Le Comité du patrimoine mondial,
- Ayant examiné les documents WHC/24/46.COM/8B et WHC/24/46.COM/INF.8B1,
- Inscrit la Via Appia. Regina Viarum, Italie, à l’exception des éléments constitutifs suivants : La Via Appia sur le chemin de transhumance tarentin (015), La Via Appia du 14e au 24e mile avec un embranchement vers Lanuvium (003) et La Via Appia dans la plaine Pontine, avec un embranchement vers Norba (004), sur la Liste du patrimoine mondial sur la base des critères (iii), (iv) et (vi) ;
- Adopte la déclaration de valeur universelle exceptionnelle suivante :
Brève synthèse
Le bien en série Via Appia. Regina Viarum est la plus ancienne voie romaine dont le tracé est avéré et parmi les premières créées. Construite sous l’autorité du censeur Appius Claudius Caecus à partir de 312 avant notre ère, la Via Appia fut initialement conçue comme une route stratégique de conquête militaire reliant, par le tracé le plus direct, Rome à Capoua. En même temps que Rome poursuivait son expansion territoriale, la Via Appia fut prolongée vers Beneventum, Tarentum et Brundisium, ouvrant ainsi la voie à la conquête de l’Orient et de l’Asie Mineure. La Via Appia, une fois les territoires conquis par Rome stabilisés, devint rapidement un axe commercial d’échanges et de développement territorial et culturel, où il était possible de circuler librement, sans péage. En 109 de notre ère, l’empereur Trajan inaugura la Via Traiana, une extension de la Via Appia destinée à relier plus aisément Beneventum à Brundisium, le long des côtes de l’Adriatique.
Toutes les ressources de l’ingénierie romaine furent mises à contribution pour la réalisation de la Via Appia et de la Via Traiana, avec de vastes travaux d’assainissement des terres, la construction d’importants ouvrages d’art et l’emploi de techniques innovantes et les plus durables de création de la chaussée. En outre, la voie fut pourvue de nombreux aménagements destinés à faciliter les déplacements. Elle était ponctuée de bornes milliaires marquant les distances, de fontaines pour les humains et les bêtes, de relais de poste, rapidement aménagés en hôtelleries et relais pour les voyageurs. Autour de la voie se développa un ensemble de nécropoles et de sites funéraires, et des sanctuaires religieux s’installèrent aux abords des villes. La voie favorisa la création d’un vaste ensemble d’ouvrages monumentaux et permit le développement des cités qu’elle reliait. C’est à partir de la Via Appia que se développèrent de nouvelles colonies et qu’un parcellaire officiel se mit en place.
La fonction de la Via Appia perdura au fil des siècles. Elle demeura une voie d’accès aux bourgs ruraux. Au début du Moyen Âge, l’Église de Rome s’appuya sur cette voie pour diffuser le christianisme en revitalisant l’agriculture. À partir du XIe siècle, les constructions bordant la voie furent réutilisées en ouvrages défensifs, et la voie devint une route de pèlerinage et de croisade vers la Terre sainte. Alors qu’à la Renaissance s’éveilla un nouvel intérêt pour l’Antiquité et ses monuments, la papauté fit alors réaliser des travaux de restauration de la voie en raison de sa valeur spirituelle et mémorielle pour le christianisme. Dès le XVIe siècle se développa l’idée d’une conservation archéologique de la voie.
La Via Appia a pris une place importante dans la mémoire collective, qu’elle soit littéraire ou iconographique, ou même musicale. Elle s’inscrivait comme une étape majeure du Grand Tour.
Critère (iii) : La Via Appia. Regina Viarum compte parmi les témoignages les plus durables que la civilisation romaine ait légués à la postérité. Sa construction constitua un exploit d’ingénierie et de conception technique qui eut une influence sur une majeure partie de la Méditerranée pendant plus d’un millénaire. L’ensemble des typologies structurelles et urbaines caractéristiques de la civilisation romaine se retrouve le long de la route.
Critère (iv) : La Via Appia. Regina Viarum témoigne des capacités exceptionnelles d’organisation et de l’efficacité administrative de la civilisation romaine. La Via Appia est un exemple de prouesse technique innovante développée par Rome dont la construction, outre les infrastructures qui lui sont directement associées, servit de point de référence pour la division des terres attribuées aux anciens soldats et favorisa, sur son tracé, la régulation et l’agrégation de l’habitat urbain nouveau, car elle fut souvent choisie comme decumanus. La Via Appia contribua ainsi au développement des cités anciennes qu’elle reliait ou qui lui étaient associées. La Via Appia est aussi accompagnée d’un ensemble monumental composé de temples, de monuments funéraires, d’aqueducs ou encore de villas et, aux entrées des villes, d’arcs de triomphe, de portes ou d’équipements tels les théâtres, les amphithéâtres ou les thermes qui, tous, témoignent d’une civilisation millénaire.
