Le Comité du patrimoine mondial,
- Ayant examiné les documents WHC/24/46.COM/8B, WHC/24/46.COM/INF.8B1 et WHC/24/46.COM/INF.8B2
- Inscrit le Site archéologique et paléontologique Melka Kontouré et Balchit, Éthiopie, sur la Liste du patrimoine mondial sur la base des critères (iii), (iv) et (v);
- Adopte la déclaration de valeur universelle exceptionnelle suivante :
Brève synthèse
L’ensemble de sites archéologiques et paléontologiques du Pléistocène Melka Kontouré et Balchit longe le cours supérieur de l’Aouache, sur les hauts plateaux éthiopiens, à une altitude d’environ 2 000 à 2 200 mètres au-dessus du niveau de la mer. Avec une séquence stratigraphique relativement continue formée par l’accumulation de dépôts fluviaux/alluviaux et d’origine volcanique intercalés avec du tuf, le bien renferme une séquence culturelle exceptionnellement longue de quatre phases consécutives, à savoir les techno-complexes de l’Oldowayen, de l’Acheuléen, du Paléolithique moyen et du Paléolithique supérieur, documentées dans une diversité de contextes archéologiques, et témoignant de l’occupation de la région par des groupes d’homininés il y a deux millions d’années. Des fragments de paléopaysages, ensevelis sous les tufs volcaniques et les dépôts sédimentaires, ainsi que la présence de vestiges fossiles d'animaux et de végétaux permettent de reconstituer l’écosystème de haute montagne des hauts plateaux éthiopiens du Pléistocène et d’en tirer des conclusions sur l’adaptation des groupes d’homininés à l’environnement hostile et aux conditions climatiques des hautes altitudes. La présence de fossiles d’Homo erectus, Homo heidelbergensis et Homo sapiens archaïque, découverts aux côtés de matériel archéologique bien daté, met en lumière le développement des savoir-faire et des capacités cognitives des premiers groupes d’homininés. La riche concentration d’assemblages lithiques variés taillés dans des roches volcaniques à l’aide de différentes techniques de débitage, et des témoignages de l’excellente qualité des outils en obsidienne standardisés, suggèrent un certain niveau de planification et d’innovation. Les traces de la tradition séculaire de l’extraction et de l’utilisation de l’obsidienne, qui commence avec l’industrie de l’Oldowayen, font de ce bien le plus ancien exemple connu d’utilisation de l’obsidienne et un témoignage exceptionnel de la continuité de l’exploitation de cette matière première.
Les éléments constitutifs contribuent collectivement à la compréhension de l’évolution humaine, en permettant de revoir les théories existantes concernant les transitions entre les techno-industries, et évoquent les étapes fondamentales dans le développement de l'intelligence humaine et des facultés d’adaptation. Ils fournissent également des informations précieuses sur l’histoire sédimentaire de la région et permettent de déterminer la chronologie des horizons culturels du Pléistocène en fonction de la datation des tufs volcaniques préservés dans la succession de Melka Kontouré.
Critère (iii) : L’ensemble de sites archéologiques et paléontologiques du Pléistocène Melka Kontouré et Balchit est le seul endroit connu au monde à avoir conservé, dans une seule zone, une séquence culturelle exceptionnellement longue de quatre phases consécutives, à savoir les techno-complexes de l’Oldowayen, de l’Acheuléen, du Paléolithique moyen et du Paléolithique supérieur. Les fossiles d’homininés, Homo erectus, Homo heidelbergensis et Homo sapiens archaïque, découverts dans des couches archéologiques bien datées avec des outils des industries de l’Oldowayen, de l’Acheuléen et du Paléolithique moyen, ainsi que les traces d’utilisations diverses de différentes roches au fil du temps, contribuent à la compréhension de l’évolution humaine, du développement des capacités cognitives des premiers groupes d’homininés et de leur adaptation à leur environnement par l’emploi de différentes stratégies d’extraction et d’utilisation des matières premières.
Critère (iv) : Les fragments de paysages fossiles du Quaternaire, préservés et ensevelis sous des tufs volcaniques et des dépôts sédimentaires de l’ensemble de sites archéologiques et paléontologiques du Pléistocène Melka Kontouré et Balchit, permettent de reconstituer le paléoenvironnement et le paléoclimat des hauts plateaux éthiopiens au cours du Pléistocène et de mieux comprendre le mode de vie des groupes d’homininés qui occupaient cette région. Les restes d’homininés documentés sur le bien font partie des plus anciennes traces de l’occupation humaine à haute altitude et de leur adaptation à l'écosystème de haute montagne, qui diffère de celui des savanes sèches de plus basses altitudes, ce qui constitue une période importante de l’histoire humaine. La matière volcanique qui a enseveli ces paléopaysages présente un intérêt sur le plan scientifique car elle permet de dater et d’établir la chronologie des horizons culturels.
Critère (v) : L’ensemble de sites archéologiques et paléontologiques du Pléistocène Melka Kontouré et Balchit témoigne de façon exceptionnelle de l’exploitation constante de l’obsidienne comme matière première et de son utilisation massive pour la fabrication d’outils, qui commence avec l’industrie de l’Oldowayen. Il s'agit du plus ancien exemple connu d’utilisation de l’obsidienne et du seul endroit connu au monde présentant des vestiges ininterrompus de l’exploitation systématique de ce verre volcanique et de son débitage depuis deux millions d’années. La grande qualité et la quantité des outils en obsidienne standardisés découverts dans les contextes acheuléens suggèrent la possible mise en place de sites de fabrication spécialisés.
