Faites une recherche à travers les informations du Centre du patrimoine mondial.

Étude de cas : Évaluation de l'impact visuel potentiel des projets d'énergie éolienne terrestre par rapport à un bien du patrimoine mondial au Royaume-Uni

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

Entre 2004 et 2008, « Historic England », l’entité en charge des monuments historiques au Royaume-Uni, a dû faire face à un nombre croissant de demandes d'exploitation d'énergies renouvelables visibles depuis le site du patrimoine mondial du mur d'Hadrien. En réponse, Historic England (sous son ancien nom d'English Heritage) s'est concentré sur le développement d'une approche à adopter pour les évaluations de l'impact potentiel de ce type de projet, approche qui mettait la signification du site du patrimoine mondial au centre de ses préoccupations. L'objectif était de disposer d'une méthodologie solide pour comprendre l'impact et permettre des décisions éclairées et transparentes dans le cadre du système d'aménagement du territoire de l'Angleterre.

© Ko Hon Chiu Vincent

États parties :
Allemagne
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

Bien du patrimoine mondial :
Frontières de l’Empire romain (bien transnational)

Composante :
mur d’Hadrien

Critères :
(ii)(iii)(iv)

Année d’inscription :
1987

Extension :
2005, 2008

Brève description :

Le « limes romain » représente la ligne frontière de l’Empire romain à son apogée au IIe siècle apr. J.-C. Le limes s’étendait sur 5 000 km depuis la côte atlantique au nord de la Grande-Bretagne, traversant l’Europe jusqu’à la mer Noire et, de là, jusqu’à la mer Rouge et l’Afrique du Nord, pour revenir à la côte atlantique. Il s’agit de vestiges de murs bâtis, de fossés, de forts, de forteresses, de tours de guet et d’habitations civiles. Certains éléments de la ligne ont été découverts lors de fouilles, d’autres reconstruits et quelques-uns détruits. Les deux tronçons du limes en Allemagne couvrent une distance de 550 km depuis le nord-ouest de l’Allemagne jusqu’au Danube au sud-est du pays. Le mur d’Hadrien (Royaume Uni), long de 118 km, a été construit sous les ordres de l’empereur Hadrien en 122 apr. J.-C., à l’extrémité nord des frontières de la province romaine Britannia. C’est un exemple remarquable d’organisation d’une zone militaire qui illustre les techniques défensives et les stratégies géopolitiques de la Rome ancienne. Le mur d’Antonin, une fortification de 60 km de long située en Ecosse, fut commencé sous l’empereur Antonius Pius en 142 apr. J.-C. comme une défense contre les « barbares » venus du Nord. Il représente le tronçon situé le plus au nord-ouest du « limes romain ».

Pour plus d'informations, voir le site : https://whc.unesco.org/fr/list/430

L'approche développée entre 2004 et 2008 est toujours appliquée pour évaluer les projets proposés sur le site du mur d'Hadrien et son environnement. L'approche était basée sur le document d'orientation d'Historic England intitulé The Setting of Heritage Assets (document en anglais, qui a été révisé en 2017). Ce document met l'accent sur la compréhension de la signification d'un site et du rôle que le cadre joue à cet égard, pour permettre ensuite de comprendre la manière dont un projet de développement particulier a un impact sur ce bien. Cette approche est pleinement soutenue par le National Planning Policy Framework  – NPPF (Cadre stratégique national de planification, document en anglais) qui intègre la protection des biens du patrimoine mondial et de leur cadre (§ 189 et 194) aux côtés de dispositions sur l'importance de comprendre l'impact des propositions sur la signification des biens patrimoniaux (§ 194).

Les projets en question

L'un des principaux projets d'énergie éolienne à cette époque était le projet d'installation d'un groupe de trois parcs éoliens distincts sur des collines situées à environ 15 km au nord du secteur central du mur d'Hadrien. Le cadre du bien se caractérise par un paysage de hautes terres, avec de longues vues sur un terrain très peu peuplé, divisé par de profondes vallées fluviales. Les turbines proposées avaient une hauteur de 100 m et, malgré la distance qui les séparait du mur, elles auraient été très visibles dans un paysage essentiellement rural. Les éoliennes auraient assurément constitué un élément nouveau et visible dans le paysage du mur d’Hadrien, mais la question était de savoir si elles portaient atteinte au site du patrimoine mondial.

Mesures liées à l'évaluation d'impact

L'évaluation des impacts possibles du projet proposé s'est appuyée sur la DVUE, ainsi que sur les documents de proposition d'inscription et de décision d’inscription. Ceux-ci montrent clairement que la zone entourant le mur d'Hadrien joue un rôle dans sa signification, car elle permet de comprendre et d'apprécier la planification militaire romaine et l'utilisation des terres.

Dans le secteur central, le mur a été placé sur un terrain élevé, non seulement parce qu'il était plus facile à défendre, mais aussi pour permettre aux troupes romaines d'avoir une vue d'ensemble de leur environnement. Cependant, le terrain au nord et au sud comprend une série de vallées avec plusieurs zones qui ne peuvent être vues depuis le mur, ce qui suggère que dans ce secteur, les troupes romaines ne comptaient pas seulement sur l'observation directe pour leur protection, mais qu'elles contrôlaient plus probablement les approches nord du mur par le biais de patrouilles militaires. Les vues vers le nord, à travers les collines et les terrains cachés dans les vallées, ne jouaient donc pas un rôle aussi crucial dans la planification et le fonctionnement de la frontière du mur.

