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Enclos paroissiaux du Finistère

Date de soumission : 03/04/2024
Critères: (ii)(iii)
Catégorie : Culturel
Soumis par :
Délégation permanente de la France auprès de l'UNESCO
État, province ou région :
Bretagne, Finistère
Ref.: 6755
Avertissement

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Les noms des biens figurent dans la langue dans laquelle les États parties les ont soumis.

Description

Enclos de l’église Notre Dame, Bodilis
N 48°31’50 W 04°06’59’

Eglise Notre-Dame et Saint-Tugen, Brasparts
N 48°18’03 W 03°57’24

Eglise Notre-Dame de l’Assomption, Cléden-Poher
N 48°14’07  W 03°40’11

Eglise Saint-Derrien, Commana
N 48°24’48 W 03°57’22

Eglise Sainte-Nonne, Dirinon
N 48°23’52 W 04°16’09

Eglise Saint-Goulven, Goulven
N 48°37’45 W 04°18’05

Eglise Saint-Miliau,  Guimiliau
N 48°29’18 W 03°59’52

Eglise Saint-Salomon, La Martyre
N 48°26’56 W 04°09’36

Eglise Saint-Yves, La Roche-Maurice
N 48°28’22 W 04°12’11

Eglise Notre-Dame, Lampaul-Guimiliau
N 48°29’35 W 04°02’25

Eglise Saint-Edern, Lannédern
N 48°18’09 W 03°53’40

Eglise Notre-Dame de Rumengol, Le Faou Rumengol
N 48°18’08 W 04°08’55

Eglise Sainte-Pitère, Le Tréhou
N 48°23’37 W 04°07’55

Eglise Saint-Mélar, Locmélar
N 48°27’10 W 04°03’58

Eglise Notre-Dame, Pencran
N 48°26’13 W 04°14’07

Eglise Saint-Germain, Pleyben
N 48°13’38 W 03°58’12

Eglise Saint-Pierre, Pleyber-Christ
N 48°30 ‘18 W 03°52’26

Chapelle Sainte-Marie-du-Menez-Hom, Plomodiern
N 48°12’09 W 04°14’06

Eglise Saint-Herbot, Plonévez-du-Faou
N 48°19’39 W 03°48’33

Eglise Saint-Pierre, Ploudiry
N 48°27’10 W 04°08’32

Eglise Saint-Yves, Plougonven
N 48°31’18 W 03°42’44

Eglise Saint-Yves, Plounéour-Ménez
N 48°26’21  W 03°53’34

Eglise Notre-Dame, Plourin-lès-Morlaix
N 48°32’09 W 03°47’23

Chapelle Notre-Dame de Berven, Plouzévédé
N 48°36’19 W 04°06’48

Eglise Notre-Dame de Croas-Batz, Roscoff
N 48°43’35  W 03°59’09

Eglise Saint-Jean Baptiste, Saint-Jean-du-Doigt
N 48°41’39  W 03°46’23

Chapelle Saint-Sébastien, Saint-Ségal
N 48°13’22 W 04°06’28

Eglise Saint-Servais, Saint-Servais
N 48°30’41 W 04°09’19

Eglise Notre-Dame et Saint-Thégonnec, Saint-Thégonnec
N 48°31’13  W 03°56’48

Eglise Saint-Suliau, Sizun
N 48°24’21 W 04°04’40

Eglise Notre-Dame, Trémaouézan
N 48°30’14 W 04°15’17

Les enclos paroissiaux constituent un bien culturel en série caractéristique de l’organisation architecturale de l’espace religieux et communautaire rural qui se déploie autour d’un certain nombre d’églises paroissiales du Finistere. Leur densité est tout particulièrement forte dans la partie septentrionale et médiane du département.

Ils constituent des ensembles monumentaux formés de plusieurs éléments immobiliers : l’église et son clocher porche sud, le mur d’enceinte délimitant le placître avec sa porte d’entrée monumentale et ses échaliers, un ou plusieurs ossuaires, une croix ou un calvaire. Le riche ameublement des églises et leurs décors intérieurs ostentatoires constituent également l’une des singularités de ces enclos paroissiaux.

