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La case de couronnement des Almamy du Fouta Djallon

Date de soumission : 27/03/2025
Critères: (iii)(v)(vi)
Catégorie : Culturel
Soumis par :
Délégation Permanente de la République de Guinée auprès de l'UNESCO
État, province ou région :
Moyenne Guinée, Région de Mamou, Préfecture de Dalaba, Sous-Préfecture de Ditinn, District de Fougoumba
Coordonnées X 815602 Y 1202918
Ref.: 6820
Avertissement

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Description

La case de couronnement des Almamy du Fouta Djallon est située en Moyenne Guinée dans la Région Administrative de Mamou, Préfecture de Dalab, Sous­-Préfecture de Ditinn et District de Fougoumba. C'est un monument architectural construit à la fin du XVIIIème après la bataille de Talansan. Elle est réalisée en blocs d'argile venus des neuf (9) provinces traditionnelles du royaume. De forme circulaire, cette case comporte trois (3) portes dédiées aux trois (3) premières provinces du royaume (Timbo, Timbi et Labé) et un (1) toit conique, en bambous et lianes, couvert de chaume. L'intérieur de la charpente est décoré par des motifs qui expriment l'ingéniosité des artisans de la communauté. Elle est restaurée à l'identique après chaque sept (7) ans.

La case de couronnement est intimement liée au vestibule qui servait de salle d'attente, à la mosquée centrale récemment rénovée en dur, lieu de bénédiction du nouvel Almamy. Elle est également liée à Pellum tabaldé, l'endroit où les messages étaient transmis dans tout le royaume à travers la tabala, aux itinéraires et discours rituels de couronnement.

Cette case servait, pendant neuf (9) jours, de lieu de formation spirituelle du nouvel Almamy et de préparation à l'exercice de ses nouvelles fonctions. Elle accueillait aussi, chaque année et pour trois (3) mois, les délégués des neuf (9) provinces traditionnelles (diwés) pour évaluer les activités de l'année en cours et préparer le plan d'actions de l'année suivante.

Ce monument du Fouta théocratique, est l'une des rares constructions architecturales de cette époque qui abrite encore certains attributs du pouvoir traditionnel et spirituel, notamment le coran, la tabala, le turban et la lance. Aujourd'hui, cette case représente, l'un des symboles du pouvoir théocratique en République de Guinée.

Justification de la Valeur Universelle Exceptionnelle

La case de couronnement des Almamy du Fouta Djallon est un témoin expressif de la rupture entre les civilisations autochtones (l'animisme et l'idolâtrie) du royaume d'alors et l'avènement de la civilisation arabo-musulmane. Cette dernière s'impose, depuis le début du XVIIIème siècle, comme une tradition partagée et acceptée dans la région de la Moyenne Guinée.

Le style de construction architecturale de la case de couronnement des Almamy du Fouta Djallon fait d'elle la référence de l'habitat traditionnel (concessions, mosquées,) des peulhs de la Moyenne Guinée. Malgré l'abolition de la théocratie ou de la chefferie traditionnelle, cette case continue de jouer son rôle fédérateur et pacificateur de toute la région à travers des rencontres, des bénédictions et des médiations entre les anciennes provinces du royaume théocratique.

Les XVIIème et XVIIIème siècles correspondent à l'arrivée massive des musulmans au Fouta Djallon parmi lesquels des peulhs en majorité et des mandeng, surtout soninké (Sarakollés), khaasonké, Djaakhanké et malinké. D'après des chroniques traditionnelles, et d'après les noms de famille, de lignage ou clans et de tribus, il semble qu'ils venaient du Macina au moins pour les ¾ et du Fouta Toro (Sénégal) environ pour les ¼.

Mis devant l'impossibilité de pratiquer librement leur culte et réussissant de moins en moins à convertir les animistes par la seule persuasion, les peulhs musulmans se trouvèrent devant la nécessité d'employer d'autres méthodes et ce fut la guerre sainte.

Grâce à elle, un nouveau régime naquit au cours de cette période sur les ruines du pouvoir Djallonké et pulli. Les musulmans devenus maitres du royaume, par leur victoire sur les païens, obligèrent ceux-ci à se convertir à l'islam. Trois solutions furent laissées au choix des vaincus : la conversion, l'exile ou la servitude.

La région fut transformée en un royaume théocratique et reparti en neuf provinces traditionnelles communément appelées diwés. La province de Timbo fut érigée en capitale politique et celle de Fougoumba en capitale religieuse, siège de la case de couronnement des Almamy. Ainsi, tout Almamy élu devrait forcément séjourné, pendant sept (7) jours, avant d'aller prendre fonction à Timbo.

Les Almamy du royaume théocratique qui assuraient le pouvoir exécutif étaient élus par une assemblée fédérale (pouvoir législatif). Le nombre d'électeurs a varié au cours de l'histoire. Lors de la première assemblée au XVIIIème siècle, il y en avait neuf (9) représentants des neuf (9) provinces traditionnelles du royaume. Par la suite, il y eut un collège de grands électeurs dont le nombre a été limité à sept.

