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Améliorer la disponibilité et la durabilité de l’eau en relançant les systèmes d’eau traditionnels à Bangalore (Inde)

La campagne “Un million de puits pour Bengaluru” est une initiative visant à construire un million de puits peu profonds à l’aide de techniques traditionnelles de creusement. Cette initiative pour le rétablissement des systèmes d’eau traditionnels intègre les pratiques traditionnelles, les éléments historiques de la ville, ainsi que la durabilité écologique et la gestion de l'eau.

À propos de Bangalore

Bangalore est la capitale de l’État indien du Karnataka. Elle est l’une des plus grandes villes d’Inde, avec 13 millions d’habitants. Les origines de la ville remontent au XVIe siècle, quand les premiers habitants se sont installés autour d’un fort militaire du royaume de Vijayanâgara.

La ville est devenue la capitale du royaume de Mysore. Entre 1831 et 1881, elle a accueilli le siège de l’administration britannique. L’empire britannique est resté très présent dans la ville jusqu’à l’indépendance de l’Inde en 1947. À partir des années 1950, la ville a connu une croissance urbaine et économique sans précédent en raison d’une immigration massive et de sa transformation en pôle international des TIC. Bangalore est aujourd’hui une grande métropole qui s’étend sur plus de 700 km2 et a absorbé des zones de peuplement plus petites ou plus anciennes au cours de son expansion. La ville de Bangalore n’est pas inscrite sur la Liste du patrimoine mondial.

"Bengaluru / Bangalore matin, Inde, mars 2011" par Juha Riissanen, CC BY-NC-SA 2.0

Impacts liés au changement climatique

Située au bord du plateau du Karnataka, la ville de Bangalore est éloignée de toutes les rivières et dépend depuis toujours des puits et des lacs de la région. La ville a plusieurs fois subi famine et sécheresse. Entre 1876 et 1878, une famine due au manque d’eau a provoqué 100 000 décès et poussé le gouvernement local à développer un ambitieux programme d’adduction d’eau grâce aux toutes premières machines à vapeur, qui devaient pomper l’eau jusqu’à la ville. Cependant, avec la croissance rapide de sa population au cours des dernières décennies, la ville subit encore régulièrement de sévères pénuries d’eau et risque d’en manquer totalement.

Bien qu'on constate un manque de données fiables sur les effets du changement climatique à Bengaluru, les études préliminaires menées jusqu'à aujourd'hui indiquent que les précipitations annuelles ont diminué au cours du siècle dernier, tandis que les températures ont augmenté de 0,6 °C en moyenne, surtout pendant les mois d'été. Les projections futures indiquent que le régime des pluies devrait changer, avec moins de précipitations en dehors de la saison des moussons et des pluies plus abondantes pendant la mousson. L'incidence de la sécheresse devrait augmenter jusqu'à 10 % d'ici à 2050, et les températures devraient augmenter de 1,7°C à 2,2°C d'ici les années 2030 (Karnataka State Action Plan on Climate Change, 2012, Environmental Management & Policy Research Institute and The Energy and Resources Institute).

Connaissances et pratiques traditionnelles et indigènes

En 2015, un exercice de cartographie a identifié 10 000 puits dans la ville de Bangalore, principalement dans les zones de peuplement traditionnelles qui ont été intégrées à la métropole. L’enquête a aussi démontré les fortes relations culturelles existantes entre les communautés et leurs puits, qui sont principalement utilisés pour un usage domestique. Les puits étaient construits et entretenus par la communauté Manu Vaddar, qui creuse des puits de manière traditionnelle depuis plus de 1 000 ans dans toute l’Inde et en particulier à Bangalore. De grands puits à ciel ouvert ont été construits sans mortier, avec des pierres comme revêtement. Ce savoir-faire traditionnel est transmis de père en fils. Cependant, le creusement traditionnel de puits est devenu une pratique marginale avec l’avènement du forage dans les années 1980, et les membres de la communauté Manu Vaddar ont été réduits à des tâches non qualifiées, comme les travaux d’excavation. En 2015, 750 familles faisaient vivre la tradition du creusement de puits, bien que la génération actuelle ait perdu les techniques traditionnelles de construction en pierres sèches.

