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Frontières de l’Empire romain : Limes du Sud tunisien

Date de soumission : 17/02/2012
Critères: (ii)(iii)(iv)
Catégorie : Culturel
Soumis par :
Délégation permanente de Tunisie apures de l’UNESCO
État, province ou région :
Gouvernorats de Gabès, Kébili, Medine et Tataouine
Ref.: 5688
Avertissement

Les Listes indicatives des États parties sont publiées par le Centre du patrimoine mondial sur son site Internet et/ou dans les documents de travail afin de garantir la transparence et un accès aux informations et de faciliter l'harmonisation des Listes indicatives au niveau régional et sur le plan thématique.

Le contenu de chaque Liste indicative relève de la responsabilité exclusive de l'État partie concerné. La publication des Listes indicatives ne saurait être interprétée comme exprimant une prise de position de la part du Comité du patrimoine mondial, du Centre du patrimoine mondial ou du Secrétariat de l'UNESCO concernant le statut juridique d'un pays, d'un territoire, d'une ville, d'une zone ou de leurs frontières.

Les noms des biens figurent dans la langue dans laquelle les États parties les ont soumis.

Description

- muraille de Bir Om Ali :X : 432706 ; Y : 392889
- muraille de Jebel Tebaga : 37 G 43'N, 8 G 8'E
- le fort de Ksar Ghilane/Tisavar :36 G 68'N, 8G 9'E
- le fortin de Ksar Tarcine/ centenarium Tibubici : 36 G 91 N, 8G 30'E
- le fortin de Bénia Guedah Esseder :37 G 40'N, 8G9' E
- le fortin de Bénia bel Recheb : 36 G 88'N, 8G 71' E

Le « limes romain » représente la ligne frontière de l'Empire romain à son apogée au IIe siècle après J.-C. Le limes s'étendait sur 5 000 km depuis la côte atlantique au nord de la Grande-Bretagne, traversant l'Europe jusqu'à la mer Noire et, de là, jusqu'à la mer Rouge et l'Afrique du Nord, pour revenir à la côte atlantique. Il s'agit de vestiges de murs bâtis, de fossés, de forts, de forteresses, de tours de guet et d'habitations civiles. Certains éléments de la ligne ont été découverts lors de fouilles, d'autres reconstruits et quelques-uns détruits. Les deux tronçons du limes en Allemagne couvrent une distance de 550 km depuis le nord-ouest de l'Allemagne jusqu'au Danube au sud-est du pays. Le mur d'Hadrien (Royaume Uni), long de 118 km, a été construit sous les ordres de l'empereur Hadrien en 122 apr. J.-C., à l'extrémité nord des frontières de la province romaine Britannia. C'est un exemple remarquable d'organisation d'une zone militaire qui illustre les techniques défensives et les stratégies géopolitiques de la Rome ancienne. Le mur d'Antonin, une fortification de 60 km de long située en Ecosse, fut commencé sous l'empereur Antonius Pius en 142 apr. J.-C. comme une défense contre les « barbares » venus du Nord. Il représente le tronçon situé le plus au nord-ouest du « limes romain ».

En Tunisie, le limes romain s'apparente davantage à un système de surveillance du territoire et de contrôle des mouvements des personnes qu'à une ligne de défense s'opposant à une menace militaire effective. Au plus fort de la domination romaine, la zone du limes s'étendait sur pas moins de 80 000 km2 allant des monts de Gafsa au Nord jusqu'au Grand Erg au Sud. Les vestiges d'installations relevant du limes s'inscrivent à l'intérieur d'une zone de profondeur variable suivant les secteurs. Au nombre d'une trentaine, ce sont des camps, des forts, des fortins, des segments de mur ou de fossé. Leur distribution donne une impression d'organisation très apparente. Œuvre complexe et de longue haleine, la création du limes a été un enrichissement perpétuel, des pièces de dates différentes se juxtaposant dans un système où toutes les époques se trouvent finalement représentées. Mis en place de manière progressive à partir du règne d'Octave -Auguste (27 avant J.-C. - 14 après J.-C.) suite à l'ouverture en 14 après J.-C. de la rocade stratégique reliant, via Capsa (Gafsa), les campements d'hiver (castra hiberna) au port de Tacapes (Gabès) dans le golfe de la Petite Syrte, et devançant la pénétration romaine dans la région pré-désertique, ce système de surveillance et de contrôle est resté fonctionnel tout au long de l'Antiquité tardive jusqu'au Ve siècle comme l'atteste la Notitia Dignitatum.