Critère (vi) : La Via Appia. Regina Viarum fut un vecteur majeur de diffusion d’idées et de croyances. Elle joua un rôle important dans la diffusion de la religion chrétienne et permit aux croisés et à un grand nombre de pèlerins de se rendre en Terre sainte. Représentative de la puissance de Rome, la Via Appia fut symboliquement utilisée dès le XVIe siècle par de nombreux monarques ou généraux vainqueurs dans le but de célébrer leur puissance ou leurs victoires. La Via Appia fut célébrée par les artistes dès la Renaissance. Objet d’étude pour les archéologues, les architectes, les universitaires, elle fascina des générations de visiteurs entreprenant leur Grand Tour.
Intégrité
Les éléments constitutifs de la Via Appia. Regina Viarum présentent des différences notables, tant en termes de dimension que de caractère qu’il soit naturel ou urbain. Leurs attributs diffèrent en nombre, qualité ou importance et par leur état de conservation. Tous participent à représenter la Via Appia dans ses caractéristiques, son tracé et sa cohérence. Les éléments constitutifs illustrent le grand ouvrage d’infrastructure qu’est la Via Appia et son impact sur le développement économique, social et politique des régions conquises par Rome. S’agissant majoritairement de vestiges archéologiques, les attributs sont lisibles et présentent un bon état de conservation.
Authenticité
La Via Appia. Regina Viarum se présente sous la forme d’un vaste ensemble de sites archéologiques ayant conservé nombre d’attributs représentatifs du rôle et des fonctions de la voie et du territoire dont elle a permis le développement. Dans ce contexte, la forme et la conception initiales ont évolué avec le temps mais demeurent toutefois. Il en va de même pour les matériaux et la substance. La fonction première de la voie est celle de la circulation des humains, des marchandises et des idées, fonction qui a évolué sans jamais totalement disparaître au cours des siècles de son fonctionnement. Les usages ont évolué dans leur motivation, mais pas dans leur objet. La richesse des informations et des connaissances sur la Via Appia obtenues au fil des siècles par la recherche scientifique, mais aussi par les travaux artistiques et littéraires, contribue également à son authenticité.
Éléments requis en matière de protection et de gestion
Les éléments constitutifs de la Via Appia. Regina Viarum sont protégés au titre du Code des biens culturels et du paysage (Codice dei beni culturali e del paesaggio), rédigé en application de la loi du 6 juillet 2002. Le ministère de la Culture est responsable de la protection et de la conservation du patrimoine culturel, indépendamment de la propriété des sites, garanties par les surintendances de l’archéologie, des beaux-arts et du paysage (Soprintendenze), coordonnées au niveau central par la Direction générale de l’archéologie, des beaux-arts et du paysage. Cela comprend la définition et l’application de normes nationales pour la conservation, la restauration et la sauvegarde afin d’assurer l’intégrité du bien. En outre, le ministère de la Culture est responsable de la mise en valeur de ses propres biens culturels, contribuant ainsi à la gestion globale et à la promotion de l’ensemble de la Via Appia. Les régions, en collaboration avec les services déconcentrés du ministère de la Culture – les surintendances – ont la charge de la planification liée aux biens culturels et paysagers, via les Plans Régionaux Paysagers.
Toute modification ou transformation est soumise à une autorisation, condition préalable au permis de construire, qui est délivrée par la région ou, par délégation, à une collectivité locale (province, municipalité) et est soumise à l’accord des surintendances. Enfin, des mesures de protection environnementale du bien en série et des zones tampons sont prévues dans le cadre des zones Natura 2000, des zones naturelles protégées et de celles délimitées par le Plan Paysager Territorial Régional (PTPR).
Le système de gestion prévoit la désignation d’une entité unique comme point focal de coordination de la gestion du bien. La fonction de cette structure sera de maintenir la coordination entre les différentes parties prenantes et d’exécuter des actions en réseau pour assurer la conservation et la promotion globales du plan de gestion. Elle assurera l’animation du réseau des parties prenantes et institutions associées.
- Recommande que l’État partie prenne en considération les points suivants :
- mettre en place, dans les meilleurs délais, la fondation participative qui servira de structure de coordination transversale du plan de gestion de la Via Appia,
- intégrer dans le plan de gestion les conditions et dispositions relatives à la réalisation d’évaluations d’impact sur le patrimoine,
- mettre en œuvre les travaux de conservation envisagés pour les désordres affectant les éléments constitutifs « La Via Appia de Sinuessa au Pagus Sarclanus » et « L'Appia Traiana de Beneventum à Aequum Tuticum »,
- poursuivre et amplifier les projets de tourisme durable facilitant la répartition plus large des visiteurs,
- fournir les chiffres actualisés pour les surfaces révisées du bien en série dans son ensemble et de chaque élément constitutif,
- soumettre des cartes révisées reflétant les changements des surfaces des éléments constitutifs et des zones tampons ;
- Demande à l’État partie de soumettre au Centre du patrimoine mondial d’ici le 1erdécembre 2025, un rapport sur la mise en œuvre des recommandations susmentionnées pour examen par le Comité du patrimoine mondial lors de sa 48e session.