Ceux-ci représentaient les neuf (provinces réparties comme suit :

    • Buriya (pour Buriya et Keebaali) ;
    • Fugumba (pour Fugumba) ;
    • Kollaade (pour Kollaade et Koyin) ;
    • Timbi (pour Timbi-Touni et Timbi-Madina) ;
    • Labé (pour Labé et Koyin).

Tout le XVIIIème siècle fut consacré à la consolidation du nouveau régime par la lutte contre les dernières résistances païennes des Djallonkés et des pulli (Initiations et Etudes Africaines- les institutions politiques du Fouta Djallon au XIXème siècle par Thiemo DIALLO, IFAN-DAKAR 1972).

Critère (iii) : Le conseil fédéral des anciens de la province de Fougoumba était une assemblée souveraine dont les rôles religieux et culturel étaient très importants dans le fonctionnement du royaume théocratique.

A Fougoumba, se réunissait une ou deux fois par an ou tous les deux ans, une assemblée de théologiens pour examiner la situation générale du royaume sur le plan politique, social, religieux et culturel. Elle s'intéressait à toutes les manifestations de la vie culturelle du royaume.

L'intervention des membres de cette assemblée se limitait à des vœux et à des recommandations allant dans le sens du respect de la foi et des coutumes. Ils invitaient les chefs à favoriser la construction de mosquées et le progrès de l'enseignement coranique pour les enfants des deux sexes y compris ceux des serviteurs et des hommes de caste.

L'action politique du conseil des anciens de Fougoumba s'orientait principalement dans trois directions : la défense de la foi, la paix et la guerre.

Pour ce conseil des anciens, la paix et la guerre n'avaient pas d'autre but que celui de servir la religion. Protecteur de la foi, il s'élevait contre toutes les atteintes à l'islam. Il censurait la vie, les mœurs des fidèles et fustigeait le comportement de certains chefs envers la religion et les œuvres littéraires jugées peu orthodoxes.

A l'extérieur du royaume, le conseil des anciens contrôlait les expéditions militaires pour qu'elles ne soient pas détournées de leur but initial : la conversion des infidèles.

L'assemblée fédérale qui déclarait la guerre, pouvait aussi signer la paix. Les traités de paix, d'amitié ou de commerce étaient signés par les Almamy au nom de l'Assemblée fédérale, porte-parole des communautés.

Le découpage territorial du royaume en provinces et la mise en place des institutions comme l'assemblée fédérale sont l'expression de l'alternance au pouvoir et de l'existence d'une constitution qui régissait le fonctionnement social, économique, culturel, religieux et politique du royaume théocratique.

Critère (v) : L'organisation politico-administrative du Fouta Djallon peut être comparée à une pyramide. De la base au sommet, on trouvait successivement : le hameau, le village, la province et le royaume. En plus de ce découpage, le royaume était organisé en neuf (9) provinces traditionnelles appelées diwés.

Les rapports entre les différents groupes de la société du Fouta Djallon étaient bien établis. Un citoyen devait savoir que sa place était déterminée dès le départ, en fonction de sa naissance (famille, clan, tribu) et de sa condition sociale (libre, esclave, artisan exerçant un métier de caste).

La différence fondamentale entre la couche aristocrate et les autres couches sociales, et en particulier celle des hommes libres, résidait dans l'éducation et l'enseignement. Il y avait d'un côté les hommes de culture et de l'autre ceux qui ne l'étaient pas.

Le niveau d'instruction était très apprécié dans le Fouta Djallon. Elle permettait à un homme de monter dans la hiérarchie sociale. L'enseignement ou la connaissance intellectuelle pouvait le hisser au premier rang.

En réalité, les vrais souverains du Fouta furent, non les Almamy ou les chefs de provinces qui ne détenaient souvent qu'un pâle reflet du pouvoir, mais ces hommes lettrés qui dans les conseils ou dans les assemblées occupaient les premières places et dirigeaient le royaume au nom du savoir.

A la stratification du royaume en corps de métiers et en rang social, il y a lieu d'ajouter celle d'après la génération : les groupes ou classes d'âges. En effet, tous les hommes entre sept et soixante-dix ans faisaient partie d'une association d'âges. Entre les ainés et les cadets, il existait un certain respect et une certaine hiérarchie. C'était là que les enfants apprenaient la vie en société et le rôle politique, économique et social qu'ils devaient jouer plus tard (Initiations et Etudes Africaines- les institutions politiques du Fouta Djallon au XIXème siècle par Thiemo DIALLO, IFAN-DAKAR 1972).

Quant à l'économie du royaume, elle reposait sur deux (2) branches fondamentales : l’agriculture et l'élevage. L'industrie artisanale et le commerce étaient des branches secondaires, moins développées que les deux premières. Celles-ci, en effet, étaient les seules où les peulhs musulmans, maitres du royaume jouaient un rôle prépondérant.

Critère (vi) : La case de couronnement des Almamy du Fouta Djallon est directement associée à des idées et des croyances qui fortifient son fondement et sa survie. En effet, dans le Fouta Djallon, le choix d'un Almamy est sanctionné par une cérémonie d'investiture.

