Le Comité du patrimoine mondial,
- Ayant examiné les documents WHC/18/42.COM/8B.Add et WHC/18/42.COM/INF.8B1.Add,
- Inscrit le Site archéologique de Thimlich Ohinga, Kenya, sur la Liste du patrimoine mondial sur la base des critères (iii), (iv) et (v) ;
- Adopte la Déclaration de valeur universelle exceptionnelle suivante :
Brève synthèse
Situé à 46 km au nord-ouest de la ville de Migori dans la région du lac Victoria, le site archéologique de Thimlich Ohinga est un établissement fortifié en pierre sèche, fondé sur un système d’organisation complexe d’occupation communale, d’activités artisanales ainsi que d’élevage, qui reflète une tradition culturelle, développée par des communautés pastorales dans la région Nyanza du bassin du lac Victoria qui se perpétua du XVIe au milieu du XXe siècle.
Thimlich Ohinga est la plus vaste et la mieux préservée de ces enceintes massives constituées de murs en pierre sèche. L’Ohinga semble avoir essentiellement servi à assurer la sécurité des communautés et du bétail, mais définissait aussi des unités et relations sociales associées à des systèmes basés sur la lignée.
Le bien comprend les quatre plus grands Ohingni, qui ont tous des extensions. Le principal Ohinga est connu sous le nom de Kochieng, tandis que les autres sont appelés Kakuku, Koketch et Koluoch. Les murs d’enceinte en pierre sèche sont construits en trois phases, les tranches intérieure et extérieure sont construites séparément, la tranche médiane assurant leur cohésion. Les pierres étaient disposées selon un système d’emboîtement qui améliorait la stabilité de l’ensemble sans l’aide de mortier ni de ciment. Les murs sont construits avec des pierres soigneusement disposées de différentes tailles et sans mortier, avec une hauteur variant entre 1,5 m et 4,5 m et une épaisseur moyenne de 1 m.
Thimlich Ohinga est un témoignage exceptionnel des modèles d’établissement et des relations spatiales communautaires du bassin du lac Victoria, qui documente les occupations successives par différents peuples de différentes origines linguistiques au cours d’un important épisode de migration et d’établissement dans le bassin du lac Victoria entre le XVIe et le XVIIe siècle. Il apporte aussi des références concernant les modèles d’habitation, d’agro-pastoralisme et de pratiques artisanales courants dans ces établissements communaux à cette période.
Critère (iii) : Thimlich Ohinga offre un témoignage exceptionnel sur des traditions d’établissements du bassin du lac Victoria. Il illustre un établissement communal partagé, doté d’une économie agro-pastorale et d’un modèle d’industrie artisanale, utilisé et pratiqué par plusieurs groupes d’habitants successifs de différentes origines linguistiques. Les vestiges archéologiques témoignent non seulement de l’organisation spatiale des communautés, mais aussi d’un système élaboré d’interrelations entre les différents Ohingni à proximité les uns des autres. Il permet donc de comprendre et d’approfondir les recherches sur les modèles d’interactions communautaires entre le XVIe et le milieu du XXe siècle dans la région.
Critère (iv) : Les établissements de Thimlich Ohinga fournissent une référence impressionnante de la planification spatiale et des types d’établissement du bassin plus large du lac Victoria, à une époque de l’histoire caractérisée par un accroissement de la mobilité humaine par suite de pressions sociales, économiques et environnementales accrues, qui affectèrent les populations humaines de la région. Les enceintes massives constituées de murs de Thimlich Ohinga marque un épisode important dans les mouvements de migration et d’établissement dans le bassin du lac Victoria et l’Afrique sub-saharienne dans son ensemble. Thimlich Ohinga illustre également un exemple exceptionnel de typologie de construction en pierres sèches non taillées qui se caractérise par une technologie de construction en trois phases utilisant des pierres de formes irrégulières en deux tranches réunies par une troisième tranche médiane.
Critère (v) : Thimlich Ohinga en tant qu’exemple d’Ohingni le mieux préservé constitue un exemple représentatif et exceptionnel de ces Ohingni, une forme distincte d’établissement pastoral qui perdura dans le bassin du lac Victoria du XVIe au milieu du XXe siècle.