Justification de la Valeur Universelle Exceptionnelle

Le patrimoine constitué par les enclos paroissiaux témoigne de plusieurs phénomènes historiques qui ont bouleversé, pendant l’époque moderne, de la fin du Moyen-Age au début du XVIIIème siècle, l’Europe et le monde :

  • L’intensification du commerce en Europe ainsi qu’entre l’Europe et les Amériques, source d’enrichissement matériel et d’échanges culturels. La prospérité du ‟pays des enclos” a principalement été générée par la culture du lin et sa transformation en toiles fines, les ‟crées”, destinées à l’exportation en Angleterre, en Europe du Nord, en Espagne et même dans le Nouveau monde. D’autres activités ont soutenu cette prospérité, notamment la culture, les tanneries et le rayonnement d’un certain nombre de foires.
  • L’invention de l’imprimerie qui a facilité la circulation des modèles dans le domaine de la peinture, de la sculpture et de l’architecture. L’art des enclos, dont la production s’étend sur plus de deux siècles, puise ainsi dans le répertoire de formes des grands courants artistiques successifs de l’époque. Leur adaptation aux architectures et aux décors des enclos est le fruit du travail empirique d’artisans locaux, qui ont ainsi produit un véritable art populaire, éloigné des canons académiques.
  • L’impact des grands bouleversements religieux du début des temps modernes (Réforme protestante et Contre-Réforme catholique) dont les conséquences sur l’organisation de l’espace liturgique furent très importantes. La profusion des retables, des autels, des baptistères, des chaires à prêcher et des confessionnaux illustre l’attention nouvelle portée à la promotion de la vie sacramentelle et à l’instruction des fidèles.

Par ailleurs, les enclos paroissiaux sont l’expression de traditions et de particularismes sociaux-culturels locaux :

  • Ils ont été le fruit de l’initiative de communautés paysannes et de leurs notables, les ‟juloded”, enrichis par la prospérité économique. Les campagnes de construction épousent d’ailleurs le rythme des périodes de plus ou moins grande prospérité. Les enclos paroissiaux forment, pour cette raison, un espace de la vie religieuse et profane de la paroisse dont ils sont d’ailleurs le signal symbolique et le centre, dans un pays d’habitat dispersé.
  • Ils témoignent de traditions locales spécifiques et d’un mode de relation particulier des vivants avec le monde des morts. Les enclos paroissiaux traduisent l’invention d’un espace original qui réunit les vivants et les morts, le sacré et le profane, les pratiques religieuses et celles de la vie sociale. Ils sont, en ce sens, l’expression d’une identité locale forte et de traditions enracinées dans les origines celtiques de la population dont atteste, par ailleurs, l’usage à cette époque encore généralisé de la langue bretonne.
C’est dans l’équilibre original entre l’ouverture à des influences internationales et l’expression de la singularité culturelle d’un territoire rural porteur de traditions propres, concernant notamment la relation aux morts, que s’enracine la Valeur Universelle Exceptionnelle des enclos paroissiaux de Basse-Bretagne.

Critère (ii) : Les enclos édifiés entre le XVIe et le XVIIe siècle portent témoignage à la fois d’un enracinement local et d’influences - dans le domaine de l’architecture, des arts monumentaux de la peinture, de la sculpture sur pierre et sur bois, de l’art du vitrail et de celui des facteurs d’orgues - des courants artistiques issus de la Renaissance et de l’art baroque, tels qu’ils s’exprimaient alors dans leurs formes les plus achevées en Italie, en France, en Angleterre, au Pays-Bas, dans les Flandres, en Espagne et en Allemagne.

Les modalités de ces échanges ont pris une forme spécifique en raison de l’origine sociale des commanditaires. Ce sont, des communautés paysannes qui en ont été à l’origine et plus particulièrement leurs notables, les Juloded à la fois paysans – tisserands et marchands. De ce fait, les canaux par lesquels se sont exercées les influences artistiques n’ont pas été les mêmes que ceux de l’art porté par les élites, se référant à des écoles, des styles ou recourant à l’invitation d’artistes étrangers de renom chargés d’exécuter eux-mêmes des œuvres ou de former des disciples.

