Faites une recherche à travers les informations du Centre du patrimoine mondial.

i
ii
iii
iv
v
vi
vii
viii
ix
x

Le Havre, la ville reconstruite par Auguste Perret

France
Facteurs affectant le bien en 2023*
Facteurs* affectant le bien identifiés dans les rapports précédents
Facteurs identifiés lors de l'inscription du bien : N/A
Fonds extrabudgétaires de l’UNESCO jusqu'en 2023

Néant

Assistance internationale : demandes reçues pour le bien jusqu'en 2023
Demandes approuvées : 0
Montant total approuvé : 0 dollars E.U.
Missions sur le bien jusqu'en 2023**

Mai-juin 2023 : mission de conseil conjointe Centre du patrimoine mondial/ICOMOS

Problèmes de conservation présentés au Comité du patrimoine mondial en 2023

À la suite des échanges entre le Centre du patrimoine mondial et l’État partie depuis 2019 concernant un projet d’immeuble de grande hauteur situé au sein du bien du patrimoine mondial, un rapport sur l’état de conservation de celui-ci a été demandé en novembre 2022 pour le 1er février 2023 et une mission de conseil encouragée d’ici à la fin de l’année 2022. Aucun rapport n’a été reçu de la part de l’État partie, mais des informations supplémentaires demandées précédemment sur le projet de la tour Alta ont été mises à disposition en janvier. Un résumé de la question est présenté ci-dessous sur la base des documents reçus de l’État partie depuis 2019.

En juin 2019, le Centre du patrimoine mondial a reçu des informations de la part de tiers concernant un projet de construction d’immeuble de grande hauteur au sein des limites du bien. En septembre 2019, l’État partie a envoyé au Centre du patrimoine mondial une évaluation d’impact sur le patrimoine (EIP), qui avait été préparée en octobre 2018, pour une supposée « tour Videcoq », de 55 m de haut, qui devait être construite à côté du bassin du Roy, dans une partie centrale de la composition de Perret. Cette tour était plus basse que le clocher de l’église Saint-Joseph et que l’hôtel de ville, mais beaucoup plus élevée que les immeubles d’habitation de Perret les plus hauts (40 m). Le permis de construire du projet a été délivré en décembre 2018. Ce projet n’était pas mentionné dans le plan de gestion du bien, qui date de juin 2018.

L’ICOMOS a examiné l’EIP au début de l’année 2020, a fait part de ses préoccupations quant à l’impact de ce projet d’immeuble de grande hauteur sur la valeur universelle exceptionnelle (VUE) du bien et a indiqué, entre autres, que la hauteur de la tour devait être réduite. Il a également demandé des informations complémentaires sur la réglementation en matière de hauteur, les vues du projet, une analyse paysagère et un moratoire sur le permis de construire délivré. L’État partie a répondu en février 2021 en informant du changement de nom du projet – désormais dénommé tour Alta – sans toutefois fournir les informations complémentaires demandées, ni mettre en place le moratoire, de sorte que la mise en œuvre du projet s’est poursuivie. Dans son examen d’août 2021, l’ICOMOS a réitéré ses préoccupations concernant l’impact de la tour sur la VUE du bien, a de nouveau demandé un moratoire et a conseillé de demander à l’État partie de réduire la hauteur de la tour et de retravailler le projet. Le 20 septembre 2021, des représentants du Centre du patrimoine mondial et de l’ICOMOS ont tenu une réunion au Havre avec les autorités municipales et des représentants de l’État partie pour obtenir des informations sur le projet en cours.

En février 2022, l’État partie a envoyé un rapport comprenant des explications sur les raisons de la sélection et de l’approbation du projet de la tour Alta, ainsi que quelques illustrations visuelles du projet dans son contexte urbain. En réponse à ce rapport, le Centre du patrimoine mondial a proposé une réunion avec l’État partie et l’ICOMOS, qui ne put avoir lieu qu’en novembre 2022, en présence du maire du Havre. À la suite de cette réunion, l’État partie a fourni en janvier 2023 des informations complémentaires sur le projet et le processus décisionnel ayant conduit à son approbation, processus qui a fait l’objet d’un examen technique par l’ICOMOS en mars 2023. La documentation transmise en janvier 2023 a montré que la hauteur de la tour avait été augmentée tout au long du projet, passant de 55 m à 63,18 m. En fin de compte, le 4 avril 2023, l’État partie a invité une mission consultative sur le bien, qui s’est déroulée les 31 mai et 1er juin 2023, afin d’étudier les impacts de la tour Alta sur les attributs de la VUE du bien, l’évolution de la tolérance au changement de ces derniers, le traitement des espaces publics autour de la tour Alta, ainsi que pour engager une réflexion avec les autorités responsables sur le circuit décisionnel qui a conduit à ce projet, les mesures de protection et de gestion en place pour le bien et leur amélioration éventuelle.

