Le Comité du patrimoine mondial,
- Ayant examiné les documents WHC-14/38.COM/8B et WHC-14/38.COM/INF.8B1,
- Inscrit Bursa et Cumalıkızık : la naissance de l’Empire ottoman, Turquie, sur la Liste du patrimoine mondial sur la base des critères (i), (ii), (iv) et (vi);
- Prend note de la Déclaration de valeur universelle exceptionnelle provisoire suivante :
Brève synthèse
Situés sur les pentes du mont Ulu Dağ (Olympe de Bithynie) dans le nord-ouest de la Turquie, Bursa et Cumalikizik représentent une méthode de planification unique pour la création rapide d’une capitale et du siège des sultans à partir d’une forteresse byzantine.
Quand les Ottomans étaient en passe de former un empire, Bursa devint la première ville, la première capitale, à être définie par des kulliyes et des villages dans le contexte du système du waqf (œuvre de bienfaisance d’utilité publique) organisé selon les anciennes traditions de l’architecture ottomane.
Au moment de fonder la Bursa ottomane, les points focaux les plus importants de Bursa, essentiellement sur les collines, furent identifiés et les cinq kulliyes des sultans (Orhan Ghazi, Murad I, Yildirim Bayezid, Celebi Mehmed, Murad II) composés de bâtiments publics --mosquées, madrasas, hammams, cuisines publiques et tombeaux-- y ont été construits. Ces kulliyes qui représentaient chacun un centre d’intérêt avec ses fonctions sociales, culturelles, religieuses et éducatives, ont aussi déterminé les limites de la ville. Les maisons ont été construites en fonction de l’emplacement des kulliyes qui, au fil du temps, se sont trouvés entourés de nouveaux ensembles. Dans le contexte du système du waqf, le but de Cumalikizik en tant que village waqf --ce qui signifie qu’il appartenait en permanence à une institution (un kulliye)—était d’apporter un revenu au kulliye Orhan Ghazi, comme indiqué dans les documents historiques.
Les relations des cinq kulliyes de sultans dont l’un constitue le cœur du foyer commercial de la ville, et Cumalıkızık qui est le village waqf le mieux conservé de Bursa, représentent une méthodologie de planification urbaine unique. Ce dispositif (système) mis en place lors de la création de la première capitale ottomane au début du XIVe siècle jusqu’au milieu du XVe siècle, fut utilisé par la suite pour étendre les villes existantes.
Critère (I) : Bursa a été créée et gérée par les premiers sultans ottomans, grâce à un système ingénieux et novateur combinant un processus de « planification urbaine » inédit. En faisant appel aux organisations de bienfaisance semi-religieuses appelées « ahi », pour s’occuper de la vie commerciale, et donc de l’économie en exploitant au mieux le système de charité publique du waqf, la société et la gestion, au même titre que les kulliyes (noyaux procurant tous les services publics comme infrastructure mise sur pied avant la création des ensembles) et les villages, était une méthode ingénieuse pour la création rapide d’une nouvelle capitale vivante, durable, d’un des plus grands empires du monde.
Presque tous les attributs du début du XIVe siècle, composantes des kulliyes et de l’ensemble du bazar et des khans existent encore, la plupart exerçant leurs mêmes fonctions initiales. La ville s’est développée tout autour et ils sont restés des centres d’intérêt dans leurs agglomérations.
Critère (ii) : Bursa a été créée comme une ville nouvelle, pour une population non urbaine, pour devenir une capitale. Pour créer la ville, des centres ayant des fonctions sociales, religieuses et commerciales ont été construits, reflétant pleinement les valeurs de la société et celles qu’elle acceptait de ses voisins, au cours des longues années de migration de l’Asie centrale vers l’Occident. Bursa a été créée par une société religieuse musulmane, portant les valeurs de l’islam vers l’Occident, l’empire byzantin chrétien qui subsistait et l’Europe. La meilleure présentation évidente de ces idées est offerte par les mosquées, les madrasas (écoles religieuses publiques) et les bains publics construits à Bursa aux XIVe et XVe siècles, dans chaque ensemble (kulliye).
Les traditions architecturales sont en partie une création locale (comme les mosquées au plan « en T inversé »), mais elles portent la marque des influences byzantine, seldjoukide, arabe, perse et autres. Ces dernières sont représentées par une technologie du bâtiment, des décorations, la construction de mausolées, des caractéristiques techniques (installations hydrauliques, bains), une typologie du tissu bâti (khans, bazars, bedesten) et autres.
Critère (iv) : Bursa-Cumalikizik illustrent conjointement, à travers des bâtiments individuels (khans, bedesten, mosquées, madrasas, tombeaux, hammams et maisons) et des ensembles (kulliyes et village) une période significative de l’histoire humaine, en étant la première capitale et le siège des sultans ottomans, maîtres d’un empire couvrant l’Asie occidentale de l’Anatolie au Yemen, des parties de l’Europe et l’Afrique du Nord, pendant des siècles. Cette histoire a laissé ses traces importantes dans l’architecture et la culture de tous ces pays jusqu’à nos jours.
Si les composantes architecturales individuelles de Bursa peuvent être considérées comme des exemples exceptionnels de ce type d’architecture, ce critère est obtenu à travers les ensembles créés par ces éléments.
Critère (vi) : Les premiers sultans ottomans et leur société étaient au XIVe siècle les maîtres du monde musulman, face au centre historique déclinant de la grosse société chrétienne orientale. Bursa, en étant leur première capitale, symbolise plus que tout autre lieu l’introduction des idées, de la philosophie, de l’architecture, de la littérature, des traditions orientales immatérielles (pas nécessairement religieuses) musulmanes en Europe et en Occident.