- muraille de Bir Om Ali : à 2 km de Khanguet Oum Ali, sur la colline de même nom, à travers la gorge, les vestiges bien conservés d'une « muraille » barrant le passage d'un sommet à l'autre de la gorge. De 3 mètres d'épaisseur et construit en moellons, l'ouvrage conserve sur une bonne partie une élévation qui dépasse les 5m.

- la muraille de Jebel Tebaga : c'est un ouvrage linéaire qui court sur 17 km du Jebel Tebaga jusqu'aux contreforts occidentaux du Jebel Melab. Il est construit en pierres et conservé parfois sur plus de 2 m d'élévation, dans la traversée des affleurements rocheux, et il est traité en fossatum avec vallum intérieur dans les parties alluviales. La largeur totale de l'ouvrage est alors d'une quinzaine de mètres. Son tracé sinueux et l'adaptation à la topographie de son profil en long ménageaient à ses défenseurs une position dominante et de grandes possibilités d'observation sur la zone située à l'extérieur.

- le fort de Ksar Ghilane/Tisavar : Situé à 3 km de l'oasis de Bou Flija, sur une éminence rocheuse dominant les premières dunes de l'erg oriental, et datant du règne de l'empereur Commode, ce fort est une construction rectangulaire (40m x 30m), aux angles arrondis. Les murs, construits en pierres de taille sur une hauteur de 1,50 m, en moellons plus petits au-dessus, avaient 1,40 m d'épaisseur et près de 4 m d'élévation. La porte d'entrée unique s'ouvrait au milieu de la face est de l'enceinte. Munie d'un dispositif de fermeture à glissières, elle donnait sur un couloir long de 7 m qui était fermé en son milieu par une porte à double battant et qui permettait d'accéder sur une cour sur laquelle ouvraient 20 chambres accolées au mur d'enceinte. Dans chaque angle du fort et sur les côtés est et ouest, des escaliers donnaient accès au terrasses au-dessus des chambres et à un chemin de ronde au-dessus du mur d'enceinte. Au milieu de la cour, un réduit de 12,60 m x 7,40 m dont les angles étaient bâtis en pierre de taille, composé de chambres et d'une chapelle de Jupiter.

- le fortin de Ksar Tarcine/ centenarium Tibubici : Identifié par une inscription comme centenarium Tibubici, ce fortin est situé sur la rive droite de l'Oued Hallouf qu'il domine d'une dizaine de mètres. Il comportait une enceinte extérieure formant un quadrilatère irrégulier de 110m de long, aux angles arrondis, une cour intérieure et un réduit carré de 15mx15m avec un mur de renforcement extérieur. L'entrée du réduit, au sud-est, était pratiquée dans une maçonnerie semi-circulaire disposée en avant de la façade. Un étroit couloir, de 30 de long, muni d'un dispositif de fermeture, conduisait à la cour intérieure. Le centenarium est datable de 297 à 305. Son plan général et son mode de construction sont très différents de ceux des castella,

- le fortin de Bénia Guedah Esseder : Située au milieu d'une plaine fertile, c'est une grande construction en grand appareil de 60m de long et 40m de large, à enceinte bastionnée aux trois angles est, sud et ouest, ainsi qu'au milieu de la face sud-ouest. L'enceinte est conservée sur une hauteur de 3m en moyenne. L'ouverture unique, au sud-est, était prolongée par un couloir à chicane, surveillé de l'intérieur par des créneaux horizontaux dans le mur de gauche, et tournant à angle droit vers la droite pour conduire à la porte proprement dite. Un réduit était accolé à la face intérieure nord-ouest de l'enceinte. On y accédait par un couloir à créneaux et une porte voûtée s'ouvrant sur un atrium.

