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Village de Sidi Bou Saïd : Harmonie architecturale et spirituelle en Méditerranée

Date de soumission : 15/04/2024
Critères: (ii)(vi)
Catégorie : Culturel
Soumis par :
Délégation permanente de Tunisie auprès de l’UNESCO
Coordonnées 36.869835, 10.3413
Ref.: 6765
Avertissement

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Les noms des biens figurent dans la langue dans laquelle les États parties les ont soumis.

Description

Le bien proposé pour inscription est le village de sidi Bou Saïd, un village côtier de la rive sud de la Méditerranée, installé sur un promontoire surplombant Carthage et le golfe de Tunis et offrant des vues panoramiques sur le Cap Bon (Promontoire de Mercure) et les îles Zembra et Zembretta (les Aegimures) au nord-est, et le Cap de Sidi Ali Mekki (Promontoire d’Apollon) au nord. Situé à une vingtaine de kilomètres au nord-est de la ville de Tunis, le village, qui porte le nom du saint soufi Abou Saïd Khalaf Ibn Yahya El Tamimi El Beji, s’est développé à partir du 18e siècle. Des monuments religieux, des palais, des espaces publics emblématiques, un réseau de fontaines publiques et des cimetières forment un ensemble architectural d’une très grande diversité de styles et d’influences qui se sont succédés au fil du temps en Tunisie et jusqu’à nos jours.

Justification de la Valeur Universelle Exceptionnelle

« Village de Sidi Bou Saïd : Harmonie architecturale et spirituelle en Méditerranée » est un témoignage exceptionnel d’un village côtier de la rive sud de la Méditerranée, développé à partir du 18e siècle autour d’un monument religieux, la zaouia de Sidi Bou Saïd, en s’adaptant à la topographie et à la géologie de la colline sur laquelle il se trouve en conservant les caractéristiques architecturales qui lui ont valu de devenir l’un des premiers sites patrimoniaux de la région, en bénéficiant, dès 1915, d’un texte juridique rédigé spécifiquement pour le sauvegarder.

La colline « Djebel El Manar » (mont du phare), sur laquelle a été érigé « Village de Sidi Bou Saïd : harmonie architecturale et spirituelle en Méditerranée », a joué un rôle important dès l’Antiquité dans la défense du site de Carthage. Devenu avec le temps un lieu empreint de mysticisme et de spiritualité, ce promontoire a été choisi, au 13e siècle, par le saint soufi Abou Saïd Khalaf Ibn Yahya El Tamimi El Beji comme lieu de méditation, de prière et d’enseignement. Après sa mort, un mausolée a été érigé en son nom « Sidi Bou Saïd ».

« Djebel El Manar » a dès lors attiré de plus en plus de visiteurs désireux de s’imprégner de l’esprit de ce lieu et a vu le développement d’un village, autour de la zaouia de Sidi Bou Saïd. Ce village pittoresque au climat agréable s’est progressivement étendu au fil des siècles, sous forme de résidences secondaires d’été des notables de Tunis, mêlées à des habitations de familles d’agriculteurs et de pêcheurs des environs les plus proches. Des monuments religieux, des palais, des espaces publics emblématiques, un réseau de fontaines et des cimetières ont également été construits, tels que le complexe cultuel de la zaouia de Sidi Bou Saïd, le palais du Baron d’Erlanger, le palais Lasram et les sebil (fontaines publiques) formant ainsi un ensemble architectural d’une très grande diversité de styles et d’influences qui se sont succédés au fil du temps en Tunisie et jusqu’à nos jours. L’adaptation à la topographie et à la nature géologique contraignante du site et le souci permanent de la relation contemplative de ce dernier avec la mer qui lui fait face ont également grandement influencé l’architecture de ces édifices.

« Village de Sidi Bou Saïd : harmonie architecturale et spirituelle en Méditerranée », développé autour de la spiritualité qui le caractérise toujours, est devenu avec le temps un lieu de villégiature et revêtait au début du 20e siècle une valeur telle qu’un décret beylical qui se rapporte au Bey souverain de la Régence de Tunis) a été émis en 1915 afin de le protéger. Devenu patrimoine protégé par un texte juridique novateur et rigoureux, toujours en vigueur, Sidi Bou Saïd a pu conserver les caractéristiques qui lui ont valu et lui valent toujours d’attirer un grand nombre d’artistes, de penseurs et d’écrivains ayant tous témoigné de l’inspiration que leur a apporté ce lieu à la spiritualité, à la luminosité et au panorama exceptionnels.

