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Coopération technique pour la mise en valeur, le développement et la sauvegarde de la Ville de Luang Prabang, République démocratique populaire lao

La coopération technique pour la sauvegarde et la mise en valeur de la Ville de Luang Prabang, République démocratique populaire lao, est un exemple remarquable de coopération tripartie entre la République démocratique populaire lao, la France et le Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est le projet pilote de la Convention France-UNESCO qui a servi de fer de lance à l’élaboration de l’accord-cadre de coopération entre la France et l’UNESCO. C’est une opération exemplaire qui a permis de tester des modes opératoires et des formes de partenariats innovants. Cette coopération s’est faite de ville à ville, selon une logique de mutualisation des moyens, de coordination de l’aide bilatérale et multilatérale.

La Ville de Luang Prabang a été inscrite sur la Liste du patrimoine mondial en décembre 1995. Située dans le nord montagneux du Laos, au confluent du Mékong et de la rivière Khan, Luang Prabang est l’ancienne capitale royale d’un des royaumes du Laos. La valeur universelle exceptionnelle du bien repose sur le lien étroit entre le cadre bâti et l’environnement naturel ainsi que sur la juxtaposition d’une trame urbaine laotienne (architecture vernaculaire en bois) et d’une trame orthogonale caractéristique de l’urbanisme de l’ère coloniale.

Vingt ans après son inscription, la valorisation et la sauvegarde de la Ville de Luang Prabang peuvent être considérées comme un exemple remarquable de planification intégrée, centrée sur un développement territorial qui s’appuie sur les valeurs patrimoniales et culturelles. A l’heure où les débats de la communauté internationale portent sur la problématique de la prise en compte de la culture comme levier pour le développement, sur le climat, ou encore sur le logement, il est intéressant de valoriser l’expérience de 20 ans de coopération pour en tirer des enseignements en matière de méthode et de pratique.

Un programme de sauvegarde et de développement du site a été mis en place dès 1996 avec l’appui de la Ville de Chinon et de la Région Centre (France) dans le cadre de la coopération décentralisée. Soutenu par plusieurs partenaires (au premier rang desquels les ministères français de la Culture, de l’Equipement de l’époque et des Affaires étrangères dans le cadre de la Convention France-UNESCO, l’Agence française de développement (AFD) et l’Union européenne), ce programme de conservation et de protection du patrimoine monumental, urbain, architectural et paysager a permis de créer une entité de gestion du site du patrimoine mondial, la Maison du patrimoine, de former une équipe laotienne opérationnelle pour le suivi et la conservation et de réaliser des actions de restauration et de rénovation urbaine (voirie, aménagement, restauration du bâti vernaculaire et monumental, drainage, rénovation des zones humides) et de mettre en place un plan de sauvegarde et de mise en valeur pour la ville historique (PSMV).

Le développement touristique que connaît la ville depuis l’inscription et la forte croissance économique et démographique ont conduit à travailler à une échelle plus vaste que le site inscrit et à aborder les questions sociales, économiques et environnementales, ainsi que celles du grand paysage, dans un souci d’accompagner le développement. Afin de soulager les pressions sur le cœur historique et de favoriser un développement équilibré du site et de sa région, deux démarches complémentaires ont été engagées. La première concerne la planification du développement urbain et l’aménagement du territoire à l’échelle périurbaine, en prenant en compte également le paysage fluvial et agricole : elle a abouti à la création d'un document de planification, inspiré du dispositif français Scot (Schéma de cohérence territoriale), qui intègre une réflexion sur les usages et les fonctions de la ville. La deuxième démarche porte sur la préservation de l’environnement naturel et de l’habitat humain, ainsi que sur l’appui au développement des zones rurales (à l’échelle du grand paysage et du bassin versant de la Nam Khan) : elle a conduit à la mise en place du projet écovallée de la Nam Khan.

L’appui à la conservation et au développement de la Ville de Luang Prabang, que la Convention France-UNESCO a accompagné depuis ses débuts et qui a été créé spécifiquement pour mobiliser différents types d’expertises et de coopérations, offre un référentiel en matière de méthodologie (rénovation urbaine d’une ville historique inscrite sur la Liste du Patrimoine mondial), comme en matière de modèle de coopération (coopération multilatérale et bilatérale associant l’UNESCO, les ministères français, les collectivités locales et les bailleurs de fonds, des universités et des écoles).  

L’originalité de la coopération technique engagée à Luang Prabang et son succès viennent de l’exigence d’excellence qu’appelle la Convention du patrimoine mondial de 1972 et de la réussite dans la mise en place dès le départ d'un triptyque vertueux : un cadre réglementaire couvrant toutes les échelles (de celle du paysage à celle de la parcelle) avec une gouvernance à l’échelle locale, régionale et nationale ; la formation sur le long terme et in situ d’une équipe opérationnelle ; la mise en œuvre d’opérations d’envergure de réhabilitation des monuments, du cadre bâti et des infrastructures, ainsi que de valorisation du paysage. Il faut aussi souligner l'importance de la mise en place d’outils de planification de détail réalisés sur le terrain avec des équipes locales, ce qui a permis d’une part de faire des économies d’échelle en évitant de passer par des bureaux d’études internationaux peu compétents en matière de patrimoine, et d'autre part d’ajuster au terrain les prescriptions en matière de sauvegarde et de mise en valeur. Le cadre réglementaire et la compétence mis en œuvre ont créé un terrain favorable pour développer de l’ingénierie de projet et ainsi mobiliser des sources de financement de programmes d’aide au développement, qui à l’époque étaient rarement centrés sur la valorisation du patrimoine, comme par exemple le programme Asia Urbs de l’Union Européenne.

Le travail de conservation et de valorisation de la Ville de Luang Prabang s’est inscrit dans une logique de gestion du changement en s’appuyant sur une démarche territoriale pour valoriser au mieux les ressources culturelles, environnementales et sociales du site. On peut situer l’expérience de la Ville de Luang Prabang en amont de l’approche concernant le paysage urbain historique mis en avant dans la Recommandation de l’UNESCO approuvé en 2011. La Ville de Luang Prabang a connu de profondes mutations depuis son inscription. Bien au-delà du travail de restauration, c'est une nouvelle ville qui s'est créée autour d'une idée partagée d'éléments qui en font sa valeur : la valeur d'usage et la valeur patrimoniale sont indissociablement liées. Le défi est de préserver la valeur universelle exceptionnelle, avec l'authenticité et l'intégrité des attributs qui lui sont attachées, sans pour autant tomber toutefois dans le piège qui consisterait à vouloir à tout prix faire référence à un état supposé d'origine. La ville s'est développée à travers une série d'échanges entre des cultures et des populations. Le travail de restauration urbaine engagé s'inscrit dans un processus d'évolution. Le cadre, défini par les autorités sur proposition des experts, ne prend toute sa valeur que dans la façon dont les habitants se l'approprient. C'est en ce sens que le projet de mise en valeur, de développement et de sauvergarde de la Ville de Luang Prabang peut être considéré comme une réussite.

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