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Décision 45 COM 8B.53
Musée et lieu de Mémoire de l’ESMA - Ancien centre clandestin de détention, de torture et d’extermination, Argentine

Le Comité du patrimoine mondial,

  1. Ayant examiné les documents WHC/23/45.COM/8B.Add et WHC/23/45.COM/INF.8B1.Add,
  2. Inscrit le Musée et lieu de Mémoire de l’ESMA - Ancien centre clandestin de détention, de torture et d’extermination, Argentine, sur la Liste du patrimoine mondiale sur la base du critère (vi) ;
  3. Adopte la Déclaration de valeur universelle exceptionnelle suivante :

    Brève synthèse

    Le Musée et lieu de Mémoire de l’ESMA - Ancien centre clandestin de détention, de torture et d’extermination est situé sur le terrain de ce qui était autrefois les quartiers des officiers de l’École de mécanique de la marine (ESMA), dans la ville de Buenos Aires, en Argentine.

    Dans le centre clandestin installé dans le bâtiment des quartiers des officiers de l’ESMA, des officiers et des subordonnés de la marine argentine ont enlevé, torturé et assassiné plus de 5 000 personnes, mis en œuvre un plan de vol des bébés nés en captivité, exercé des violences sexuelles et à caractère sexiste, soumis des groupes de personnes détenues-disparues à divers types de travaux forcés, et organisé la spoliation des biens mobiliers et immobiliers des victimes. L’exercice systématique et organisé de la violence secrète par la dictature a eu lieu dans le cadre d’un plan transnational de coopération entre les dictatures du Cône Sud de l’Amérique pour lutter contre l’opposition armée et non armée de gauche et marxiste, ainsi qu’un grand nombre d’associations politiques et sociales progressistes. En raison des implications transnationales de ces événements, dans un contexte de tensions géopolitiques mondiales entre des visions du monde et des valeurs socio-politiques opposées, et compte tenu de l’échelle du bâtiment et de son fonctionnement, de sa situation au cœur de la ville, de la coexistence d’officiers de marine et de personnes détenues-disparues, ainsi que de la variété et de la complexité des crimes commis, le centre clandestin de l’ESMA a transcendé les frontières politiques et géographiques pour devenir un symbole international et emblématique représentant les caractéristiques de la disparition forcée de personnes, considérée aujourd’hui comme un crime contre l’humanité par les Nations Unies.

    Critère (vi) : Le Musée et lieu de Mémoire de l’ESMA - Ancien centre clandestin de détention, de torture et d’extermination est étroitement et matériellement associé à, et hautement représentatif de, la répression illégale des opposants et dissidents armés et non armés, menée et coordonnée par les dictatures d’Amérique latine dans les années 1970-1980 et fondée sur la disparition forcée de personnes, dans un climat de tensions géopolitiques mondiales entre des visions du monde opposées sur l’ordre socio-politique du monde.

    Intégrité

    Le bien possède toutes les strates qui expliquent clairement l’évolution historique de sa construction, nécessaire pour comprendre sa valeur universelle exceptionnelle. Le bâtiment est protégé en qualité de preuve judiciaire depuis 1998 en raison des crimes contre l’humanité qui y ont été commis pendant les opérations de l’ancien centre clandestin de détention, de torture et d’extermination. À partir de cette date, toute modification a été interdite. La marine argentine a libéré et cédé le bâtiment en 2004. Jusqu’en 2014, seuls des travaux d’entretien et de lutte contre la détérioration ont été réalisés. De 2014 à 2015, les travaux pour créer et ouvrir le Musée et lieu de Mémoire de l’ESMA ont été réalisés dans le respect scrupuleux de la préservation de l’état de l’édifice, tel qu’il était au moment de sa désaffectation, et de son statut de preuve judiciaire. À l’heure actuelle, différentes marques et divers vestiges témoignant du séjour des détenus-disparus sur le lieu sont conservés. Le bâtiment présente aujourd’hui les conditions d’inaltérabilité nécessaires à la poursuite d’études pouvant permettre l’accès à de nouvelles preuves judiciaires. En outre, il représente une source documentaire pour la reconstruction historique des événements qui s’y sont déroulés.

    Authenticité

    La structure du bien, sa configuration spatiale, ses revêtements et les marques des diverses modifications architecturales et utilisations au fil du temps permettent de comprendre son histoire et son évolution et transmettent de manière crédible la valeur universelle exceptionnelle du bien. La validation du bâtiment en qualité de preuve judiciaire dans les procès pour les crimes contre l’humanité qui y ont été commis repose sur la reconnaissance de l’authenticité des installations et de la véracité des témoignages relatifs à ces événements et confirme l’association matérielle et étroite du bien avec ces événements. Les protocoles de conservation et de restauration appliqués pour l’installation du Musée et lieu de Mémoire de l’ESMA ont été approuvés conjointement par des experts en la matière, par un Conseil consultatif composé de représentants d’organisations de défense des droits humains et du corps judiciaire. Aujourd’hui, toutes les mesures de conservation et de restauration du bâtiment reposent sur des études scientifiques réalisées pour sa préservation, en raison de sa double nature de preuve judiciaire et de source documentaire.

