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Le site archéologique de Sbeïtla

Date de soumission : 15/04/2021
Critères: (ii)
Catégorie : Culturel
Soumis par :
Délégation permanente de la Tunisie auprès de l'UNESCO
État, province ou région :
Gouvernorat de Kasserine, délégation de Sbeïtla
Coordonnées x: 510892.764 ; y: 3899726.907
Ref.: 6537
Avertissement

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Les noms des biens figurent dans la langue dans laquelle les États parties les ont soumis.

Description

Situé dans le Centre-ouest du pays, le site archéologique de Sbeïtla renferme les vestiges de la ville antique de Sufetula Musuniorum (Sufetula des Musunii). Fondée ex nihilo par l’administration romaine au cours du 3e quart du 1er siècle après J.C. L’agglomération a été établie sur un plateau assez plat dans une boucle de l’oued Sbeïtla, immédiatement en contrebas d’une source pérenne abondante qui émerge dans le lit de l’oued, ce qui a permis de dériver l’eau dans la ville par un pont-aqueduc toujours en fonction. Elle était de plan orthogonal et couvrait une superficie d’environ 50 ha. Son réseau viaire était formé de rues droites, les unes d’orientation Nord-Sud et les autres d’orientation Est-Ouest, se coupant à angle droit et délimitant des îlots rectangulaires. Les vestiges archéologiques conservés jusqu’à aujourd’hui sont ceux d’une ville de type colonial de la Rome impériale avec toutes ses composantes, notamment la grande place publique à laquelle on entre par une porte triomphale à trois baies précédée de quatre marches et qui fait face à un ensemble cultuel païen composé de trois temples, les grands thermes publics et d’autres établissements de bain de moindres dimensions, une fontaine publique, le théâtre, l’amphithéâtre, des arcs de triomphe, un pont-aqueduc sur l’oued Sbeïtla d’une cinquantaine de mètres de longueur et reposant sur trois piles, des maisons, etc. Mesurant 37,20m de long et 34,75m de large et conservant encore une partie de son dallage d’origine, la place publique ou forum qui constituait le centre de la vie civique et sociale, était entourée de portiques sur trois côtés. Le quatrième côté, celui occidental, est occupé par trois temples construits sur une plate-forme élevée. Selon une identification non encore confirmée mais largement partagée par les spécialistes, ils sont considérés comme le Capitole qui était un sanctuaire consacré à la vénération de la triade divine capitoline protectrice de la ville de Rome et qui était composée de Jupiter, Junon et Minerve. Séparés à la base par des passages, les temples sont réunis à l’étage par une plate-forme précédent les bâtiments et qui devait servir également de tribune.

Les vestiges des nombreuses églises dont certaines sont dotées de baptistère témoignent de la large diffusion du Christianisme et de l’importance de la ville à l’époque de l’Antiquité tardive. Cette importance explique son choix au VIe siècle pour devenir une capitale de la province byzantine de Byzacène et la résidence du patrice Grégoire qui, en 647, se déclara indépendant de Constantinople. La même année, il fut défait et tué dans les environs de la ville lors de la première bataille en Ifriqiya entre l’armée byzantine et les conquérants arabo-islamiques venus de Tripolitaine qu’ils venaient de conquérir. Cette confrontation a marqué un tournant décisif dans l’histoire de l’Afrique du Nord et constitué le début de la fin de la domination byzantine et le passage de l’Antiquité tardive à l’époque médiévale.

Justification de la Valeur Universelle Exceptionnelle

Le site archéologique de Sbeïtla renferme les vestiges de la ville antique de Sufetula Musuniorum (Sufetula des Musunii) qui constitue l’unique exemple dans tout l’Empire romain connu à ce jour d’une fondation urbaine selon le modèle colonial romain dans une province et qui était destinée non pas à accueillir une population de citoyens romains mais à sédentariser une communauté tribale autochtone de statut juridique pérégrin et dont le mode de vie dominant était encore le nomadisme. Les Musunii étaient en effet une grande tribu autochtone que l’auteur latin Pline l’Ancien (HN, V, 29) considère comme formant un « peuple » (natio).  ̋ Parmi les communautés restantes, la plupart ne sont pas seulement des peuplades, mais peuvent être mentionnées à juste titre comme des peuples; ainsi en est-il des Nattabudes, des Capsitains, des Musulames, des Musunii…̋  a écrit cet auteur. Pour réduire les menaces que faisaient peser ces puissantes confédérations tribales sur sa domination et pour mieux les contrôler, Rome a estimé que l’un des meilleurs moyens était de les sédentariser et de leur faire adopter le mode de vie à la romaine en les intégrant dans le modèle urbain romain.

L’exemple de la fondation de la ville de Sufetula Musuniorum constitue un témoignage éminent de l’introduction du modèle urbain romain dans une région vouée encore au nomadisme et de sa diffusion auprès de populations tribales nomades autochtones et de la politique de leur sédentarisation adoptée par l’administration romaine à l’égard. Ses vestiges archéologiques conservés jusqu’à aujourd’hui témoignent d’un échange d’influences considerable et de la planification des villes entre la Rome impériale de l’époque flavienne et la région des Hautes Steppes tunisiennes.

Critère (ii): La ville antique de Sufetula Musuniorum est un éminent exemple d’échanges d’influence avec l’introduction du modèle urbain romain dans une région où jusqu’alors le nomadisme était la forme dominante d’occupation du sol. C’est aussi un cas à ce jour sans exemple de l’application par l’administration romaine de l’utilisation d’un cadre urbain de modèle exogène pour la sédentarisation d’une communauté tribale autochtone de statut juridique pérégrin et encore nomade.

Déclarations d’authenticité et/ou d’intégrité

Les vestiges archéologiques conservent un haut degré d’authenticité. Ils n’ont pas subi d’altération, ni de dégradation à l’exception de celles causées par le temps et par les effets climatiques. Les réparations et les travaux de restauration n’ont d’aucune manière altéré ou déformé les structures architecturales ou changé les matériaux.

Lors de la délimitation des terres domaniales à la fin du XIXe-début du XXe siècle, le topographe a tracé par erreur la piste vers Kasserine à travers le site ce qui a causé de l’amputation du site de son quartier sud-ouest après l’aménagement de la route nationale moderne et la fondation d’un nouveau village à l’époque du protectorat français (1881- 1956). Cela a eu comme conséquence une légère altération de l’intégrité du site sans toutefois lui porter atteinte de manière profonde.

Comparaison avec d’autres biens similaires

Si sur le plan purement urbanistique, par son plan orthogonal, ses monuments publics civils et religieux, la ville de Sufetula ressemblait à d’autres agglomérations fondées par le pouvoir impérial romain dans les provinces de l’Empire, elle s’en est distinguée de manière radicale et très nette. L’agglomération n’avait pas, en effet, accueilli une population composée de colons qui jouissaient du statut juridique de citoyens romains, ce qui était le cas de toutes les autres fondations urbaines romaines connues. Le but de la fondation de la ville de Sufetula Musuniorum était d’accueillir et de sédentariser une population tribale autochtone de statut juridique pérégrin et dont le mode de vie dominant était encore le nomadisme. Ce cas est à ce jour sans exemple dans tout l’Empire romain.

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