Dans ces communautés rurales, les vecteurs de diffusion des influences extérieures ont été le livre et l’image, dont les formes et les modèles ont été exploitées de façon empirique par les artistes et artisans locaux, n’hésitant pas à passer d’une forme d’expression à l’autre empruntant par exemple à une peinture le modèle d’un personnage sculpté. Ces ouvrages se diffusaient surtout dans les foires commerciales mais pouvaient être rapportés de l’étranger par les marins Bretons.

Un autre vecteur, indirect, de diffusion des influences extérieures résidait dans les fréquents déplacements effectués d’un village à l’autre, à l’occasion notamment des nombreuses foires et pèlerinages. Les artisans, de leur côté, allaient d’un chantier à l’autre et proposaient à un endroit des modèles qu’ils avaient réalisés ailleurs. Ainsi, les contacts entre les paroisses ont favorisé entre elles une certaine émulation, qui a contribué à amplifier la diffusion des modèles esthétiques et architecturaux empruntés à l’extérieur.

En y puisant leurs inspirations, les artistes et les artisans des enclos ont inventé leurs formes propres d’expression artistique. Ils ont élaboré un art de synthèse, relevant de différents styles, en fonction de leurs traditions propres et des goûts de leurs commanditaires. Cela a produit des œuvres originales associant au style gothique, encore très apprécié localement au XVIe siècle, le classicisme issu de la Renaissance italienne.

Cette diversité des inspirations, le savoir-faire de ces artistes et artisans, et leur finesse d’exécution – favorisée par la nature des matériaux utilisés, pierre locale de Kersanton ou le bois des abondantes forêts de chênes voisines - associée parfois à une certaine naïveté - ont produit un art populaire exceptionnel, à la fois enraciné dans une culture locale et ouvert aux influences des grands courants artistiques européens.

Critère (iii) : Les enclos paroissiaux témoignent, de façon exemplaire, d’une culture et de traditions originales des communautés rurales de Basse-Bretagne entre la fin du XVe et le début du XVIIIe siècle. Cette culture se caractérise par une foi catholique qui intègre toutefois certaines croyances préchrétiennes, d’origine celtique selon certains historiens. Elles se manifestent principalement dans le rapport à la mort, et cela de plusieurs façons :

  • D’abord, par la coutume dominante dans cette région d’inhumer tous les habitants de la paroisse – et pas seulement les notables et les ecclésiastiques – dans l’église même. C’est pour pouvoir continuer à le faire qu’ont été construits les ossuaires qui prennent souvent une allure de chapelle, d’une architecture très soignée. Le recueil des ossements des tombes les plus anciennes dans ces ossuaires permettait de libérer un espace disponible pour les nouvelles inhumations dans l’église.
  • Cette coutume manifeste une recherche de proximité avec les morts qui correspond à des croyances anciennes, préchrétiennes, traçables dans le concept d’anaon, société des âmes des défunts qui côtoie le monde des vivants et communique avec lui par des “intersignes” dont l’un des plus manifeste est le personnage de l’ankou, personnage incarnant la mort, présent dans la vie quotidienne. Dans certains enclos, l’ankou est représenté côtoyant les personnages de l’histoire sainte.
  • Les enclos délimitaient un espace de caractère sacré qui symbolisait la communauté des morts et des vivants. Les vivants y avaient toute leur place, non seulement pour les manifestations à caractère religieux mais aussi pour des activités profanes : réunions du conseil de fabrique pour discuter de l’administration de la paroisse, discussions, voire disputes, sous le porche sud de l’église, marchés, chants et musique, danses sur le placître. Très souvent des scènes de la vie quotidienne profane sont représentées dans la sculpture de pierre ou de bois des enclos.
  • Les financements étaient apportés par les Juloded, ces paysans-marchands, mais aussi par de nombreux paroissiens plus modestes sous forme d’offrandes. Les projets des maîtres d’oeuvre et des artistes faisaient l’objet d’une approbation collective. En outre de nombreux paroissiens participaient à la construction des enclos, notamment pour le transport de matériaux, à côté des artisans venus de l’extérieur.
  • Les enclos étaient tout à la fois le cadre de la vie religieuse et une place publique pour la vie quotidienne. Agrémentés de richesses architecturales et décoratives qui suggéraient un « luxe collectif », ils constituaient une carte d’identité culturelle de chaque communauté paroissiale. C’est pourquoi leur embellissement faisait l’objet d’une émulation entre les paroisses. Ce processus cumulatif a cessé au XVIIIe siècle, faute de moyens financiers après la mise en place par Colbert d’une politique protectionniste qui a interrompu les échanges commerciaux avec l’extérieur. Toutefois, les communautés rurales du Finistère sont restées, jusqu’à aujourd’hui, très attachées aux enclos perçus d’abord comme un legs sacré des ancêtres puis, à partir du XXe siècle, lors du déclin amorcé de la pratique religieuse, comme un riche patrimoine garant de l’identité culturelle locale.