Résumé des résultats de l’évaluation d'impact

Selon cette approche, la possibilité de voir des éoliennes sur des collines éloignées ne nuisait pas à la VUE du bien car les Romains n'avaient pas conçu leur frontière et n'avaient pas fondé leur contrôle sur ce paysage de manière à dépendre des vues sur ces collines éloignées. Par conséquent, bien que les turbines sur les collines soient visibles, elles n'interrompaient ni ne nuisaient à aucune vue cruciale pour comprendre et apprécier la frontière du mur d'Hadrien.

L'approche adoptée pour une étude d'impact axée sur la VUE a donné des résultats différents lors de l'évaluation d'un autre projet d'énergie éolienne sur la côte du Cumbria. Ici, le littoral était la ligne de frontière défendue, avec une série de tours et de fortins situés tous les 600 mètres pour surveiller les incursions ennemies venant de l'autre côté de la mer, et qui étaient également situés de manière à communiquer visuellement les uns avec les autres.

L'étude d'impact a souligné qu'en raison de l'orientation incurvée de la côte dans cette zone, les éoliennes se situeraient visuellement juste derrière la ligne de la frontière. De ce fait, elles distrairaient l'œil et nuiraient à la compréhension et à l'appréciation de la planification militaire romaine et du fonctionnement de la frontière. Dans ce cas, l'évaluation d'Historic England s'est concentrée sur la capacité d'apprécier et de comprendre la présence de la frontière autour et le long de la côte, et sur l'impact sur la covisibilité des emplacements de ces installations militaires romaines. Le projet d'énergie éolienne proposé a été évalué comme ayant un impact négatif potentiel sur la VUE du bien en raison de la distraction qu'il causerait.

Les parcs éoliens du secteur central ont reçu leur autorisation, ont été développés et sont devenus opérationnels en 2012. L'avis d'Historic England selon lequel, malgré la visibilité, les éoliennes ne porteraient pas atteinte à la VUE a été considéré comme un facteur important dans cette décision. Au moment de la décision, le public s'est inquiété de l'impact sur la beauté du paysage de la région du mur et de la manière dont cela pourrait nuire à l'expérience des visiteurs, même si les éoliennes se trouvent strictement en dehors de la VUE du site du patrimoine mondial. Cependant, une fois les parcs éoliens construits, la décision de les autoriser a été très peu critiquée et l'impact sur la VUE n'a guère suscité d'inquiétude. (voir Image 1)

Image 1 – Éoliennes visibles depuis le mur d’Hadrien à Limestone Corner, Northumberland

Sur la côte du Cumbria, la décision a été prise de refuser l'autorisation de construire les éoliennes, notamment en raison de leur impact sur le site du patrimoine mondial. Dans la même région du Cumbria, un grand nombre d'autres parcs éoliens ont été autorisés, mais dans chaque cas, une évaluation ciblée de l'impact sur la VUE a été réalisée. Il a été conclu que de tels impacts ne se produiraient pas, même si les éoliennes étaient visibles depuis le site du patrimoine mondial. (voir Image 2)

Image 2 - Défenses romaines de la côte du Cumbria. La photographie est prise depuis le fort romain de Maryport. La flèche indique le site de Milefortlet 21, qui aurait été en communication visuelle directe avec le fort. Les éoliennes proposées seraient apparues immédiatement derrière le site de Milefortlet, distrayant l'œil et nuisant à la compréhension du paysage romain.

Enseignements importants tirés du projet

L'évaluation des impacts potentiels des projets d'énergie éolienne proposés sur le mur d'Hadrien a été facilitée par les informations techniques et historiques incluses dans la DVUE du bien. Ces informations concernent non seulement les sites romains situés le long de la frontière, mais également le paysage environnant, ce qui montre clairement que ce paysage joue un rôle dans la signification du site, car il permet de mieux comprendre et apprécier la planification militaire romaine et l'utilisation des terres. Cette compréhension de l'importance du site a permis à Historic England de ne plus se contenter d'évaluer si les éoliennes et autres installations d'énergie éolienne étaient visibles depuis le mur d'Hadrien, mais de se concentrer sur l'évaluation de l'impact de chaque projet proposé sur la protection de la VUE du bien.

Cette focalisation explicite sur l'impact sur la VUE, plutôt que sur de simples questions de visibilité ou d'impact sur le paysage de manière plus générale, permet aux décideurs d'être beaucoup plus clairs sur la question de savoir si un préjudice à la signification du site du patrimoine mondial va se produire. Dans le contexte de l'urgence climatique, cette transparence est vitale pour que le patrimoine puisse être protégé de manière appropriée. Toutefois, si aucun dommage n'est à craindre, le développement des énergies renouvelables est autorisé.

Autres activités 1
Mots Clefs 1
Biens du patrimoine mondial 1
top