Analyse et Conclusion du Centre du patrimoine mondial et des Organisations consultatives en 2023

La conception du projet d’immeuble de grande hauteur – initialement baptisé tour Videcoq, puis tour Alta – a débuté dès 2017, avec l’attribution du marché au cabinet d’architectes Hamonic + Masson & Associés. Cependant, le Centre du patrimoine mondial n’a reçu une EIP du projet qu’en septembre 2019, soit plusieurs mois après l’octroi du permis de construire. L’examen technique de l’EIP par l’ICOMOS a révélé que la hauteur envisagée de la tour Alta semblait trop élevée au regard de la VUE du Havre et de ses conditions d’intégrité et d’authenticité, et qu’elle devait donc être réduite de manière significative. Une alternative consistait à transférer le projet sur un autre site. La déclaration de VUE indique en particulier que « Le Havre est exceptionnel pour son unité et son intégrité » et que « le bien inscrit […] représente un ensemble architectural et urbain homogène » ; elle indique également que « le projet de Perret reflète son idéal : réaliser un ensemble homogène au sein duquel tous les détails soient dessinés sur le même modèle, afin de créer une sorte de Gesamtkunstwerk à l’échelle urbaine ». Il est clair que le langage architectural, la dynamique des volumes, les dimensions, la hauteur et le traitement des matériaux de la nouvelle tour instaurent une distance avec le langage de Perret.

Les informations supplémentaires demandées ont été partiellement communiquées par l’État partie en janvier 2023, c’est-à-dire à un stade très avancé de la mise en œuvre du projet. L’examen de ces informations supplémentaires a confirmé les impacts négatifs de la tour Alta sur la VUE du bien. Il a également été constaté que les modifications proposées au projet étaient de nature locale/palliative et ne remettaient pas en cause la nature de son architecture, son implantation et sa hauteur, ni ses impacts négatifs sur la VUE du bien. Ces modifications ne peuvent être considérées comme des mesures de compensation des impacts négatifs causés par la tour. La conception et la construction de la tour Alta – désormais entièrement édifiée – au sein du bien du patrimoine mondial, se sont déroulées sans notification préalable au Centre du patrimoine mondial, en contradiction avec le paragraphe 172 des Orientations, alors même que le processus a débuté avant 2017, lorsque le concours d’architecture pour la parcelle urbaine s’est achevé et que le projet a été retenu. Les échanges entre le Centre du patrimoine mondial et l’État partie n’ont commencé qu’en 2019, à la suite d’une communication d’un tiers, alors que le projet avait déjà été approuvé.

Cependant, l’État partie aurait pu profiter de l’occasion pour appliquer le paragraphe 172 des Orientations à différents stades de ce processus : avant le lancement du concours d’architecture – des conseils techniques auraient ainsi permis d’élaborer le cahier des charges du concours de manière à garantir le respect des attributs qui sous-tendent la VUE, l’intégrité et l’authenticité du bien au stade de la conception du projet ; après le concours – pour recueillir des avis sur le projet sélectionné et des conseils sur la procédure d’EIP ; ou après la préparation du rapport d’EIP – pour obtenir des commentaires du Centre du patrimoine mondial et de l’ICOMOS sur les méthodes d’évaluation et sur les impacts du projet sur la VUE le bien, notamment sur le plan de l’intégrité et de l’authenticité.

Il est donc regrettable que l’État partie n’ait pas respecté les dispositions des Orientations, n’ait pas noué le dialogue avec le Centre du patrimoine mondial et l’ICOMOS plus tôt au cours de l’élaboration du projet et n’ait pas tiré parti des possibilités de conseil prévues au paragraphe 172 des Orientations pour tenter de trouver, pendant que cela était encore possible, des solutions appropriées afin d’assurer la préservation totale de la VUE du bien.