Solutions et stratégies d'action pour le climat

La campagne Million wells for Bengaluru est une initiative en cours visant à construire un million de puits peu profonds grâce à des techniques de creusement traditionnelles à Bangalore, en Inde. Le projet est soutenu par le Conseil de la distribution d’eau et des eaux usées de Bangalore (Bangalore Water Supply and Sewerage Board), qui considère comme essentielle la récupération des eaux de pluie dans la ville. Le projet a été conçu par Biome Environmental Trust, un cabinet local spécialisé dans l’ingénierie environnementale. Il a été mis en œuvre par plusieurs parties prenantes : les industries ont fourni des fonds, les agences gouvernementales ont apporté différents types de soutien et les communautés locales sont activement engagées dans la construction et la gestion des puits. Le projet devrait s’achever en 2025.

En réponse à l’enquête de 2015 et aux rapports inquiétants sur la disponibilité de l’eau souterraine à Bangalore, le projet a pour but de parvenir à un équilibre entre l’extraction de l’eau souterraine et sa recharge grâce à la construction de puits de recharge à ciel ouvert. L’initiative comprend en parallèle une composante éducative visant à faire connaître et comprendre le cycle de l’eau, les cours d’eau et la responsabilité individuelle des citoyens pour l’entretien et la survie du système. Le projet est constitué de quatre champs d’action principaux :

  1. Une campagne de sensibilisation pour inciter à l’action afin de creuser des puits de recharge, réhabiliter les puits à ciel ouverts désaffectés, surveiller les niveaux d’eau et partager des histoires sur les puits ouverts et de recharge. Elle comprend :
    1. l’organisation d’événements, comme des promenades thématiques, des ateliers et des expositions de photographie,
    2. le développement de campagnes de communication via les réseaux sociaux et des articles dans des publications imprimées et numériques, et
    3. la création de partenariats stratégiques avec des établissements d’enseignement, des artistes et des conteurs pour développer des projets de communicationArt in Transit, était l’une de ces initiatives conjointes. Ce projet visait à créer une grande fresque murale au niveau de la station de métro Cubbon Park, représentant l’histoire de l’eau de Bengalore et peinte à l’aide de la boue provenant des 65 puits de recharge creusés dans Cubbon Park. Pendant deux semaines, les usagers du métro ont pu participer à la peinture de la fresque sous la direction du principal partenaire, l’École Srishti d’art et de design.
  2. Un accompagnement des habitants souhaitant creuser leur propre puits de recharge en apportant un soutien à la conception et à la gestion de projet.
  3. Un renforcement des capacités des prestataires de services tels que les puisatiers, les plombiers, les architectes, les promoteurs immobiliers et les agences gouvernementales.
  4. Des partenariats stratégiques avec des institutions scientifiques et universitaires pour élaborer des politiques, surveiller les performances et documenter, analyser et communiquer les résultats.

L’initiative est destinée à tous les propriétaires de terrains et à toutes les organisations responsables du financement du projet, dont des individus et des organisations pour le creusement de puits situés sur des terrains privés, et des institutions gouvernementales pour les puits situés sur les terrains publics ou partagés. Le coût global du projet devrait s’élever à 32 millions de roupies (environ 435 000 dollars des États-Unis en décembre 2020). Le coût est pris en charge par les utilisateurs eux-mêmes, pour un montant moyen de 40 000 roupies (environ 540 dollars des États-Unis) par puits.

L’initiative implique plusieurs groupes de parties prenantes, dont :

  • La communauté Manu Vaddar : la campagne vise à garantir un travail régulier à 3 000 familles au moins de cette communauté traditionnelle reconnue pour son savoir-faire. Le creusement et l’entretien des 2 000 puits existants ont généré des revenus d’environ 8 millions roupies pour les puisatiers et les fabricants d’anneaux de puits. Ces revenus ont permis à certains puisatiers d’améliorer leur statut économique, de donner une éducation à leurs enfants et d’investir en achetant des outils et des véhicules pour faciliter leur travail. La demande accrue et la médiatisation de ces professionnels par des journaux locaux et internationaux ont amélioré leur statut social et leur intégration.
  • Les commerçants locaux et petites entreprises : de nombreuses petites entreprises sont associées au processus de construction de puits, notamment pour la production des anneaux en béton utilisés comme revêtements, les travaux de plomberie ou les travaux de génie civil de moindre ampleur.
  • Biome Environmental Trust, agence locale d’ingénierie et d’architecture qui a joué le rôle de concepteur du projet et qui a apporté une aide technique.
  • Les organisations à but non lucratif et communautaires liées à la gestion des eaux souterraines, comme ACWADAM et Friends of Lakes, qui soutiennent la mise en œuvre du projet.
  • Des donateurs privés comme Wipro, qui a apporté un soutien financier à la cartographie participative des aquifères urbains à Bangalore et dans les environs.

