Sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale (Front Ouest)
Funerary and memory sites of the First World War (Western Front)
La description est disponible sous licence CC-BY-SA IGO 3.0
Sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale (Front Ouest)
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مدافن ومواقع الذاكرة التي تعود إلى الحرب العالمية الأولى (الجبهة الغربية)
source: UNESCO/CPE
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第一次世界大战(西线)的墓葬和纪念场所
source: UNESCO/CPE
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Погребальные и мемориальные комплексы Первой мировой войны (Западный фронт)
source: UNESCO/CPE
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Lugares funerarios y de memoria de la Primera Guerra Mundial (Frente Occidental)
source: UNESCO/CPE
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Valeur universelle exceptionnelle
Brève synthèse
Le bien transnational en série « Sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale (Front Ouest) » comprend 139 éléments constitutifs répartis sur la ligne du front occidental, front décisif et actif pendant toute la durée de la Première Guerre mondiale (1914-1918). Des soldats venus du monde entier (plus de 130 États actuels) s’y sont affrontés, côtoyés. Implantés sur ou à proximité des champs de bataille, les éléments constitutifs de cette série incluent différents types de cimetières, notamment de champs de bataille, d’hôpitaux, de regroupement, et leur environnement, souvent associés à des mémoriaux. Ils sont représentatifs de l’ensemble des formes funéraires et mémorielles militaires internationales présentes, en France et en Belgique.
Le bien en série exprime l'immense traumatisme des sociétés du début du XXe siècle et le deuil des survivants et de leurs familles, à l'échelle internationale. Il est le témoin d'une guerre d’un type nouveau, industrielle, ayant mobilisé des millions d’hommes et de femmes à l’échelle mondiale. Rien que sur le seul front occidental, on compte plus de deux millions d’hommes inhumés dans des cimetières et nécropoles et plusieurs centaines de milliers de disparus et de corps non identifiés. Une grande majorité d'entre eux a été mobilisée dans une armée nationale selon un système de conscription qui a brisé des familles et des sociétés entières. S'y ajoutent les civils tués lors des offensives, ainsi que des travailleurs, notamment venus des colonies.
Pour la première fois dans l’histoire, un nouveau mode de traitement de la mort des soldats est appliqué et deviendra la norme. Il repose sur l’identification des morts, lorsque cela est possible, et l’individualisation de leur sépulture, lesquelles visent à être systématiques et réciproques, quelle que soit l’origine, le grade, la nationalité, la culture, la classe sociale, la conviction philosophique ou religieuse du soldat défunt. Ces usages furent mis en œuvre, par les camarades des défunts, quand ils le pouvaient, par les habitants, puis institutionnalisés par les États. Le principe fondamental de traitement égalitaire de tous les défunts a été implémenté par de nouvelles structures issues de la guerre pour répondre aux besoins de commémoration. Cette démarche sera pérennisée par la Convention de Genève de 1929, signée par 47 États.
Les sites funéraires et mémoriels sont perpétuels et constituent un ensemble architectural remarquable illustré par des modèles esthétiques nationaux et transnationaux. Le deuil y est exprimé par une architecture, des éléments décoratifs, un aménagement paysager et une mise en scène, représentatifs de la diversité des cultures du monde qui furent engagées dans les combats du front occidental. Depuis un siècle, cet ensemble est le lieu de commémorations qui demeurent une tradition vivante. Reflet des changements géopolitiques, des identités et des cultures des peuples, ces commémorations mobilisent aujourd'hui tant les populations locales que les populations du monde entier. Cette tradition favorise des échanges scolaires et internationaux sous forme de dialogue intergénérationnel. Marqueurs de la guerre initiatrice des violences du XXe siècle, les sites funéraires et mémoriels sont devenus des lieux de transmission et de conscience. Sites de mémoire et de réflexion pour l’humanité, ils participent à la réconciliation et à la recherche d'un idéal de la paix.
Critère (iii) : Le bien en série témoigne de l’institutionnalisation et de la généralisation d’un traitement transnational des morts, à l’origine d’un nouveau droit humanitaire : l’identification et l’inhumation des morts à la guerre dans une sépulture individuelle.
Pour la première fois dans l’histoire, chaque victime du conflit est inhumée et reconnue comme un individu, à une échelle universelle et sans distinction nationale, sociale, ethnique ou religieuse, par principe. Cette pratique est menée en réciprocité par tous les belligérants. L’individu mort au combat est reconnu pour lui-même, dans le respect de ses convictions religieuse ou philosophique.
Le nom de chaque défunt est gravé sur sa tombe, s’il est identifié, ou sur un mémorial, s’il n’est pas connu. Les tombes individuelles sont majoritairement regroupées dans des cimetières militaires. Des ossuaires rassemblent les dépouilles des soldats non identifiés. Des monuments aux disparus sont érigés pour ceux qui n’ont pas de tombe individuelle identifiée. Les noms des disparus sont gravés sous forme de listes alphabétiques.