Déclarations d’authenticité et/ou d’intégrité

Tous les enclos retenus pour former le bien en série restent affectés au culte catholique. Si certains cimetières ont été, pour des raisons d’hygiènes délocalisées hors des enclos, beaucoup (14 sur 31) y subsistent. L’enclos reste aujourd’hui le plus souvent « l’enclos des morts », l’espace qui évoque les ancêtres, même si l’on ne croit plus avec la même ferveur à la communauté des morts et des vivants. Après 1918, l’édification très fréquente des monuments aux morts dans les enclos constitue une preuve de cette continuité de sens et d’usage.

En règle générale, les enclos ont été bien préservés en raison de l’attachement que les populations locales leur portaient. Cet attachement fut d’abord motivé par la vivacité de la foi et des pratiques religieuses. La perception des enclos comme symbole d’identité culturelle y a aussi contribué. Au XXe siècle, une prise de conscience progressive de la valeur patrimoniale des enclos est venue renforcer la volonté de maintenir leur intégrité.

Si les limites du mur de clôture de quelques enclos ont connu des ajustements liés, au XIXème et au début du XXème siècles, à l’aménagement de la voierie, on constate que la large majorité des enclos paroissiaux s’inscrivent dans leurs limites historiques.

Les enclos qui ont été altérés n’ont pas été pris en compte dans la liste sélectionnée à ce stade. On peut donc considérer que le bien dont la candidature est proposée présente un bon état d’intégrité.

Comparaison avec d’autres biens similaires

Ces comparaisons peuvent être effectuées à partir d’une méthodologie prenant en compte les fonctions, la morphologie, ainsi que les architectures et les décors des biens comparés. On peut regrouper les sites retenus pour la comparaison en trois rubriques.

  • Ossuaires associés à un édifice cultuel.

Il existe plusieurs ensembles qui, comme les enclos paroissiaux, associent à la fonction cultuelle, la fonction d’inhumation et une mise en scène particulière de la mort. On peut retenir dans cette rubrique l’ossuaire de Hallstatt (Autriche ; inscrit en 1997 sur la Liste du patrimoine mondial), la chapelle des os d’Evora (Portugal ; non inscrit) ou encore l’ossuaire de Sedlec (République tchèque ; non inscrit). Aucun de ces sites ne présentent la même morphologie (détermination d’un espace sacré spécifique autour de l’église) que les enclos ; ni les mêmes architectures, ni les mêmes décors.

  • Sites religieux comportant plusieurs éléments immobiliers dont la disposition donne lieu à la constitution d’un espace sacré.

Plusieurs références de comparaison peuvent être retenues. Tout d’abord, les Monts sacrés (sacri monti) de Lombardie et du Piémont en Italie, inscrits en 2003 sur la Liste du patrimoine mondial. Ils regroupent, comme les enclos paroissiaux des ensembles immobiliers (chapelles, sculptures…) constituant un espace sacré. Ils en différent toutefois par les fonctions (pas d’inhumation, pas de fonction profane), l’intégration dans le paysage ainsi que par les styles des architectures et des décors.

Les sites sacrés et chemins de pèlerinage des Monts Kii (Japon), inscrits en 2004 sur la Liste du patrimoine mondial, définissent également un espace sacré, déterminé par les objets immobiliers (pagodes, portiques, reliquaires…) mais aussi des éléments du paysage (rochers, chutes d’eau…). Ce dernier point les différencie des enclos paroissiaux ; par ailleurs, ils n’ont pas de fonction d’inhumation ni de fonctions profanes et ne mettent pas la mort en scène.