Selon les partenaires clés du projet, les principales difficultés rencontrées par la campagne concernent l’éducation et la sensibilisation à l’importance des eaux souterraines. Les nappes phréatiques et les aquifères sont généralement invisibles et de nombreux puits à ciel ouvert ont été remplis d’ordures. Il est aussi difficile de modéliser avec précision les résultats de la recharge des aquifères peu profonds en raison de la nature dynamique de l’extraction des eaux souterraines de la ville et des limitations du développement actuel des sciences et technologies. Cependant, l’expérience acquise lors des cinq premières années de mise en œuvre du projet a été instructive à plusieurs égards.

  • Ce sont les histoires personnelles de propriétaires de puits individuels et les études de cas qui ont été les plus efficaces pour éduquer et sensibiliser les habitants. Dans certaines localités, la recharge massive des eaux souterraines a par exemple permis d’augmenter le niveau des nappes phréatiques.
  • Pour accumuler des preuves scientifiques en faveur du projet, les partenariats avec des experts du secteur, comme ACWADAM pour l’hydrogéologie, ont été essentiels.

La campagne Million wells for Bengaluru montre le potentiel des partenariats public-privé multipartites pour contribuer au développement urbain durable et à une meilleure durabilité environnementale. L’initiative associe des preuves scientifiques et des partenaires comme ACWADAM à des pratiques et des communautés traditionnelles, en alliant le patrimoine et la science pour développer un projet global basé sur l’implication de la communauté. Cinq ans après le début du projet, son équipe a observé une augmentation du volume des nappes phréatiques dans les endroits où des puits de recharge des eaux souterraines ont été installés. La campagne prévoit de s’étendre en dehors des frontières de la ville, dans l’État du Karnataka, ainsi que dans d’autres États, si le terrain hydrogéologique le permet.

Source: Vishwanath Srikantaiah, BIOME Environmental Solutions, Novembre 2020

Galerie

Enfants nageant dans un puits © Biome Environmental Trust
Prière avant de commencer à creuser © Biome Environmental Trust
Creuser en cours © BIOME Environmental Trust 
Des creuseurs de puits descendent un anneau de béton dans le puits © BIOME Environmental Trust

Vieux puits à l'extérieur d'une mosquée © Biome Environmental Trust
Puits dans le drain © BIOME Environmental Trust

Contribution aux objectifs globaux

Comment cette étude de cas contribue-t-elle aux engagements mondiaux en matière de développement durable, de lutte contre le changement climatique et de conservation du patrimoine ?

Jamia Masjid © P. L. Tandon / CC BY-NC-SA 2.0

Développement durable

L'initiative vise à contribuer au développement durable en abordant les objectifs de développement durable suivants :


Objectif 6 : Garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et d’assainissement gérés de façon durable

Cible 6.1 : l’initiative vise à assurer l’accès universel et équitable à l’eau potable, à un coût abordable, en créant des puits de recharge et des puits à ciel ouvert dans toute la ville, en rechargeant les aquifères et en garantissant la disponibilité de l’eau.

Cible 6.3 : l’initiative vise à améliorer la qualité de l’eau en développant des campagnes de sensibilisation et en encourageant la responsabilité individuelle dans l’entretien des systèmes d’alimentation en eau pour entraîner une réduction de la pollution de l’eau et du dépôt d’ordures.

Cible 6.4 : l’initiative vise à répondre à la pénurie d’eau et à réduire le nombre de personnes qui souffrent du manque d’eau en trouvant un équilibre entre la consommation de l’eau souterraine et sa recharge par la construction de puits de recharge à ciel ouvert. L’initiative pourrait notamment réduire les pénuries d’eau dues à l’homme pendant la saison sèche en récupérant et dirigeant l’eau des pluies vers le sol pour augmenter le niveau de l’eau souterraine et contribuer à recharger les puits à ciel ouvert et les puits modernes existants.

Cible 6.b : la campagne vise à appuyer et renforcer la participation de la population locale à l’amélioration de la gestion de l’eau à travers le renforcement des capacités et l’implication de la communauté.


Objectif 8 : Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous

Cible 8.2 : l’initiative vise à parvenir à un niveau élevé de productivité économique par la diversification, la modernisation technologique et l’innovation, notamment en mettant l’accent sur les secteurs à forte valeur ajoutée et à forte intensité de main-d’œuvre.


Objectif 10 : Réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre

Cible 10.1 : l’initiative vise à parvenir à une augmentation durable des revenus des 40 % les plus pauvres de la population en améliorant les moyens de subsistance des communautés traditionnelles des puisatiers, des autres commerçants et des petites entreprises.