Cette reconnaissance individuelle et égale de toutes les victimes devient une pratique courante et la norme juridique pour les conflits ultérieurs à la Première Guerre mondiale.
Critère (iv) : L’ensemble des sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale (Front Ouest) illustre d’une manière exceptionnelle la Première Guerre mondiale et ses conséquences, une période extrêmement significative de l’histoire humaine. Le bien en série témoigne de la création de nouveaux modèles, d’œuvres architecturales, paysagères et artistiques qui répondent au désir de garder le souvenir de tous les morts à la guerre, leur rendre hommage, et retrouver un sens de dignité humaine. Les éléments constitutifs de la série sont créés et organisés par tous les belligérants, suivant leurs sensibilités culturelles et leurs styles nationaux. L’attention prêtée à l’esthétique et à l’environnement est une constante.
Par leurs dimensions et leur nombre, les sites expriment l’échelle inédite atteinte par la force de destruction d’une guerre, pour la première fois, totale et mondiale. Par leur localisation, généralement autour des lieux des combats majeurs et associés à la présence d’éléments qui témoignent directement du conflit, ils composent un paysage mémoriel. Cette typologie de cimetières de guerre, d’ossuaires et de mémoriaux a pu être prise pour norme au cours des conflits suivants.
Critère (vi) : Cette série étendue et cohérente est associée de manière tangible et directe à la portée, à l'échelle et aux conséquences mondiales de la Première Guerre mondiale, qui en ont fait un événement exceptionnel d’importance mondiale. L’ensemble de ces sites funéraires et mémoriels érigés sur un territoire vaste mais défini témoigne d’une tradition toujours vivante, initiée avant même la fin du conflit, et reflète la multitude et la diversité des soldats morts pendant la guerre et des pays qu’ils représentent.
Face à l’inhumanité de la guerre, ils expriment une volonté partagée de perpétuer l’identité individuelle des victimes de guerre et de réhumaniser les sociétés traumatisées. Par leur agencement, ils mettent en avant les valeurs d’égalité et de dignité humaine.
Après plus d’un siècle, des millions de visiteurs, de toutes générations, venus du monde entier, fréquentent toujours ces sites dans une forme de souvenir et pèlerinage. Aux côtés des habitants, ils participent aux commémorations, manifestations institutionnelles ou associatives, internationales, nationales, locales ou individuelles.
Intégrité
La série propose une sélection de sites funéraires et mémoriaux parmi les plus emblématiques de ce nouveau culte des morts au combat sur le Front ouest de la Première Guerre mondiale (France-Belgique), au sein d’un ensemble formé de plusieurs milliers de cimetières et de monuments.
Elle reflète la mémoire des nations et des peuples qui ont participé aux combats et témoigne de l’incroyable diversité des belligérants, justifiant pleinement le terme de Première Guerre mondiale. A travers ses éléments constitutifs, la série présente un ensemble complet des nations et des peuples impliqués dans ce conflit.
Les éléments constitutifs de la série expriment la diversité des références culturelles des différents belligérants et la série illustre l’ensemble des tendances architecturales, décoratives et paysagères qui s’expriment tant par la diversité des acteurs que par l’évolution au cours de l’histoire des cimetières et des mémoriaux. Elle exprime donc cette diversité stylistique et typologique des réalisations funéraires et mémorielles.
La série s’appuie sur les différentes zones du Front ouest et les différentes phases de l’histoire de la guerre. La répartition géographique des éléments constitutifs du bien exprime ce double équilibre spatial et chronologique. La série respecte et illustre le témoignage de l’extension historique du Front ouest.
Il s’agit enfin d’une tradition mémorielle qui a évolué au cours du temps et qui s’exprime toujours de manière vivante aujourd’hui, à grande échelle. La série proposée tient compte de ces différentes temporalités dans la construction des sites, ainsi que de leur importance culturelle et symbolique actuelle.
Tous les éléments constitutifs du bien en série présentent individuellement une bonne intégrité structurelle, en tant que mémorial, nécropole, cimetière militaire organisé, ou monument. Ils ont presque tous, dès leur constitution, été conçus comme des ensembles monumentaux et paysagers cohérents exprimant par leur structure et leurs formes la volonté d’en faire des lieux de mémoire. Leur édification a suivi les canons d’un art funéraire défini tant par le contexte culturel des années de l’Entre-deux-guerres que par le poids culturel et mental du souvenir de la guerre. Des éléments végétaux (pelouses, arbres, massifs d’ornementation) sont conçus pour enrichir visuellement l’élément monumental ou territorial. Les éléments constitutifs sont tous d’une grande portée symbolique, toujours perçue de nos jours. Par eux-mêmes, ces éléments constitutifs de la série expriment une intégrité élevée du témoignage immatériel et de sa transmission au fil des générations, notamment depuis la disparition des derniers témoins oculaires de la Première Guerre mondiale.