    Les attributs matériels du bien qui reflètent sa valeur universelle exceptionnelle sont complétés et renforcés par le processus rigoureux et précoce d’établissement des faits et de recherche de la justice en relation avec les événements criminels qui se sont déroulés pendant les dictatures des militaires et qui ont abouti au premier procès des juntes militaires en 1985 devant un tribunal civil. Ce procès et les méga-procès qui ont suivis ont produit des preuves accablantes sur ce qui s’est passé à l’ESMA. Le quartier des officiers a été protégé en qualité de preuve judiciaire pour les procès. La recherche de la vérité et de la justice est toujours en cours et constituera le socle d’un processus de réconciliation solide.

    Éléments requis en matière de protection et de gestion

    Diverses mesures de protection juridiques et institutionnelles couvrent le bien et sa zone tampon pour la préservation de sa valeur universelle exceptionnelle. D’un point de vue juridique, le bâtiment est protégé depuis 1998 par une injonction visant à maintenir le statu quo au titre de preuve judiciaire. En outre, la Cour émet continuellement des dispositions spécifiques concernant la préservation de l’ensemble du bâtiment. En ce qui concerne le patrimoine, le bien a été classé monument historique national en 2008, et sa zone tampon, composée des locaux destinés à l’Espace pour la mémoire et pour la promotion et la défense des droits humains (anciennement ESMA), a été classée site historique national. D’un point de vue institutionnel, le décret national pour la création du Musée et lieu de Mémoire de l’ESMA - Ancien centre clandestin de détention, torture et extermination définit son rôle administratif en tant qu’organisme décentralisé du Secrétariat national aux droits humains, dont la mission est d’informer et de transmettre les événements qui se sont déroulés dans le centre clandestin, ses antécédents et ses conséquences.

    Le Musée et lieu de Mémoire de l’ESMA est géré par une direction exécutive et dispose d’un Conseil consultatif composé des mêmes membres issus du Répertoire des organisations des droits humains et rattachés à l’Espace pour la mémoire et pour la promotion et la défense des droits humains. Le Musée et lieu de Mémoire est situé dans l’enceinte des locaux destinés à l’Espace pour la mémoire et pour la promotion et la défense des droits humains (anciennement ESMA), qui abrite aujourd’hui des institutions publiques et des associations de la société civile d’envergure locale, nationale et régionale. L’Espace pour la mémoire et pour la promotion et la défense des droits humains (anciennement ESMA) est administré par un organe exécutif composé de représentants du gouvernement national, de la ville autonome de Buenos Aires et d’un Répertoire intégré par des organisations de défense des droits humains.

    Le maintien à long terme de la valeur universelle exceptionnelle et de la mission du Musée et lieu de Mémoire de l’ESMA, qui est d'aider l’Argentine à réaliser son aspiration à ce que ces événements ne se reproduisent plus, nécessite l’engagement continu de toutes les institutions concernées pour présenter ce qui s’est passé pendant la dictature dans toute la complexité de son contexte et de ses conséquences et garantir que le bien continue d’être l’héritage de tous les Argentins afin de devenir celui du monde entier.

  4. Recommande que l’État partie prenne en considération les points suivants :
    1. élargir la zone tampon par le biais d’une demande de modification mineure des limites ou l’établissement de mécanismes de protection solides pour les parcelles correspondant à l’école technique Raggio et à son terrain de sport,
    2. exercer une vigilance étroite sur toute modification des dispositions d’urbanisme dans l’environnement immédiat et plus large du bien qui pourrait conduire à un développement incompatible avec le maintien de la valeur universelle exceptionnelle du bien,
    3. réaliser une évaluation de tous les bâtiments et structures situés dans la zone tampon concernant le niveau de protection et la politique de conservation qui seraient appropriés pour chacun d’entre eux par rapport à leur capacité à soutenir la valeur universelle exceptionnelle,
    4. réaliser un examen systématique de toutes les mesures de gestion des risques en place afin de vérifier si la communication et la coordination inter-agences devraient être renforcées pour répondre efficacement aux catastrophes,
    5. compléter le plan de gestion stratégique par un chapitre sur les dispositifs de gestion des risques et sur les acteurs chargés de traiter les risques spécifiques et d'y répondre,
    6. soumettre pour examen au Centre du patrimoine mondial et à l’ICOMOS le concept et le projet d’extension du Musée et lieu de Mémoire de l’ESMA conformément au paragraphe 172 des Orientations,
    7. veiller à ce que l’interprétation du Musée et lieu de Mémoire comprenne des informations plus complètes sur le contexte historico-politique argentin qui a conduit à l’avènement de la dictature civilo-militaire en 1976 et sur le passé des personnes emprisonnées et torturées à l’ESMA, afin de faire pleinement comprendre que les méthodes de répression utilisées pendant la dictature étaient des crimes d’État injustifiables et abominables,
    8. déplacer tous les services du musée liés aux visiteurs à l’extérieur du bâtiment du Casino des officiers, dans un autre local, et conserver le bien uniquement comme lieu d’éducation, de mémoire et de recueillement.
Documents
Contexte de la Décision
WHC-23/45.COM/8B.Add
WHC-23/45.COM/INF.8B1.Add
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