de Lascaux et à des articles de presse, et, à l'invitation de l'Etat partie, le Directeur du Centre du patrimoine mondial a visité la grotte en 2006.

A la demande du Centre du patrimoine mondial, l'Etat partie a remis un rapport sur l'Etat de conservation du bien en février 2008. Suite à d'autres problèmes et dans l'impossibilité d'organiser une mission conjointe Centre du patrimoine mondial / ICOMOS au printemps 2008 puisque la grotte était alors fermée pendant trois mois, le Centre du patrimoine mondial a organisé deux réunions, au siège de l'UNESCO, la première le 29 avril 2008 avec des représentants de l'Etat partie et de l'ICOMOS, et la deuxième le 23 mai 2008 avec des représentants du Comité international pour la préservation de Lascaux, l'ICOMOS et un spécialiste des grottes de l'UICN. Le but de ces deux rencontres était de définir l'état actuel des connaissances quant aux problèmes à résoudre et aux défis à relever et si une mission de suivi était nécessaire.

Lors de la première réunion, la délégation de l'Etat partie était composée de huit représentants issus des différentes autorités de l'état, des administrations et de la communauté scientifique (le Ministère de la Culture, le Président et des membres du Comité scientifique international de la grotte de Lascaux, le Directeur du laboratoire de recherche des monuments historiques, le Conservateur régional des monuments historiques et l'Administrateur des grottes de Lascaux). L'Etat partie a reconnu qu'un traitement complémentaire pourrait être nécessaire en ce qui concerne les taches noires, a déclaré que le remplacement du système de régulation de l'air était en cours d'examen, il a confirmé que la grotte bénéficie d'un suivi permanent et que son accès est strictement réservé aux personnes en charge de sa gestion et de sa protection. L'ICOMOS estime que toute décision relative au système de régulation de l'air devrait être examinée avec beaucoup d'attention et avoir pour fondement les données issus d'un cycle complet de relevés macro climatiques.

L'Etat partie a accepté de mieux communiquer avec le grand public et encourage la publication des recherches scientifiques sur le sujet. Depuis 2006 – 2007, des outils de communication ont été mis en place, sous la forme d'un site Internet qui vient compléter les communiqués de presse émanant du Ministère de la Culture.

Les membres du Comité scientifique international de la grotte de Lascaux (créé par le Gouvernement français) ne sont pas tous d'accord sur l'interprétation qu'il faut faire des données, c'est là le propre de tout débat scientifique. Les membres de ce comité sont renouvelés régulièrement et ses statuts prévoient son ouverture à d'autres spécialistes si cela s'avère nécessaire. L'ICOMOS estime qu'il serait bon de le renforcer avec la présence en son sein de conservateurs restaurateurs et de plus d'historiens de la préhistoire. L'Etat partie a mentionné, lors de la réunion, qu'il avait mis en place un projet de protection améliorée et "de sanctuarisation de la colline de Lascaux" afin que sa stabilité environnementale soit assurée, les activités économiques susceptibles d'endommager la grotte seront déplacées. La réplique fac-similé sera transférée ailleurs dans la vallée, on lui ajoutera des infrastructures touristiques et un centre d'interprétation.

Lors de la deuxième réunion, le Comité international pour la préservation de Lascaux était représenté par cinq de ses membres (y compris des scientifiques précédemment impliqués dans la préservation du bien et le Président dudit Comité). Ils ont exprimé leurs inquiétudes quant à l'état de conservation de la grotte et à l'approche scientifique adoptée. Outre la prolifération de taches noires et blanches dans la Nef et le Passage, la principale préoccupation concerne le traitement de décoloration actuellement en cours dans la grotte. Les membres du Comité ont remarqué que ce procédé retirait des couches à la peinture des murs, endommageant ainsi de façon irréversible le bien du patrimoine mondial. Ils ont avancé l'idée que l'Etat de conservation général est suffisamment préoccupant pour que le bien soit inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en péril.

d) Conclusions

La conservation de Lascaux et de ses peintures est un problème complexe qui a évolué au cours des années et qui doit faire l'objet d'un suivi et d'un contrôle permanents. Depuis 2006, à la demande du Centre du patrimoine mondial, l'Etat partie a remis des informations précises et détaillées sur le sujet.

L'Etat partie devrait être invité à soutenir le travail accompli par le Comité scientifique international de la grotte de Lascaux et à en renforcer ses effectifs en nommant parmi ces membres des conservateurs, restaurateurs et des historiens spécialistes de la préhistoire, à continuer de limiter le nombre de personnes accédant à la grotte, à achever le projet de sauvegarde et d'isolement de la colline et à poursuivre ses efforts de communication et de publication des recherches scientifiques.

