Grottes de Lastoursville
Délégation permanente du Gabon auprès de l'UNESCO
Ogooué-Lolo, Mulundu (Lastoursville)
Avertissement
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Description
Localisation de neufs cavités d’intérêts sur les 43 recensées dans la région de Lastoursville (Richard Oslisly et al., 2015).
N° d'identification | Nom de l'élément | Région(s)/District(s) | Coordonnées du point central UTM 33M | |
---|---|---|---|---|
Zone Kessipougou |
001 |
Grotte de Ngongourouma ou Kessipougou |
Mulundu |
X:254262 Y: 9904077 Z:439 |
Zone de Lastoursville |
002 |
Grotte de la Lipopa |
Mulundu |
X:247503 Y: 9908080 Z:338 |
003 |
Grotte de Pahon 1 |
Mulundu |
X:249808 Y: 9909960 Z:316 |
|
004 |
Grotte de Siyou 1 |
Mulundu |
X:251086 Y: 9910526 Z:309 |
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005 |
Grotte de Siyou 2 |
Mulundu |
X:251098 Y: 9910570 Z:290 |
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006 |
Grotte de Boukama |
Mulundu |
X:252693 Y: 9910767 Z:281 |
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Zone Likongo |
007 |
Grotte Koubou |
Mulundu |
X:252638 Y: 9906864 Z:379 |
008 |
Grotte de Youmbidi 1 |
Mulundu |
X:249879 Y: 9907877 Z:410 |
|
Zone Lihouma |
009 |
Grottes Lihouma 1 |
Mulundu |
X:256043 Y: 9911798 Z:292 |
Les Grottes de Lastoursville constituent un paysage culturel associatif, occupant une superficie de 9 000 ha. Un recensement a permis l’identification de quarante-trois (43) cavités à ce jour, réparties dans cinq zones à concentration : Lihouma, Lastoursville, Kessipougou, Likondo et Bembikani, sur une aire totale de 150 km². Cependant, seules neuf (9) cavités ont un intérêt particulier et méritent une attention. Elles sont réparties entre les zones de Kessipougou, Lastoursville, Likongo et Lihouma (Richard Oslisly et al, 2015).
En effet, ces dernières sont des galeries creusées dans les ampélites et/ou pélites pouvant atteindre plus d’un kilomètre de longueur marquées par des cavités plus ou moins grandioses inédites (1 km de large, à Pahon1 ; 300 m de large à Kessipougou, Boukama 556 m et Lipopa 500 m de large). Les plafonds sont plats, souvent étagés. Un réseau d’eau souterrain relativement toujours présent dans ces Grottes est à l’origine des formations des concrétions, des draperies, des stalagmites, des stalactites, des diaclases, des cascades, des marmites d’érosion, des gours et des petits canyons souterrains. On rencontre rarement des avens et labyrinthe dans ces grottes. Ces sites montrent une relation étroite avec l’homme vieille de près de 8 200 ans, particulièrement à Youmbidi qui est associée à deux abris sous roche de grande taille de 2 à 3 m de hauteur (Richard Oslisly et al., 2015) ; la grotte de Pahon 1 est aussi associée à un gouffre (Olivier Testa, 2015).
Ces sites sont des lieux où l’homme est présent depuis le Néolithique vers 8 000 ans. Toutefois, une multitude de dates signalent cette présence continue à travers des trouvailles archéologiques artistiques (gravures rupestres, dessins pariétaux au charbon de bois et l’ocre rouge) datant du XVème siècle, d’une part et culturelles (tessons de poterie), d’autre part (Richard Oslisly et al., 2015).
En termes de diversité biologique, quatre familles y sont principalement recensées : des reptiles, des insectes, des mammifères (rongeurs et chiroptères) et des amphibiens endémiques des forêts d’Afrique centrale (Amphiburus nigricaudatus pelligri et Clariallabes sp.). Toutefois, même si Clariallabes sp semble être une espèce proche de C. longicaudatus, son gigantisme est impressionnant : près de 50 cm de long contrairement à la moyenne qui est de 29 cm (Laurent Chirio, 2015). Des colonies de chauves-souris sont présentes dans les grottes, particulièrement à Pahon1 où elles peuvent atteindre le million d’individus.