La tour Alta a entre-temps été édifiée, et la mission de conseil conjointe Centre du patrimoine mondial/ICOMOS de juin 2023 a confirmé l’évaluation documentaire des impacts de la tour Alta, notamment que sa présence au cœur du bien du patrimoine mondial, sa hauteur et son architecture (une tour torsadée) avaient un impact concret sur les qualités visuelles de la VUE du bien et sur la perception globale de la ville reconstruite par Auguste Perret ; sa compacité massive est porteuse de risques pour l’équilibre urbain, lequel constitue un attribut de la VUE du bien. La conjonction de ces deux facteurs a un impact sur l’intégrité du bien, qui pourrait ne plus être garantie. La mission a recommandé à l’État partie de prendre des mesures urgentes, avec l’appui du Centre du patrimoine mondial et de l’ICOMOS, pour réduire autant que possible les impacts visuels et paysagers de la tour Alta, par exemple en éclaircissant autant que possible la teinte du revêtement de sa façade et en évitant tout éclairage nocturne, et pour maîtriser son impact urbain en assurant une meilleure interface avec les espaces publics au pied de la tour et le tissu urbain – quai Videcoq, rue de Paris et avec le quartier Saint-François – sur la base d’une étude d’urbanisme ad hoc. La mission a estimé qu’il était essentiel de renforcer la continuité structurelle des espaces publics. La mission a également souligné qu’il est nécessaire de faire des efforts importants pour prendre en compte la VUE du bien dans toutes les réglementations municipales. La mission a également fourni un ensemble de recommandations détaillées visant à renforcer l’efficacité des mesures de protection et de gestion en place, notamment la mise en œuvre de la Recommandation de 2011 sur le paysage urbain historique comme instrument permettant d’intégrer la conservation du patrimoine aux plans et processus d’aménagement urbains, en vue du développement futur de la ville.

Sur la base des recommandations de la mission, il est recommandé au Comité de demander qu’une mission de suivi réactif soit déployée sur le bien en 2024 afin d’examiner l’état de conservation général du bien, d’effectuer le suivi des recommandations de la mission de conseil de 2023 et de formuler les recommandations correspondantes au Comité, en particulier concernant les mesures visant à améliorer les instruments de gestion et de maîtrise des projets de construction ou de restauration afin d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise.

Décisions adoptées par le Comité en 2023
45 COM 7B.184
Le Havre, la ville reconstruite par Auguste Perret (France) (C 1181)

Le Comité du patrimoine mondial,

  1. Ayant examiné le document WHC/23/45.COM/7B.Add.2,
  2. Rappelant la décision 29 COM 8B.38, adoptée lors de sa 29esession (Durban, 2005), par laquelle « Le Havre, la ville reconstruite par Auguste Perret » a été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial sur la base des critères (ii) et (iv),
  3. Note avec la plus grande préoccupation que l’État partie n’a pas respecté les conditions requises au paragraphe 172 des Orientations et n’a pas fourni au Comité des informations en temps voulu sur un projet de grande envergure, qu’il n’a pas communiqué l’évaluation d’impact sur le patrimoine du projet au Centre du patrimoine mondial avant que le permis de construire n’ait été délivré, et qu’il n’a pas tenu compte des conclusions des examens techniques de l’ICOMOS qui soulignent clairement l’impact négatif du projet sur les attributs qui sous-tendent la valeur universelle exceptionnelle (VUE) du bien ;
  4. Regrette que l’État partie n’ait pas mieux saisi les opportunités de réduire les impacts négatifs du projet sur la VUE du bien pendant la phase de planification ;
  5. Exprime en outre sa préoccupation quant au fait que les systèmes de planification et de gestion en place sur le bien ont permis ce développement et recommande que ces systèmes soient renforcés et mis en cohérence avec l’objectif de maintien de la VUE du bien ;
  6. Note en outre avec une préoccupation les conclusions de la mission de conseil conjointe Centre du patrimoine mondial/ICOMOS de 2023 sur le bien, selon lesquelles l’intégrité du bien pourrait ne plus être garantie, et demande à l’État partie de réduire urgemment les impacts négatifs de la tour Alta sur l’intégrité du bien conformément aux recommandations formulées par la mission, à savoir :
    1. éclaircir autant que possible la teinte du revêtement de la façade de la tour,
    2. éviter tout éclairage nocturne,
    3. assurer une meilleure interface avec les espaces publics situés au pied de la tour, avec le tissu urbain compris entre le quai Videcoq et la rue de Paris et avec le quartier Saint-François au moyen d’une étude d’urbanisme ad hoc qui sera soumise au Centre du patrimoine mondial pour examen par l’ICOMOS ;
  7. Demande en outre à l’État partie de prendre rapidement des mesures pour s’assurer que la VUE du bien est dûment prise en compte dans toutes les réglementations municipales et de mettre en œuvre de manière proactive toutes les recommandations formulées par la mission de conseil afin de réduire les impacts de la tour Alta sur la VUE du bien et d’améliorer l’efficacité des dispositifs de protection et de gestion en tenant compte de la Recommandation de 2011 sur le paysage urbain historique (PUH) ;
  8. Demande par ailleurs à l’État partie d’inviter une mission de suivi réactif courant 2024 pour examiner l’état de conservation général du bien, assurer le suivi des recommandations de la mission de conseil de 2023, et faire des recommandations au Comité, en particulier pour renforcer le système de gestion du bien et assurer une maîtrise urbaine plus efficace afin d’éviter que la situation ne se reproduise ;
  9. Demande enfin à l’État partie de soumettre au Centre du patrimoine mondial, d’ici le 1erfévrier 2024, un rapport actualisé sur l’état de conservation du bien et sur la mise en œuvre des points ci-dessus mentionnés, pour examen par le Comité du patrimoine mondial à sa 46e session. 
Projet de décision : 45 COM 7B.175