Critère (ii) : « Village de Sidi Bou Saïd : Harmonie architecturale et spirituelle en Méditerranée » témoigne d’une histoire riche et d’un échange culturel significatif qui reflète diverses expressions architecturales et des savoir-faire ancestraux issus d’influences méditerranéennes, et ce, depuis le 18e siècle jusqu’à présent, créant un paysage harmonieux.

Critère (vi) : Haut lieu de spiritualité et d’art, le village de Sidi Bou Saïd est matériellement associé à des traditions vivantes, des croyances liées au soufisme encore en pratique ayant une influence rayonnante dans une aire géographique élargie. La richesse naturelle du bien, associée à son architecture spécifique, sont des sources d’inspiration indéniables pour des artistes ayant créé des œuvres artistiques et littéraires à caractère universel.

Déclarations d’authenticité et/ou d’intégrité

Intégrité

Les menaces d’ordre géologique et climatique qui ne cessent de s’accentuer à partir du 20e siècle ont causé des points de faiblesse du sol de la colline qui n’ont, à ce jour, pas affecté sa stabilité globale, même si la situation est devenue préoccupante comme l’attestent des observations in situ et des études récentes. Ces menaces ont été jusqu’à présent atténuées grâce à des solutions de stabilisation du sol par des actions telles qu’un boisement et des techniques ancestrales ainsi que par les lois en vigueur relatives à la gestion du développement urbain, la protection du littoral, des sols et des espaces verts. La problématique de la stabilité de la colline demeure une préoccupation majeure.

Les mutations socioéconomiques et urbaines ainsi que l’affluence touristique n’ont pas affecté l’intégrité du bien qui a conservé sa fonction résidentielle, la villégiature d’été s’étant développée en résidence permanente. De même que la transformation des petits commerces de proximité en boutiques d’artisanat ou de restauration n’a pas affecté le bien. Ainsi l’ensemble architectural a pu garder son intégrité.

La préservation de la colline et la persistance du cachet architectural du bien ont favorisé la continuité de son rayonnement mystique à travers les pratiques et rituels et cultuels. Les points de vue et le panorama étant également globalement préservés et continuent à attirer et à inspirer les artistes.

Authenticité

Les interventions destinées à stabiliser la colline n’ont pas eu d’effet sur sa forme et sa nature, le boisement pouvant être considéré, dans l’ensemble, comme une solution adaptée à l’environnement naturel et paysager et donc une valeur ajoutée. La colline a gardé les points de vue panoramiques qui la caractérisent.

Malgré les mutations socioéconomiques et urbaines ainsi que l’affluence touristique, le village de Sidi Bou Saïd a conservé sa fonction résidentielle, la villégiature d’été s’étant développée en résidence permanente. De même que la transformation des petits commerces de proximité en boutiques d’artisanat ou de restauration n’a pas affecté le bien. Dans le même temps, la réhabilitation de certaines demeures, par leur réaffectation, s’est déroulée dans le respect des caractéristiques architecturales existantes. Ainsi les fonctions des demeures, des sebil (fontaines publiques) et des monuments cultuels sont maintenues. L’ensemble architectural a pu ainsi garder sa typologie et ses styles diversifiés.

Comparaison avec d’autres biens similaires

Dans une perspective d'analyse comparative, les particularités et singularités du village de Sidi Bou Saïd se démarquent nettement par rapport à d'autres sites côtiers méditerranéens, tels que Korbous en Tunisie, la Kasbah des Oudayas au Maroc, Positano en Italie et Oia à Santorin en Grèce. Ces localités sont situées le long de la côte méditerranéenne, offrant des vues spectaculaires sur la mer et une atmosphère maritime agréable. Elles sont édifiées sur des hauteurs escarpées.