Cible 10.2 : l’initiative vise à promouvoir l’autonomie et l’intégration sociale et économique de la communauté des puisatiers Manu Vaddar, qui était traditionnellement placée assez bas dans la hiérarchie indienne des castes.


Objectif 11 : Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables

Cible 11.4 : le projet vise à renforcer les efforts de protection et de sauvegarde du patrimoine culturel et naturel mondial en préservant et entretenant les puits historiques, ainsi qu’en encourageant la transmission des connaissances et des savoir-faire traditionnels.

Cible 11.5 : le projet vise à diminuer les risques associés aux catastrophes liées à l’eau en évitant les inondations provoquées par les fortes pluies et le ruissellement.


Objectif 13 : Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions

Cible 13.1 : alors que les inondations et les sécheresses se multiplient en raison du changement climatique, le projet pourrait renforcer la résilience et les capacités d’adaptation face aux aléas climatiques et aux catastrophes naturelles en diminuant les pénuries d’eau et en évitant les inondations.


Objectif 15 : Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des sols et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité

Cible 15.9 : le projet vise à intégrer la valeur des écosystèmes et de la biodiversité dans les mécanismes de développement et les stratégies de réduction de la pauvreté.


Objectif 17 : Renforcer les moyens de mettre en œuvre le Partenariat mondial pour le développement et le revitaliser.

Cible 17.17 : le projet vise à encourager et promouvoir les partenariats public-privé et les partenariats avec la société civile, en faisant fond sur l’expérience acquise et les stratégies de financement appliquées en la matière.


Changement climatique

Bengaluru est vulnérable au changement climatique et souffre déjà de graves pénuries d'eau. Les effets attendus du changement climatique sont les suivants : modification du régime des pluies, sécheresses, hausse des températures et vagues de chaleur

Les puits de recharge ouverts à usage domestique ont été construits traditionnellement par la communauté Manu Vaddar. Ces puits ont amélioré l'équilibre entre les eaux souterraines extraites et rechargées et ont créé des relations fortes entre les communautés et leurs puits.

Promouvoir des campagnes de sensibilisation sur les aspects culturels de la gestion de l'eau, afin d'inciter les communautés à creuser des puits de recharge, à faire revivre les puits ouverts désaffectés, à surveiller les niveaux d'eau et à partager des histoires sur les puits ouverts et les puits de recharge.  
Établir des partenariats avec des instituts de recherche pour documenter et analyser les systèmes traditionnels, 



Contribution à l’implémentation de la Recommandation 2011 concernant le paysage urbain historique

Le projet vise à améliorer la résilience et la durabilité dans un cadre urbain à travers la réhabilitation des pratiques traditionnelles de gestion de l’eau. Il perçoit la culture et le patrimoine comme des vecteurs de développement urbain durable. S’il est mené à bien conformément à la méthodologie décrite, le projet pourrait contribuer à la mise en œuvre de l’approche du paysage urbain historique :

  • en conservant et entretenant les puits historiques existants
  • en réalisant un vaste travail de cartographie et en interrogeant la communauté sur les valeurs et atouts du patrimoine (matériel et immatériel)
  • en encourageant la gestion urbaine durable de l’eau 
  • en intégrant la conservation du patrimoine culturel à l’aménagement des infrastructures 
  • en développant des programmes de cartographie et d’engagement de la communauté et des parties prenantes
  • en mettant en place des partenariats public-privé multipartites pour promouvoir la conservation du patrimoine et le développement durable
Les outils de participation civique Les outils de connaissance et de planification

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Découvrez les détails de l'étude de cas et les parties prenantes impliquées.


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Contact

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  • No. 15, 1st floor, 1st Main, 1st Block, BEL Layout, Vidyaranyapura, Bangalore – 560 097
  • +91 80 4167 2790 / 2364 4690
  • contact@biome-solutions.com

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Note : Les cas partagés dans cette plateforme traitent des pratiques de protection du patrimoine dans les sites du patrimoine mondial et au-delà. Les éléments présentés sur ce site n'impliquent aucun type de reconnaissance ou d'inclusion dans la liste du patrimoine mondial ou dans l'un de ses programmes thématiques. Les pratiques partagées ne sont en aucun cas évaluées par le Centre du patrimoine mondial ou présentées ici comme des pratiques modèles et ne représentent pas non plus des solutions complètes aux problèmes de gestion du patrimoine. Les impacts potentiels décrits des projets sont uniquement indicatifs et basés sur les informations soumises et disponibles. L'UNESCO n'approuve pas les initiatives spécifiques et ne ratifie pas leur impact positif. 

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