Le Comité du patrimoine mondial,
- Ayant examiné les documents WHC-14/38.COM/8B et WHC-14/38.COM/INF.8B1,
- Reconnaissant qu’aucune information supplémentaire n’a été demandée à l’État partie par l’ICOMOS au cours du processus d’évaluation du bien, décide qu’à l’avenir l’ICOMOS demandera des informations supplémentaires dans les délais requis afin que les États parties aient l’opportunité de présenter leurs arguments comme il se doit ;
- Inscrit la Citadelle d’Erbil, Iraq, sur la Liste du patrimoine mondial sur la base du critère (iv) ;
- Prend note de la Déclaration de valeur universelle exceptionnelle provisoire suivante :
Brève synthèse
La citadelle d’Erbil est un des rares exemples subsistant d’un établissement urbain qui s’est développé au sommet d’un tell archéologique en suivant, par strates consécutives et d’une période à l’autre, une croissance spontanée, non planifiée, influencée par une combinaison de tracés urbains antérieurs et d’éléments architecturaux et urbains successifs, dans un processus continu d’accumulation et de transformation remontant sur au moins six millénaires à la toute première phase de l’urbanisme. C’est aussi un des rares sites où le processus de formation du tell s’est poursuivi jusqu’à maintenant. La citadelle d’Erbil est un tell archéologique imposant dans lequel la topographie artificielle est un aspect déterminant de la forme urbaine de peuplement qui perdure à son sommet. La structure du tissu urbain de la période ottomane est clairement lisible, caractérisée par un dédale de ruelles et de culs-de-sac rayonnant depuis la grande porte principale. La ville-citadelle transmise au fil de l’histoire est le résultat d’une évolution organique et d’un processus de décomposition et de reconstruction qui est au cœur même du développement de la colline de la citadelle. Les fortifications d’origine ont été remplacées à un moment donné par des maisons construites par dessus ou devant les anciens remparts de la cité, mais le caractère imposant du mur ininterrompu de façades en brique fait de ce site l’un des paysages urbains les plus spectaculaires du Moyen-Orient. Définie par les habitants d’Erbil comme la « couronne d’Erbil », la citadelle est aujourd’hui à la fois physiquement et symboliquement au centre de la ville moderne qui s’est étendue en anneaux concentriques au pied de ce lieu emblématique. La citadelle reste puissante à travers l’image d’une imprenable forteresse, présente dans la mémoire de ses anciens habitants et des citoyens d’Erbil. En fait, l’importance de la citadelle d’Erbil est donnée non seulement par son archéologie, les événements historiques dont elle a été témoin et les personnages historiques qui ont vécu, régné sur la ville ou l’ont conquise, mais aussi par les histoires, les sentiments et les rapports que les habitants d’Erbil continuent d’entretenir avec leur citadelle. Le nom de la citadelle d’Erbil (Irbilum, Urbilum, Urbel, Arbail, Arbira, Arbèles, Erbil/Arbil) est mentionné avec une remarquable continuité depuis l’époque présumérienne dans beaucoup de sources historiques constituant un témoignage pour la reconstruction des événements qui l’ont façonnée. Les critères retenus pour la proposition d’inscription de la citadelle d’Erbil sont :
Critère (iv) : La citadelle d’Erbil offre un exemple éminent de monticule archéologique constitué de différentes strates qui émerge encore physiquement du paysage alentour. La structure physique de la ville-citadelle se caractérise par la permanence de la forme urbaine au sommet du tell. Sa forme aux limites définies a dicté en partie les transformations du tissu urbain tout en permettant l’adaptation aux besoins en évolution au fil des millénaires.
Intégrité
La citadelle d’Erbil est un tell archéologique intact qui garde encore son rôle de point de repère dans le paysage d’Erbil. Elle conserve plus de trente mètres de dépôts archéologiques qui remontent au tout début de l’urbanisation en Mésopotamie. La forme urbaine globale de la ville-citadelle à son sommet est intégrale du fait de la permanence d’une relation mutuelle entre l’édification du monticule d’origine humaine et le plan initial de la ville et ses aménagements successifs. Le tissu de l’établissement urbain sur la citadelle est largement intact et clairement reconnaissable à la division de ses blocs d’immeubles résidentiels et ses ruelles. Quelques démolitions faites par le régime précédent ont ouvert des espaces et l’ensemble du bâti a souffert d’une désintégration naturelle au cours des cinquante dernières années, mais elles seront soigneusement remplies selon les recommandations du plan de gestion de la citadelle d’Erbil, afin de restituer à la citadelle son rôle de place centrale pour Erbil et ses habitants. Ses zones tampons ont quelques problèmes d’intégrité du fait de l’empiètement de constructions modernes sur la rue immédiatement autour du tell, mais cela est traité par la mise en œuvre de nouvelles orientations qui règlementent les usages et la forme des activités modernes dans ce secteur.