Le village de Sidi Bou Saïd se distingue par son héritage soufi et son ambiance mystique unique, offrant une expérience de dévotion pour les fidèles, ainsi qu'un refuge de tranquillité spirituelle pour les visiteurs en quête de sens. Il forme un ensemble architectural, développé autour de la zaouïa de Sidi Bou Saïd (un monument religieux soufi dédié à Sidi Bou Saïd, un saint soufi vénéré dans la région), d’une très grande diversité de styles et d’influences qui se sont succédés au fil du temps en Tunisie et jusqu’à nos jours et qui  s'harmonisent parfaitement avec la topographie de la colline, créant une atmosphère pittoresque et intemporelle, contrairement au village côtier de Korbous, situé sur le golfe de Tunis en face de Sidi Bou Saïd et qui s’est développé autour des sources thermales, malgré l’existence de la zaouia de  « Sidi Amara »( un saint soufi). L’ambiance spirituelle, qui caractérise le village de Korbous, est générée par la vénération des bienfaits des sources thermales.  Par ailleurs, le village de Korbous ne forme pas un ensemble architectural particulier et a subi des mutations urbaines, en l’absence d’un texte législatif qui le protège.

Le village de Sidi Bou Saïd présente à la fois des particularités distinctes et des similitudes remarquables avec la Kasbah des Oudayas au Maroc. Les deux sites sont caractérisés par une architecture d’influence méditerranéenne pittoresque. De plus, les deux sites sont riches en histoire et en culture, témoignant de différentes périodes historiques et de l'influence de diverses civilisations. Cependant, le village de Sidi Bou Saïd se démarque par son héritage soufi, en tant que lieu de pèlerinage et de dévotion, offrant une atmosphère spirituelle distincte qui lui est propre, tandis que la Kasbah des Oudayas abrite également des sites liés à la tradition soufie, mais sans la réputation de centre spirituel, à l’instar de Sidi Bou Saïd dont la zaouïa, en tant que monument religieux soufi, joue un rôle central dans l'identité et l'ambiance spirituelle du village. En effet, la zaouïa est, depuis le 18ème siècle, un lieu de dévotion pour les fidèles, offrant un sanctuaire de tranquillité et de méditation. Son influence se ressent dans tout le village, imprégnant l'atmosphère de spiritualité et de recueillement.

A Positano en Italie et à Oia à Santorin en Grèce, bien que des églises et des chapelles soient présentes, leur importance religieuse peut différer. Ces lieux de culte, souvent intégrés dans le tissu urbain, servent de points de repère visuels : leur impact spirituel est moins prononcé que celui de la zaouïa de Sidi Bou Saïd.

Sur le plan de la protection juridique, le village Sidi Bou Saïd se démarque par le fait qu'il bénéficie d'une protection juridique spécifique et précoce de son patrimoine architectural et culturel. En effet, dès 1915, un texte juridique a été rédigé pour sauvegarder le village, reconnaissant son importance historique et culturelle. Cette mesure proactive témoigne de l'engagement précoce de l’autorité beylicale à préserver l'identité et le caractère unique du village de Sidi Bou Saïd, face aux pressions du développement urbain et du tourisme.

En revanche, à Positano et à Oia, il pourrait y avoir des mesures de protection du patrimoine, néanmoins, ces dernières s’avèrent moins spécifiques et surtout postérieures au décret de 1915 régissant les mesures de protection du village de Sidi Bou Saïd.

Il ne fait pas de doute que ces localités côtières sont régies par des lois de conservation du patrimoine plus générales, mais leur mise en œuvre et leur efficacité varient en fonction des contextes locaux et des pressions économiques. La protection juridique précoce et spécifique de Sidi Bou Saïd constitue un atout distinct qui contribue à préserver son caractère unique et son héritage culturel, offrant aux visiteurs une expérience authentique et préservée d’un village côtier de la Méditerranée.

Bien que d'autres localités, situées particulièrement au bord de la Méditerranée, partagent des caractéristiques similaires en termes d'architecture pittoresque ou d'histoire religieuse, aucune ne combine, aussi distinctement, l'aspect spirituel, l'architecture emblématique et la protection patrimoniale précoce comme l’incarne le village de Sidi Bou Saïd.

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