  • Édifices cultuels exprimant une identité locale par intégration de formes d’architecture en provenance d’autres régions.

Les églises romanes catalanes de la Vall de Boi (Espagne ; inscrites au patrimoine mondial en 2000) sont une illustration de ce type d’édifice. Tous comportent un très haut clocher toscan qui contribue à structurer le paysage et affirmer l’identité locale, comme les enclos paroissiaux. Mais ces derniers diffèrent des églises catalanes aussi bien par les fonctions, la morphologie de leur dispositif et leurs architectures.

  • Ensembles d’architectures à dimension religieuse, associant des fonctions sacrées et profanes.

Cette catégorie permet d’identifier plusieurs références de comparaison possible. Ainsi, comme les enclos paroissiaux, les églises fortifiées de Transylvanie (Roumanie), inscrites sur la Liste du patrimoine mondial en 1993 sur la base du critère (iv), présentent, outre des fonctions religieuses des fonctions défensives et d’asile. Elles comportent souvent une enceinte dont le rôle, toutefois, n’est pas de délimiter un espace symbolique sacré mais un espace sécurisé matériellement. Leurs architectures, en conséquence, diffèrent profondément de celles des enclos paroissiaux.

Les missions franciscaines de la Sierra Gorda de Queretaro (Mexique), inscrites sur la Liste du patrimoine mondial en 2003 sur la base des critères (ii) et (iii) présentent également une double fonction religieuse et profane afin d’évangéliser et sédentariser les populations autochtones. Elles constituent un quadrilatère délimitant un espace particulier, formé par plusieurs bâtiments d’architecture vernaculaire au service d’activités agricoles ou d’artisanat. Le cimetière n’a qu’une place marginale et la symbolique de la mort est absente.

Les estancias jésuites de Cordoba (Argentine) ont été inscrites sur la Liste du patrimoine mondial sur la base des critères (ii), (iv) et (vi). Leurs fonctions sont essentiellement agricoles même si elles comportent une dimension religieuse. Même si, par leur morphologie, elle délimite un espace spécifique par rapport au paysage alentour, ce dernier n’est pas délimité en tant qu’espace sacré et n’évoque pas la mort. Les architectures sont déterminées par les fonctions agricoles des estancias. Seule l’église présente des caractéristiques particulières associant le baroque européen à des emprunts aux cultures locales.

Les Missions jésuites des Guaranis (Argentine et Brésil) présentent un cas de figure voisin. Elles ont été inscrites sur la Liste du patrimoine mondial en 1983 sur la base du critère (iv). Leur fonction était de sédentariser les populations autochtones, à l’appui de leur évangélisation. Leur morphologie s’ordonne en quadrilatère, dans lequel prennent place les bâtiments de travail et d’habitation. Même si la croix centrale et l’église évoque la dimension religieuse, l’espace ainsi délimité s’apparente davantage à un village créé de façon artificiel qu’à un espace symbolique sacré. La dimension de la mort n’est pas évoquée.

Enfin, les Külliye ottomans (Turquie, Irak, Syrie), constituent des ensembles qui regroupent, autour de la mosquée, diverses fonctions sociales, éducatives et commerciales. Ils forment un espace rectangulaire, délimité par un mur d’enceinte, qui ne constitue pas toutefois un espace sacré symbolique, la fonction religieuse étant exprimée par la seule mosquée… En tant que centre de services, et contrairement aux enclos, ils sont toujours situés en milieu urbain ou dans un faubourg destiné à être urbanisé. Les architectures des Külliye ont évolué avec celle des mosquées mais leur vocabulaire est similaire (coupoles, minarets, portiques…).  L’évocation de la mort n’y tient pas la place qu’elle occupe dans les enclos paroissiaux.

Cette première série de comparaisons, qui devra être complétée, fait ressortir l’originalité du bien candidat. Si certaines similarités peuvent être constatées avec des ensembles relevant d’autres contextes civilisationnels, les enclos demeurent toutefois un bien unique. En effet leurs architectures, produit d’un art populaire ouvert sur les influences extérieures, constituent des espaces sacrés associant des façon symbolique les morts et les vivants. Ils sont en ce sens des manifestations élaborées d’une identité culturelle, dont on ne trouve pas d’équivalent dans le monde.

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