L'un des buts des deux réunions a été de déterminer avec le Centre du patrimoine mondial et les Organisations consultatives si la visite d'une mission sur le bien était capitale, la réponse à cette interrogation est positive. Cette mission devra examiner l'état général de conservation de la grotte de Lascaux et du bien dans sa totalité. 

Décisions adoptées par le Comité en 2008
32 COM 7B.88
Sites préhistoriques et grottes ornées de la vallée de la Vézère (France) (C 85)

Le Comité du patrimoine mondial,

1. Ayant examiné le document WHC-08/32.COM/7B.Add.2,

2. Exprime sa préoccupation quant à la vulnérabilité des peintures rupestres de la grotte de Lascaux et la probabilité d'une nouvelle propagation microbienne ;

3. Prend note des travaux actuellement entrepris par les autorités et le Comité scientifique international de la grotte de Lascaux et prie instamment l'État partie de :

a) Limiter strictement l'accès à la grotte ;

b) Mettre en place le projet de sauvegarde et d'isolement de la colline de Lascaux et de suivre tout impact potentiel, y compris les flux d'eau ;

c) Renforcer le Comité scientifique international de la grotte de Lascaux en y nommant des spécialistes appropriés dans les domaines de la conservation et de la préhistoire, ainsi que le Centre du patrimoine mondial et les Organisations consultatives ;

d) Mener une étude d'impact sur toute intervention à venir, y compris sur les traitements chimiques et mécaniques des peintures ;

e) Poursuivre son travail de communication afin de fournir une information complète sur toutes les activités de conservation ;

4. Encourage l'État partie à diffuser aux États parties intéressés le rapport du Comité scientifique international ;

5. Demande à l'État partie d'inviter une mission conjointe Centre du patrimoine mondial / Organisations consultatives afin d'examiner l'état général de conservation du bien, et en particulier, les menaces précises qui pourraient détériorer les peintures rupestres de la grotte de Lascaux ;

6. Demande également à l'État partie de remettre au Centre du patrimoine mondial, d'ici le 1er février 2009, un rapport sur l'état de conservation du bien, pour examen par le Comité du patrimoine mondial à sa 33e session en 2009, afin d'envisager, en l'absence de progrès substantiel dans l'identification des causes des dommages et du traitement des peintures, l'inscription du bien sur la Liste du patrimoine mondial en péril.

Projet de décision : 32 COM 7B.88

Le Comité du patrimoine mondial,

1. Ayant examiné le document WHC-08/32.COM/7B.Add.2,

2. Exprime sa préoccupation quant à la vulnérabilité des peintures rupestres de la grotte de Lascaux et la probabilité d'une nouvelle propagation microbienne;

3. Prend note des travaux actuellement entrepris par les autorités et le Comité scientifique international de la grotte de Lascaux et prie instamment l'Etat partie de:

a) Limiter strictement l'accès à la grotte;

b) Mettre en place le projet de sauvegarde et d'isolement de la colline de Lascaux et de suivre tout impact potentiel, y compris les flux d'eau;

c) Renforcer le Comité scientifique international de la grotte de Lascaux en y nommant des spécialistes dans les domaines de la conservation et de la préhistoire;

d) Envisager que soit menée une étude d'impact sur toute intervention à venir y compris sur les traitements chimiques et mécaniques des peintures;

e) Poursuivre le travail de communication afin de fournir une information complète sur les activités de conservation;

f) Encourager un programme visant à la publication exhaustive de documents dans la presse scientifique;

4. Demande à l'Etat partie d'inviter une mission conjointe Centre du patrimoine mondial / Organisations consultatives afin d'examiner l'état général de conservation du bien, et en particulier, les menaces spécifiques pesant sur les peintures rupestres de la grotte de Lascaux;

5. Demande également à l'Etat partie de remettre au Centre du patrimoine mondial, d’ici le 1er février 2009, un rapport sur l'état de conservation du bien, pour examen par le Comité du patrimoine mondial à sa 33e session en 2009, en vue de considérer, en l'absence de progrès substantiel, la possibilité d'inscrire le bien sur la Liste du patrimoine mondial en péril.

Année du rapport : 2008
France
Date d'inscription : 1979
Catégorie : Culturel
Critères : (i)(iii)
Documents examinés par le Comité
arrow_circle_right 32COM (2008)
Exports

* : Les menaces mentionnées sont présentées par ordre alphabétique ; cet ordre ne constitue nullement un classement selon l’importance de leur impact sur le bien. De plus, elles sont présentées de manière indifférenciée, que le bien soit menacé par un danger prouvé, précis et imminent (« péril prouvé ») ou confronté à des menaces qui pourraient avoir des effets nuisibles sur sa valeur universelle exceptionnelle (« mise en péril »).

** : Tous les rapports de mission ne sont pas toujours disponibles électroniquement.


top