Authenticité
L’authenticité de la citadelle d’Erbil est substantielle à l’intérieur de différentes perspectives. Tout d’abord, comme un tell archéologique qui n’a pas été creusé, le site conserve toutes les strates archéologiques. Comme un établissement avec un tracé influencé par la topographie artificielle du monticule, l’ancienne forme urbaine de la ville-citadelle en son sommet est parfaitement authentique tandis que son tissu bâti de la période ottomane est assez bien conservé. Les cas de démolition et d’abandon n’ont pas été accompagnés de remplacements par des matériaux et des formes modernes incompatibles, laissant la substance et la conception de la cité historique remarquablement préservées. En outre, la construction de logements provisoires par des nouveaux venus qui ont occupé les lieux pendant une vingtaine d’années peut être considérée comme une partie de l’histoire de la citadelle et comme un autre élément d’authenticité de sa fonction et de son utilisation. Le site préserve entièrement l’authenticité de l’esprit et l’impression et inspire le sens du lieu, étant non seulement un point de repère physique et symbolique du paysage de la ville d’Erbil, mais encore un lieu de rassemblement populaire pour les anciens résidents et les prières du vendredi. Si en termes d’emplacement le plan de développement d’Erbil a marqué la position centrale de la citadelle, l’authenticité du cadre s’améliore grâce à des directives spécifiques.
Eléments requis en matière de protection et de gestion
La citadelle est un site protégé dans le cadre de la législation de l’Irak et de la région du Kurdistan. L’autorité chargée de ses efforts de revitalisation, la Haute Commission pour la revitalisation de la citadelle d’Erbil (HCECR), a constitué un partenariat stratégique avec l’UNESCO et d’autres agences afin de conserver et réhabiliter la citadelle à travers des programmes d’amélioration physique dans le cadre de plans et d’études détaillées. Son action a abouti à la publication du plan de gestion de la citadelle d’Erbil, instrument qui règlemente désormais toutes les activités concernant le futur développement et la conservation du site. Ce plan a été précédé d’études détaillées qui ont donné lieu à des recommandations concernant des activités de conservation et de réhabilitation présentées dans un plan directeur pour la conservation et la réhabilitation d’Erbil. Les zones tampons de la citadelle ne sont pas sous la responsabilité de la HCECR, mais de la municipalité d’Erbil qui s’est appuyée sur l’UNESCO, la HCECR et l’assistance internationale pour définir les Orientations d’aménagement urbain pour la zone tampon de la citadelle d’Erbil qui sont mises en œuvre. Les efforts actuellement déployés pour revitaliser la citadelle et la relation forte que les habitants d’Erbil entretiennent avec elle, seront autant de facteurs déterminants pour rendre à la citadelle le rôle et la position qu’elle a toujours tenus dans son histoire, comme une place centrale dans la vie de la cité d’Erbil et des régions du nord de l’Irak et comme un paysage urbain d’importance pour toute l’humanité.
- Recommande que l’État partie prenne en considération les points suivants :
- Étudier, documenter et cartographier les vestiges archéologiques de enfouis sous la surface subsistants de tout type et instaurer des mécanismes pour documenter et protéger les vestiges archéologiques enfouis afin de permettre, à l’avenir, de justifier les critères (iii) et (v),
- s’occuper de la mise en œuvre de la stabilisation des pentes du monticule archéologique,
- reconsidérer l’emplacement du musée national du Kurdistan ou réviser substantiellement la conception architecturale du projet actuel pour l’harmoniser avec la citadelle et sa relation avec son environnement,
- élaborer une stratégie pour attirer des investisseurs privés et construire un partenariat public/privé solide pour mettre en œuvre le programme de conservation et de revitalisation,
- entreprendre des études juridiques en vue d’améliorer le cadre légal existant en introduisant des mécanismes de soutien aux investisseurs privés ;
- renforcer l’implication des anciens habitants et de la société civile d’Erbil en général dans la revitalisation de la citadelle,
- Demande à l’État partie de soumettre au Centre du patrimoine mondial d’ici le 1er décembre 2015 un rapport, incluant un résume exécutif d’une page, sur la mise en œuvre des recommandations susmentionnées pour examen par le Comité du patrimoine mondial à sa 40e session en 2016.