- le fortin de Bénia bel Recheb : Occupant une situation remarquable qui commande la vallée de l'Oued bel Recheb, il s'agit d'un fortin de plan carré de 40 m de côté avec une enceinte en pierre de taille et flanquée de bastions carrés à chaque angle et au milieu de chaque face, sauf à l'ouest. Deux de ces bastions encadraient l'entrée qui s'ouvrait sur un couloir à double tournant, donnant accès à la cour intérieure.

Justification de la Valeur Universelle Exceptionnelle

Par la Décision 29 COM 8B.46, le Comité du Patrimoine mondial a en 2005 approuvé l'extension du Bien Mur d'Hadrien (Royaume Uni) pour inclure les Frontières de l'Empire romain de Germanie Supérieure et de Rhétie créant ainsi en 2005 le Bien transfrontalier du Patrimoine mondial appelé "Frontières de l'Empire romain". Trois sections du Bien ont déjà été inscrites : le Mur d'Hadrien (1987), Limes de Germanie Supérieure et de Rhétie (2005) et le Mur d'Antonin (2008). Les sections autrichienne et hongroise de "Frontières de l'Empire romain : limes du Danube" ont été inscrites sur la Liste indicative du Patrimoine mondial.

Critères remplis :

(ii): La section tunisienne des frontières de l'Empire romain représente un exemple remarquable de transposition dans un environnement à la lisière du Grand Sahara d'un système de défense de territoire et d'une architecture militaire caractéristique d'un pouvoir politique né dans le centre de la péninsule italienne. Elle a été un espace d'échanges économiques et culturels et d'un grand brassage humain. Pendant une période de plus quatre siècles, elle a favorisé la mise en valeur agricole pour assurer l'approvisionnement des garnisons disséminées dans cette vaste région présaharienne. Cette organisation militaire a permis le développement d'une forme de sédentarisation dans des espaces qui, jusque-là étaient voués au nomadisme.

(iii): les différents types d'ouvrages composant le tronçon tunisien des frontières de l'Empire romain constituent un exemple exceptionnel de la stratégie adoptée pour assurer la défense des frontières du plus grand empire du monde méditerranéen antique et de son adaptation pragmatique aux conditions géographiques et à l'environnement humain de la région.

(iv) : Avec leur variété typologique et leur datation qui s'étend sur plus de deux siècles, les ouvrages militaires du limes du Sud tunisien constituent un témoignage éminent de l'architecture militaire romaine et son évolution en fonction des changements des approches stratégiques.

Le choix des éléments proposés pour inscription sur la Liste du patrimoine mondial a voulu exprimer la variété et la richesse typologique des ouvrages militaires qui ont composé le limes du sud tunisien et illustrer leur répartition géographique et leur évolution chronologique.

Déclarations d’authenticité et/ou d’intégrité

Les ouvrages du limes du sud tunisien ont préservé leur authenticité et les rares interventions de restauration ou de les quelques moments de réutilisation temporaire n'ont pas altéré leur intégrité.

Comparaison avec d’autres biens similaires

La section tunisienne des frontières de l'Empire romain est la partie nord occidentale du limes Tripolitanus qui constituait le prolongement oriental du limes Numidiae qui s'étendait dans le sud algérien. Elle se prolongeait d'Ouest en Est de la région de Nefzaoua au sud de Chott el Jérid jusqu'à la frontière actuelle entre la Tunisie et la Libye au niveau de Dhehibat. D'orientation nord-ouest /sud-est, elle se distingue par la grande variété des ouvrages qui la compose et par la richesse de leur typologie architecturale. Sa longue évolution historique qui s'étend, pour l'essentiel, du IIe au Ve s l'a doté d'un échantillonnage très varié d'installations militaires et agricoles dont aucune n'appartient à la catégorie des ouvrages de première grandeur.

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