Intégrité
Le bien comprend les murs de pierre des Ohingni avec leurs entrées basses, les éléments de soutien structurel identifiés comme des contreforts, les conduits de drainage pour les eaux basses/boues provenant des enceintes intérieures pour le bétail (kraals), la conception des murs en trois phases, les enceintes intérieures et extérieures, le site industriel et les fosses d’habitation.
Pour assurer la pleine protection des vestiges archéologiques, la totalité de la zone du bien, y compris les extensions suggérées englobant une parcelle privée au sud, devra être prise en compte dans une approche de gestion intégrée. Cela s’applique aussi au cadre immédiat du bien, dont l’intégrité visuelle dépend de la conservation de la végétation environnante, afin de conserver l’atmosphère traditionnelle d’un établissement protégé par la jungle.
Authenticité
Des travaux d’entretien sur les structures ont été effectués au fil des siècles en utilisant les techniques et les matériaux traditionnels. Plusieurs périodes ultérieures d’occupation et de réparation n’ont pas interféré avec la conception ou la fabrication des structures. Après leur abandon, les Ohingni tombèrent en ruine. Dans les dernières décennies, ces ruines ont été largement restaurées, et certains murs ont été ajoutés pour marquer la limite entre le site archéologique et la forêt. Ces nouveaux travaux ne se distinguent pas toujours facilement des structures historiques en pierre. Les futures mesures de conservation devraient être entreprises sur la base des approches d’intervention minimale et continuer de former les jeunes apprentis aux techniques d’entretien traditionnelles.
Éléments requis en matière de gestion et de protection
Le bien est protégé par la loi sur les musées nationaux et le patrimoine, Cap 216 de 2006, et est géré par les musées nationaux du Kenya. Le système de protection légale est en outre renforcé par des règles traditionnelles et des tabous transmis par les anciens de la communauté, qui contribuent à protéger le bien ainsi que la faune et la flore du cadre environnant. Le potentiel archéologique des éléments situés sur le côté sud du bien requiert l’extension de la délimitation du bien dans cette direction, conformément à la recommandation du Comité du patrimoine mondial dans sa décision 39 COM 8B.8. De même, la zone tampon, bien qu’ayant été étendue comme demandé vers le sud, doit encore être étendue dans toutes les autres directions.
Un nouveau plan de gestion du bien a été adopté en 2017 et oriente la gestion du bien jusqu’en 2027. Les autorités de gestion prévoient de procéder à un développement contrôlé du tourisme, tout en préservant les valeurs environnementales et culturelles. Des plans en cours de développement prévoient de construire une aire de pique-nique, un terrain de camping et un éco-lodge pour servir d’infrastructures supplémentaires d’accueil des visiteurs. Bien que sur le plan théorique les objectifs visés mettent l’accent sur le caractère durable, il conviendra d’observer comment, dans la pratique, les nouvelles infrastructures et l’augmentation importante attendue des flux touristiques affecteront le bien. Il sera essentiel que tout projet d’infrastructure ou touristique prévu dans les délimitations du bien ou dans son environnement élargi fasse l’objet d’une étude d’impact sur le patrimoine complète avant tout octroi de permis.
Le bien reste aussi un lieu de réunion de la communauté où se déroulent des rituels communautaires, en particulier en temps de crise. Ces rituels ainsi que les stratégies d’entretien par la communauté doivent être poursuivis afin de maintenir l’implication et l’attachement solides des communautés locales.
- Recommande que l’État partie prenne en considération les points suivants :
- étendre la délimitation du bien vers l’extrémité sud-est du bien près de l’entrée de Koketch, conformément à la décision 39 COM 8B.8,
- définir et approuver légalement la délimitation exacte de la zone tampon étendue,
- créer une base de données unique afin de documenter tous les résultats des fouilles archéologiques, les activités de conservation ainsi que les traditions orales associées,
- établir un système de suivi basé sur des indicateurs, des méthodes d’évaluation et des responsabilités plus, précis et détaillés, et définir comment les résultats de l’exercice de suivi peuvent aussi alimenter la base de données susmentionnée,
- entreprendre une étude complète d’impact sur le patrimoine pour toute structure développée dans et autour du bien, avant tout octroi de permis ;
- Demande à l’État partie de soumettre au Centre du patrimoine mondial d’ici le 1erdécembre 2019 un rapport sur la mise en œuvre des recommandations susmentionnées pour examen par le Comité du patrimoine mondial à sa 44e session en 2020.