Le chef de la province de Fougoumba avait l'honneur de présider la cérémonie de couronnement du nouvel Almamy selon la coutume. Chaque province devait participer activement à la cérémonie du sacre. Ainsi, la province de Bouriya avait l'honneur de fournir les turbans. C'est dans cette province qu'il reçoit le titre provisoire de chef (Almamy). Deux (2) autres provinces fournissaient la tabala royale et le livre sacré (Coran), symbole de la religion et de la justice.

L'enroulement des turbans et la remise des insignes du pouvoir étaient succédés par des discours d'usage. Le plus âgé de l'assemblée ou le Président des grands électeurs s'adressait au nouvel élu et à toute la communauté musulmane présente en ces termes : "Nous avons maintenant un successeur des Almamy ; nous lui confions la religion, les misérables, les voyageurs, les vieillards ; il ne doit pas admettre qu'il soit fait tort impunément à qui que ce soit ; qu'il accueille la plainte de tous les meurtris, et rende à tous la justice. Le Fouta est sur ta tête comme un vase de lait frais. Ne trébuche pas, si non le lait se répandrait. Dans la communauté musulmane, que tous soient justes et équitables ; si tous ne peuvent l'être, qu'au moins les gouvernés le soient."

Le discours du Président des grands électeurs se terminait toujours par une exhortation du nouvel Almamy : ''il faut reconstruire les mosquées et poursuivre inlassablement la guerre sainte''.

A ce discours d'intronisation, le nouvel Almamy répondait en ces termes : "Je loue Dieu, je remercie Dieu ; c'est la part de nos ancêtres que vous venez de me donner. A mon tour, je redonne à chacun sa part, que chacun veille sur son lieu comme un berger sur son troupeau ; que chacun garde son enclos (demeure), son parc à bétail, sa bergerie ; celui qui pénètrera dans votre enclos, qu'il soit saisi et amené devant moi pour être jugé selon le livre sacré (coran).

A la fin des discours, le souverain était conduit jusqu'à sa maison située dans le carré réservé aux Almamy, la case de couronnement, où Il devait rester pendant sept (7) jours et chaque matin, on lui enlevait un turban jusqu'à ce qu'il n'en restait qu'un seul.

L'élu prenait définitivement le titre de l'Almamy et devenait le chef de la province de Timbo (capitale politique du royaume), responsable suprême et commandeur en chef de la communauté musulmane de Fouta théocratique. (Initiations et Etudes Africaines- les institutions politiques du Fouta Djallon au XIX ème siècle par Thiemo DIALLO, IFAN-DAKAR 1972).

Déclarations d’authenticité et/ou d’intégrité

La case de couronnement des Almamy du Fouta Djallon répond au critère d'authenticité. Ses matériaux de construction et sa forme restent encore inchangés. Sa toiture, en bambous et en lianes, couverte de chaumes est renouvelée chaque sept ans conformément à la tradition musulmane. Ses relations avec ses dépendances (vestibule, la mosquée, les itinéraires rituels, le discours d'intronisation) sont encore vivantes. L'oralité reste le principal canal de transmission des connaissances et des savoir-faire liés à ce monument architectural.

Les fonctions et usages de cette case s'inscrivent dans la continuité et s'adaptent, avec le temps, aux besoins des communautés riveraines.

Le temps de la théocratie étant révolu, la case de couronnement des Almamy sert aujourd'hui de lieu de rencontres, de bénédictions, de prises de décisions et de résolution de conflits entre les anciennes provinces du royaume théocratique.

La case de couronnement des Almamy du Fouta Djallon se trouve aujourd'hui dans un bon état de conservation. Elle est protégée au niveau international par la Conventions de 1972, relative à la protection et la conservation du patrimoine mondial, culturel et naturel et celle de 2003, relative à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Au niveau national, ce monument historique est protégé par la Loi N°L/2016/063/AN, relative à la protection, conservation, valorisation et transmission du patrimoine culturel national et par des codes sectoriels tels que le code pénal, le code de l'environnement, le code de l'artisanat, etc. Au niveau local, la case de couronnement des Almamy du Fouta Djallon est protégée par le conseil des anciens appuyés par le comité de veille.

Comparaison avec d’autres biens similaires

La case de couronnement des Almamy est comparable à la case traditionnelle dans la chefferie des Grass Fields au Cameroun. Elles ont les mêmes caractéristiques physiques du point de vue forme, matériaux, techniques endogènes, rôles et fonctions.

Certains monuments architecturaux traditionnels et ceux dits modernes comme les palais royaux d'Abomey au Bénin, la case traditionnelle dans la chefferie des Grass Fields au Cameroun, la cité historique d'Hamdallahi au Mali, etc. ont fait, respectivement, l'objet d'inscription sur les listes indicatives nationales de leurs pays et sur la liste du Patrimoine mondial.

La case traditionnelle dans la chefferie des Grass Fields a été inscrite en raison de ses spécificités architecturales et de ses expressions artistiques exprimées dans les sculptures et gravures sur ses portes.

Par contre, la particularité de la case de couronnement des Almamy du Fouta Djallon réside dans sa forte charge spirituelle à travers son fondement sur les préceptes et les principes de la religion musulmane.

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