L’ensemble de ces grottes se situent dans la zone forestière dense du centre-est du Gabon, deuxième zone climatique équatoriale de transition du centre. La région est uniformément couverte de forêt mature peu exploitée par l’homme : c'est la région de la grande forêt dite des « Abeilles », qui est un sanctuaire pour certains peuples du Gabon. Cette monotonie forestière est parfois interrompue par l'existence de savanes.
La région est traversée par le fleuve Ogooué d’Est en Ouest. Ce fleuve est le plus important bassin versant du Gabon. En effet, d’importants affluents drainent la région : la Sébé et la Lassio à droite d’une part, la Leyou et la Lola à gauche, d’autre part. Aussi, la présence de la chute de Doumé et les rapides de Sessengué et de Matemo entrecoupent le profil du fleuve. Ainsi, la région des Grottes de Lastoursville et la région Sud du Gabon constituent les deux régions karstiques du pays. La formation dolomitique de Lastoursville, de type francevillien, est un bassin sédimentaire, en majeure partie grésopélitique, caractérisée par des formations carbonatées à caractère dolomitique.
Deux ensembles structuraux dominent la région, à savoir le massif du Chaillu (socle granito gneissique d'âge précambrien inférieur) et le bassin de Lastoursville, appelé francevillien en raison d'une ressemblance de faciès avec celui de Franceville. Les seuls affleurements dolomitiques sont les falaises qui bordent la ville de Lastoursville, à l'origine des grottes de la région (falaises de Lipopa et de Voudi). La rencontre de ces deux ensembles structuraux provoque un relief tourmenté.
Justification de la Valeur Universelle Exceptionnelle
Critère (iii) : Des recherches archéologiques attestent la présence de chasseurs-cueilleurs depuis 25 000 ans dans les grottes de Pahon, de Kessipougou et de Youmbidi. Dans les coins les plus reculés et les plus obscurs de ces cavités la présence des éclats de pierre de taillée, des résines qui témoignent de l’utilisation de torches (Richard Oslisly, 2015). Ces hommes, à la lumière de torches (faites probablement à l’aide de résine d’Okoumé), préparaient du poison végétal (Strophantus) extrait d’une liane qu'ils appliquaient sur les pointes de flèches en pierre utilisées pour la chasse. Ce sont les premières fouilles archéologiques réalisées dans un contexte forestier sempervirent pour l'ensemble du bloc forestier d'Afrique centrale. La grotte de Pahon, par exemple, a abrité des cérémonies rituelles de l'âge de la pierre datant de près de 6 000 ans, comme certaines cavités de Lastoursville accueillant encore de nos jours des rites initiatiques. Les témoins récents de cette activité y sont toujours contenus.
Critère (vi) : Les grottes ont toujours été utilisées par les populations anciennes et actuelles. Elles sont des lieux de refuge (Wongo figure de la résistance coloniale), de sépulture, de cérémonies et autres pratiques rituelles telles le « Ndjobi » (rite initiatique). Le site se singularise par la présence surprenante d'activités humaines toujours menées dans les profondeurs des grottes. Certaines d’entre elles ont conservé jusqu’à ce jour les témoignages de ces pratiques à caractère religieux.
De ce fait, la présence de deux coupoles illustrant des dessins de feuilles d’arbres au charbon de bois à Koubou (datant de 1400-1450 AD), des figures arabesques et autres motifs à Lipopa 1 (datant du XIIe et XIXe siècle) attestent de la pratique et l’habileté artistiques des individus qui ont successivement occupé ces cavités. De plus, des tessons de poteries avec décors découverts sur la quasi-totalité des sites retenus, datant de (160 ± 30 BP) montrent des similitudes avec les poteries de tradition Lopé retrouvées dans la région de la Lopé (Richard Oslisly et al., 2015). Cette similitude laisse donc suggérer un fondement culturel commun entre les populations vivantes dans ces cavités et celles ayant évolué dans la région de Lopé.
Critère (vii) : Un karst sous forêt tropicale dans des roches aussi anciennes, datant de 2 milliards d'années et l'existence de cavités exceptionnellement grandioses dont des voûtes de 80 m de haut, constituent un des phénomènes naturels des plus remarquables.