Intégrité
Tous les éléments constitutifs contribuent de manière significative à la valeur universelle exceptionnelle, apportent des témoignages complémentaires sur l’évolution et l’activité des groupes d’homininés, ainsi que sur leur environnement naturel et l’histoire sédimentaire du bassin de la haute vallée de l’Aouache, sur une période de deux millions d’années. Les gisements archéologiques et paléontologiques et la stratigraphie profonde sont bien préservés dans l’ensemble du bien. Les sections fouillées ont été remblayées, à l’exception d'une partie, qui a été laissée ouverte pour être exposée au public. Des artefacts et des restes d’homininés sont conservés et exposés au Musée national d’Éthiopie, à Addis-Abeba, ou au musée du site. Les éléments constitutifs subissent généralement une faible érosion, principalement due aux crues saisonnières de l’Aouache. Dans certaines zones, l’intégrité des dépôts est menacée par les activités liées à l’exploitation de carrières de sable. L’environnement du bien a été en grande partie préservé et les zones présentant un potentiel pour de futures recherches ont été incluses dans les zones tampons, afin de les protéger contre d’éventuels empiètements dus au développement de la zone ou aux pratiques agricoles.
Authenticité
La zone a fait l’objet de fouilles limitées et le contexte des sites reste intact. La séquence culturelle et le profil géologique – avec les tufs volcaniques qui permettent de déterminer la chronologie des horizons culturels – sont préservés et intacts. Si l’environnement immédiat du bien n'a pas été affecté, l’expansion des établissements humains, ainsi que le développement associé des infrastructures, doivent cependant faire l’objet d'un suivi dans certains des éléments constitutifs.
Éléments requis en matière de protection et de gestion
Le bien est inscrit au patrimoine national et appartient à l’État, tandis que les habitants reçoivent des droits d’usufruit sur des parcelles de terrain. Tous les éléments constitutifs et les zones tampons sont protégés en vertu du règlement n° 159/2013. Au plus haut niveau, le bien est géré par le Bureau de la culture et du tourisme d’Oromia, en collaboration avec l’Autorité en charge de la recherche et de la conservation du patrimoine culturel (ARCCH). Au niveau du site, le Bureau d’administration et de préservation est en charge de l'administration quotidienne du bien et de la coordination des relations avec les parties prenantes. Étant donné que le bien relève de deux zones administratives et woredas différents, les bureaux du tourisme et de la culture respectifs du Bureau de la culture et du tourisme d’Oromia servent d’intermédiaires entre l’administration du site et d’autres organismes publics aux échelons supérieurs, au niveau des districts et des zones administratives.
Le plan de gestion (2022-2027) a été élaboré dans le cadre d’un processus consultatif et sera mis en œuvre par le Bureau de la culture et du tourisme d’Oromia en coopération avec l’ARCCH. Les populations locales prendront une part active dans la gestion et le développement du bien de façon à favoriser une protection sans conflit des sites archéologiques et paléontologiques. Les principaux défis à court terme consisteront à mettre en place les procédures et les mécanismes pratiques appropriés pour garantir une protection et une gestion efficaces du bien dans le cadre juridique existant, à renforcer les capacités humaines et à garantir la pérennité des fonds pour l’entretien du bien.
- Décide de ne pas inscrire le Site archéologique et paléontologique de Melka Kunture et Balchit, Éthiopie, sur la Liste du patrimoine mondial sur la base du critère (viii) ;
- Recommande que l’État partie prenne en considération les points suivants :
- élaborer et mettre en œuvre une évaluation d’impact sur le patrimoine pour toute proposition de développement futur à l’intérieur des limites du bien ou tout projet majeur prévu dans les zones tampons,
- mettre en place des procédures et des mécanismes pratiques pour assurer une protection et une gestion efficaces du bien,
- rendre opérationnelle la structure de cogestion proposée et élaborer des lignes directrices pour la coopération entre les différentes parties prenantes aux niveaux national, régional et local,
- garantir un rôle actif des populations locales dans la prise de décision relative à la gestion et au développement du bien,
- sensibiliser les populations locales à l’importance de la protection du bien et à leur rôle essentiel dans cet effort,
- élaborer une stratégie de recherche pour assurer la poursuite des études et étendre les investigations archéologiques au-delà des limites du bien, dans les zones tampons, afin d’explorer davantage leur potentiel pour la recherche,
- préparer un plan de gestion des risques de catastrophe qui réponde aux menaces pesant sur l’intégrité et sur l’authenticité du bien, et l’intégrer dans le plan de gestion,
- fournir des chiffres actualisés pour les surfaces des limites révisées du bien en série dans son ensemble, et pour chaque élément constitutif, ainsi que pour les zones tampons ;
- Décide que le nom du bien soit modifié pour devenir « Melka Kontouré et Balchit : sites archéologiques et paléontologiques de la région des hauts plateaux d’Éthiopie».