Le Comité du patrimoine mondial,

  1. Ayant examiné le document WHC/23/45.COM/7B.Add.2,
  2. Rappelant la décision 29 COM 8B.38, adoptée lors de sa 29e session (Durban, 2005), par laquelle « Le Havre, la ville reconstruite par Auguste Perret » a été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial sur la base des critères (ii) et (iv),
  3. Note avec la plus grande préoccupation que l’État partie n’a pas respecté les conditions requises au paragraphe 172 des Orientations et n’a pas fourni au Comité des informations en temps voulu sur un projet de grande envergure, qu’il n’a pas communiqué l’évaluation d’impact sur le patrimoine du projet au Centre du patrimoine mondial avant que le permis de construire n’ait été délivré, et qu’il n’a pas tenu compte des conclusions des examens techniques de l’ICOMOS qui soulignent clairement l’impact négatif du projet sur les attributs qui sous-tendent la valeur universelle exceptionnelle (VUE) du bien ;
  4. Regrette que l’État partie n’ait pas mieux saisi les opportunités de réduire les impacts négatifs du projet sur la VUE du bien pendant la phase de planification ;
  5. Exprime en outre sa préoccupation quant au fait que les systèmes de planification et de gestion en place sur le bien ont permis ce développement et recommande que ces systèmes soient renforcés et mis en cohérence avec l’objectif de maintien de la VUE du bien ;
  6. Note en outre avec une préoccupation les conclusions de la mission de conseil conjointe Centre du patrimoine mondial/ICOMOS de 2023 sur le bien, selon lesquelles l’intégrité du bien pourrait ne plus être garantie, et demande à l’État partie de réduire urgemment les impacts négatifs de la tour Alta sur l’intégrité du bien conformément aux recommandations formulées par la mission, à savoir :
    1. éclaircir autant que possible la teinte du revêtement de la façade de la tour,
    2. éviter tout éclairage nocturne,
    3. assurer une meilleure interface avec les espaces publics situés au pied de la tour, avec le tissu urbain compris entre le quai Videcoq et la rue de Paris et avec le quartier Saint-François au moyen d’une étude d’urbanisme ad hoc qui sera soumise au Centre du patrimoine mondial pour examen par l’ICOMOS ;
  7. Demande en outre à l’État partie de prendre rapidement des mesures pour s’assurer que la VUE du bien est dûment prise en compte dans toutes les réglementations municipales et de mettre en œuvre de manière proactive toutes les recommandations formulées par la mission consultative afin de réduire les impacts de la tour Alta sur la VUE du bien et d’améliorer l’efficacité des dispositifs de protection et de gestion en tenant compte de la Recommandation de 2011 sur le paysage urbain historique (PUH) ;
  8. Demande par ailleurs à l’État partie d’inviter une mission de suivi réactif courant 2024 pour examiner l’état de conservation général du bien, assurer le suivi des recommandations de la mission de conseil de 2023, et faire des recommandations au Comité, en particulier pour renforcer le système de gestion du bien et assurer une maîtrise urbaine plus efficace afin d’éviter que la situation ne se reproduise ;
  9. Demande enfin à l’État partie de soumettre au Centre du patrimoine mondial, d’ici le 1er février 2024, un rapport actualisé sur l’état de conservation du bien et sur la mise en œuvre des points ci-dessus mentionnés, pour examen par le Comité du patrimoine mondial à sa 46e session.
Année du rapport : 2023
France
Date d'inscription : 2005
Catégorie : Culturel
Critères : (ii)(iv)
Documents examinés par le Comité
arrow_circle_right 45COM (2023)
Exports

* : Les menaces mentionnées sont présentées par ordre alphabétique ; cet ordre ne constitue nullement un classement selon l’importance de leur impact sur le bien. De plus, elles sont présentées de manière indifférenciée, que le bien soit menacé par un danger prouvé, précis et imminent (« péril prouvé ») ou confronté à des menaces qui pourraient avoir des effets nuisibles sur sa valeur universelle exceptionnelle (« mise en péril »).

** : Tous les rapports de mission ne sont pas toujours disponibles électroniquement.


top