En effet, la présence d’un aven dans la grotte de Lihouma 1 est l’expression du processus naturel d’érosion et de dissolution hydraulique de la dolomite sur des millions d’années produisant : une pente d’eau d’une dizaine de mètres de profondeur, des réseaux de salles connectées les unes aux autres (grottes de Koubou, de Lipopa1). Dans la grande salle à chauve-souris de la grotte de Pahon 1 (200 m x 20 m) où sont au moins 200 000 individus volant en groupe, la cavité demeure insonore malgré l’agitation de ces chiroptères en vol. Le son y est étouffé et la lumière y est rapidement absorbée par l’épaisseur des ténèbres (Olivier Testa, 2015).
Critère (viii) : Appartenant au bassin du francevillien aux caractéristiques significatives de processus géologiques en cours, le site karstique de la région de Lastoursville évoque l'histoire géologique de la terre sur 2 milliards d'années. Aussi, la reconstitution des séquences environnementales grâces à l’analyse de carottes de guano, permet une connaissance des changements climatiques opérés lors de l’Holocène ; de ce fait, les grottes de Lastoursville permettent de comprendre l’histoire de la terre depuis l’holocène à nos jours à travers les événements géologiques qui ont marqué la région de Lastoursville (Richard Oslisly et al., 2015).
Déclarations d’authenticité et/ou d’intégrité
Authenticité
Le caractère de paysage culturel des grottes de la région de Lastoursville s’exprime en ce que ces grottes aussi impressionnantes que singulières, sont depuis l’âge de pierre récent (environ 6 000 ans) des lieux accueillant les activités humaines. Cependant, ces lieux demeurent encore des sanctuaires culturels dédiés à une élite de personnes ou groupes restreints transmis dans la conscience collective. L’intrusion de ces sites est minime et la connaissance exacte de ces cavités est relativement récente, depuis 1976. Ce sont des phénomènes karstiques à caractères originaux d’après Gérard Delorme (1978). Ces lieux sont bien préservés du fait de leurs accès relativement difficiles en forêts denses, l’interdit moral culturel. Toutefois, ces sites sont exposés aux phénomènes naturels d’érosion liés au ruissellement des cours d’eau souterrains et des écoulements pluvieux.
Intégrité
Les composants distinctifs naturels aussi bien que les témoignages culturels des Grottes de Lastoursville sont durablement en place. Les grottes sont protégées par des traditions anciennes transmises de génération en génération : milieux naturels, paysages naturels et artistiques y sont bien préservés. La grotte de Pahon, par exemple, fut pour les chasseurs-cueilleurs un endroit particulier pour des pratiques médico-magiques.
La forêt constitue pour ces sociétés préhistoriques, pygmées puis Bantu, à la fois l'habitat, le lieu de vie et la sphère culturelle et spirituelle de leurs croyances. Cependant, l’accès difficile aux grottes constitue un facteur limitant à la présence humaine d’où l’intégrité de ces sites. Toutefois, il est à signaler la présence d’une petite carrière à dolomie d’une société minière à moins d’un demi-kilomètre des grottes de la zone de Lastoursville. Or, l’étude d’impact environnementale effectuée en 2013 a révélé qu’il n’y a aucun effet dommageable pour les grottes et les populations de chauve-souris.
Comparaison avec d’autres biens similaires
En tant qu'exemples représentatifs de processus géologiques en cours et d'éléments géomorphologiques d'une grande signification, d'une part et des phénomènes naturels remarquables ou des aires d'une beauté naturelle et d'une importance esthétique exceptionnelles, d’autre part, les valeurs des Grottes de Lastoursville sont proches de celles du site de la Zone de nature sauvage de Tasmanie en Australie et de celles des grottes de Cango en Afrique du Sud.
On peut aussi comparer le site karstique de Lastoursville à d'autres sites karstiques comme celui du Parc National de Gunnung Mulu (Malaisie) avec un pic karstique très haut et Parc National de Phong Nha-Ke Bang (Vietnam) dominé par un karst datant de 400 millions d'années.
La région de Lastoursville, à travers ses nombreuses cavités et les éléments qui s’y trouvent, demeure un témoin privilégié des processus géologiques naturels permettant d’appréhender l’histoire de notre terre et des cultures qui y sont attachées jusqu’à nos jours. C’est un lieu de spéciation biologique en cours pour certains amphibiens.