Greniers en série des grottes de Nok, Mamproug, Kouba et Bagou

Description

De hautes falaises, dont les parois sont orientées au nord, dominent de leur à-pic la savane de cette partie septentrionale du Togo. Elles sont les derniers reliefs élevés avant cette immense étendue de savane qui se prolonge au Burkina. Cette formation appelée communément grès de Boumbouaka présente des escarpements de falaises d’âge protérozoïque supérieur d’une rare beauté avec à la base une alternance de pellites (argilites) et de psammites, l’ensemble reposant sur un socle cristallin daté du Birrimien. Des anfractuosités horizontales s’ouvrent au dernier quart supérieur de leur hauteur ; d’accès difficile, elles ont servi d’abri et de refuge aux populations autochtones lors des périodes d’insécurités diverses qui ont sévi dans la région du XVIIe au XIXe siècle.

Ces cavernes contiennent des greniers taillés dans le même style architectural traditionnel à partir des matériaux locaux (pierres, argile et paille). De forme cylindrique, oblongue ou semi-sphérique, ils s’ouvrent vers le haut, leur hauteur est généralement de deux mètres et demi, leur diamètre de trois mètres.

Justification de la Valeur Universelle Exceptionnelle

Ces sites sont un témoignage des périodes de troubles et d’insécurité (XVII-XIX siècles) consécutives aux guerres d’hégémonie, aux razzias et au commerce négrier entretenus par le royaume Dagomba, Gourma et Anoufom et les colons Allemands. Ces sites témoignent aussi des conflits au sein du royaume Gurmantché de Nung (actuel Burkina Faso) qui ont provoqué une importante migration vers les différentes localités de la région des Savanes.

Les greniers des grottes de Nok, Mamproug, Kouba et Bagou témoignent aussi de l’utilisation lointaine des habitats troglodytiques développés dans la région au cours des premières migrations Moba-Gourma et Mamproussi. Pour affiner leur stratégie de défense, les populations y ont construit des greniers pour conserver les vivres afin de supporter l’état de siège.

Tous ces sites contiennent des sanctuaires majeurs des divinités de Lenlétk et de Toussik implantés depuis des siècles auxquels les populations détentrices vouent des cultes jusqu’à ce jour. C’est autour de Toussik et des autres sanctuaires qui l’environnent qu’on intronise les chefs traditionnels de la région des Savanes.

Critère (iv) : Les greniers et les grottes illustrent une période significative de l’histoire pendant laquelle les populations de Nok, de Mamproug, de Kouba et de Bagou ont utilisé des habitats troglodytiques en périodes d’insécurité (XVIIe au XXe siècles) marquées par les guerres, la traite négrière et la colonisation allemande. Les dispositions stratégiques naturelles ont été complétées par une architecture spéciale des greniers adaptés aux besoins de survie du groupe.

Critère (vi) : Ces sites sont directement associés à des traditions vivantes et aux croyances car ils sont des lieux de culte voués aux divinités Lenlétk dans la grotte de Nok, Toussig à l’entrée de la grotte de Mamproug et Lobwol à Kouba. Ces sanctuaires présentent un intérêt de haute portée spirituelle pour la population qui continue de pratiquer le culte des ancêtres. Les greniers des grottes de Nok, de Mamproug et de Kouba constituent un exemple unique en son genre au Togo.

Déclarations d’authenticité et/ou d’intégrité

Construits en matériaux locaux (argile, pierre, paille) dans un style traditionnel, les greniers conservent intégralement leur forme alors que la température ambiante stationnaire dans les grottes justifie l’état très satisfaisant de leur conservation. A Kouba, les greniers et les objets sont en parfait état de conservation.

Aujourd’hui, on constate des pathologies dues aux vents, à la pluie et à l’action humaine qui ont détruit certains greniers à Nok. Mais le caractère providentiel et sacré des grottes contribue dans l’inconscient collectif à la préservation des espèces fauniques et floristiques de l’environnement immédiat du site.

Les sites répondent aux conditions authenticité pour ce qui est de sa conception traditionnelle, de ses matériaux locaux (terre et pierre) et de son exécution. Les greniers sont construits dans le même style avec des pierres et ressemblent à ceux trouvés actuellement dans les villages les abritant. Si à Nok et à Mamproug, certains objets ont été retirés par les populations à la fin des troubles, à Kouba, le contenu des grottes est original, intact et complet.

Comparaison avec d’autres biens similaires

Dans cette zone de Cuesta, au Togo, d’autres abris sous-roche sont légion et ont servi de refuge aux premiers hommes, aux génies selon la tradition et naturellement aux bergers ou aux paysans exploitants des flancs de montagne. Ainsi, les greniers des cavernes de Bidjenga et de Naki-Est situés à une cinquantaine de kilomètres à l’Est présentent moins d’intérêt historique et esthétique par rapport à ceux de Nok, Mamproug, Kouba et Bagou plus célèbres, plus impressionnants en nombre plus important et mieux conservés. Les biens similaires servent généralement de sanctuaires et ne comportent point d’autres valeurs intrinsèques.

Au niveau régional, on trouve ces greniers sous grotte en pays Dogon, site du Patrimoine mondial au Mali. Même si ces derniers revêtent les intérêts stratégiques, esthétiques et  culturels, les greniers des grottes de Nok, Mamproug, Kouba et Bagou ont en outre des valeurs spirituelles pour les communautés locales.