La création de toutes les institutions publiques à Bursa a signifié la création de la Nation, de l’État et, plus tard, de l’Empire.
Intégrité
Les attributs exprimant une valeur universelle exceptionnelle sont surtout présents dans les sites avec une protection légale. Le système du waqf a instauré une relation unique entre les kulliyes, le centre commercial (ensemble des khans) et les villages qui constituaient le dispositif urbain de la ville. Tous les éléments qui composent les ensembles proposés pour inscription ont conservé leurs valeurs matérielles et immatérielles.
Les bâtiments des khans qui se sont développés autour de l’Emir Khan (partie du kulliye d’Orhan Ghazi), dans l’axe commercial historique, ont conservé jusqu’à maintenant l’intégrité de leurs formes et de leurs matériaux, mais aussi leurs fonctions commerciales d’origine. Toutefois, Pirinç Han et Kapan Han ont été partiellement endommagés après l’ouverture des rues Hamidiye et Saray lors des travaux de construction au XIXe siècle.
Les kulliyes, qui sont l’élément le plus important du modèle d’urbanisation appliqué consciemment par les Ottomans, existent encore aujourd’hui, tout comme les ensembles développés tout autour comme le produit naturel de leurs fonctions publiques en partant du jour de leur création.
Par ailleurs, le village de Cumalıkızık, avec des exemples uniques d’architecture civile et ses habitants qui ont veillé à l’entretien de ces bâtiments, a préservé sa vie rurale.
Authenticité
La zone des khans qui intègre le premier kulliye en son centre porte la culture des marchands de l’ère ottomane jusqu’à ce jour. En même temps, elle nous permet d’avoir l’expérience spatiale d’un quartier commercial ottoman, enrichie de rituels traditionnels comme la première vente du jour, le marchandage, les relations maître-apprenti et les rapports de voisinage entre marchands. L’axe commercial des khans s’est constitué à partir de la route des caravanes de l’époque ottomane. Selon la carte de Suphi Bey (1862) qui a illustré le plus ancien tissu urbain de Bursa, la plupart des édifices mentionnés sont toujours en place. Les khans se présentent sur deux étages, en plan carré ou rectangulaire, avec des cours entourées d’unités et subsistent sous ces formes et ces structures. Ces types de plan de cour ont permis aux khans de conserver aujourd’hui leurs fonctions commerciales. Du fait de la vie commerciale dynamique dans les bazars et les marchés, le quartier des khans a toujours été au cœur de la ville. Reflétant l’importance de ce lieu au cœur de la cité, le premier Hôtel de ville de Turquie a été édifié au XIXe siècle là où se trouvaient la madrasah et la cuisine publique du kulliye d’Orhan. Ce bâtiment a conservé sa fonction municipale.
Les kulliyes sont restés des points focaux qui répondent aux besoins sociaux, culturels et religieux des habitants, parallèlement à leurs fonctions publiques initiales, et qui reflètent les caractéristiques ottomanes de Bursa.
Qui plus est, le village de Cumalıkızık est resté le même au niveau de son schéma résidentiel, son paysage agricole et son cadre général. Cumalıkızık, qui est l’un des premiers villages waqf ottomans les mieux préservés, a gardé son authenticité, son style de vie traditionnel et son occupation des sols d’origine.
Eléménts requis en matière de protection et de gestion
Toutes les zones proposées pour inscription sont protégées en vertu des dispositions de la Loi sur la protection du patrimoine culturel et naturel (loi numérotée 2863). C’est la loi principale en matière de conservation en Turquie. Les bâtiments qui étaient à l’origine un bien du waqf dans les zones centrales, sont aujourd’hui sous la responsabilité de la Direction régionale des Fondations. Tous les projets et les demandes qui se rapportent à un bien du waqf doivent être soumis à la Direction régionale des Fondations pour obtenir un permis. En outre, des plans de conservation à l’échelle 1/1000 sont en place pour tous les secteurs qui se trouvent dans les zones centrales. Les projets et les demandes concernant ces bâtiments doivent obtenir l’approbation du Bureau régional de la conservation des biens culturels de Bursa.
La protection, la conservation et l’utilisation effectives du schéma historique comme un tout avec ses valeurs matérielles et immatérielles, et en même temps la réponse apportée aux besoins de changement ne peuvent être possibles qu’en créant une prise de conscience du public à laquelle se joignent toutes les instances, institutions et personnes compétentes et autorisées. Le plan de gestion de Bursa et Cumalıkızık a été préparé à cet effet, en bénéficiant des connaissances et de l’expérience de tous les acteurs sur le terrain.
Le plan de gestion a été préparé par l’Unité de gestion du site de Bursa qui est affiliée à la municipalité métropolitaine de Bursa, conformément au supplément-2 de la Loi numérotée 2863 (Règlementation sur la gestion de site). Le plan de gestion a été approuvé par le Conseil de coordination et de surveillance dans un processus renforcé avec les contributions du Conseil consultatif.
Le plan de gestion approuvé joue un rôle important en conduisant le potentiel de la ville dans la bonne direction.
- Recommande que l’État partie considère l’augmentation les indicateurs de suivi pour permettre de juger les changements de l’état de conservation et demande à l’État partie de les soumettre au Centre du patrimoine mondial au 1er février 2015.