Authenticité
La série est formée par un ensemble de cimetières et mémoriaux aménagés afin d’assurer une fonction funéraire et mémorielle qui a été soigneusement conservée jusqu’à nos jours. Ils constituent des lieux de mémoire complémentaires entre eux et attachés aux évènements de la Première Guerre mondiale. Ces sites funéraires et mémoriels ont été conservés et entretenus en conformité avec cette vocation initiale.
Créés dès le déroulement de la guerre elle-même, les cimetières et les tombes individuelles témoignent de la généralisation du nouveau culte des morts au combat. Après l’armistice la recherche systématique des morts, leur identification et le regroupement des dépouilles se traduisent par l’organisation de cimetières et de nécropoles ainsi que d’ossuaires pour les restes humains non identifiables.
L’édification de monuments commémoratifs de la guerre et de ses morts se développe à proximité des anciennes lignes de front, mais aussi dans des villages et des villes plus éloignés de celles-ci. Les monuments mémoriels les plus imposants, constitutifs de la série, scandent visuellement et symboliquement l’étendue du front et du cadre paysager plus large.
Quelques cimetières du temps de guerre ont eu leurs dépouilles exhumées mais leur fonction mémorielle a été respectée, donnant pour quelques-uns d’entre eux une dimension archéologique. Certains cimetières ont été affectés par les événements de la Seconde Guerre mondiale, et certaines recompositions ont eu lieu à sa suite, mais dans la conformité de leur vocation funéraire initiale. Fréquemment associés aux cimetières, les monuments funéraires, qui comportent généralement de longues listes de personnes décédées, ont connu une histoire parallèle. Leur création date parfois de la période de guerre elle-même, mais ils sont le plus souvent conçus durant la période d’Entre-deux-Guerres, en lien direct avec la commémoration des morts aux combats. Il s’agit donc de témoignages matériels individuels qui offrent un haut degré d’authenticité du nouveau culte généralisé des morts aux combats et qui ont conservé leur vocation de lieu de recueillement.
En conclusion, les sites formant les éléments constitutifs de la série offrent de manière quasi générale un haut degré d’entretien et de conservation dans le respect de leur authenticité matérielle et de leur valeur symbolique. Le bien en série exprime de manière très convaincante le caractère authentique et vivant du culte des morts au combat reconnus comme des individus.
Éléments requis en matière de protection et de gestion
Les sites qui composent la série sont répartis sur le territoire de deux États (Belgique, France) qui disposent de leurs propres réglementation et législation en matière de protection du patrimoine (Wallonie, Flandre, France).
L’ensemble des sites constituant le bien bénéficie de mesures de protection. Pour ce faire, chaque partenaire utilise ses législations propres. Les partenaires belges (Flandre et Wallonie) ont choisi d’appliquer de manière systématique la législation en matière de patrimoine et de classer l’ensemble des sites. Le classement est à la fois une reconnaissance de la valeur patrimoniale et un outil de protection.
En Wallonie, les sites concernés sont classés comme site ou, pour certains d’entre eux, comme monument. La zone tampon est généralement couverte par un autre outil patrimonial, la zone de protection, dont la définition est similaire à celle de la zone tampon. Dans deux cas, la qualité patrimoniale des abords a conféré le statut de site classé à la zone tampon.
En Flandre, les sites composant la série sont tous classés comme monument. Les zones tampons s’appuient sur des outils patrimoniaux ou d’urbanisme.
En France, les sites de la série sont l’objet d’une protection légale de nature patrimoniale (classement ou inscription au titre des Monuments historiques) ou aux abords de Monuments historiques ou d’un Site patrimonial remarquable, de nature environnementale (classement de site ou en forêt domaniale) ou urbanistique (Plan Local d’Urbanisme).
En Belgique et en France, la grande majorité des cimetières militaires et mémoriaux nationaux et internationaux, bénéficie du statut de biens publics inaliénables.
La gestion du bien en série a pour priorité la conservation des sites qui le composent, la préservation de la valeur universelle exceptionnelle et des attributs sur lesquels elle se fonde, basées sur une approche commune et partagée tout en préservant la spécificité des éléments constitutifs. Le maintien des pratiques mémorielles dans un contexte propre au recueillement est également au cœur de la gestion du bien en série. Celles-ci s’inscrivent dans la continuité du culte des morts issu de la Première Guerre mondiale, axé sur la commémoration de chaque individu, y compris les pratiques d’identification et d’inhumation en cas de découverte fortuite de dépouilles liées aux combats. La communication et le partage de cette valeur universelle exceptionnelle par le plus grand nombre, locaux ou visiteurs internationaux, est un autre axe important de la gestion.
Par ailleurs, l’entretien, la gestion et la conservation de la plupart de ces sites relèvent de la compétence de structures particulières créées pendant ou juste après la guerre par les principaux belligérants (ABMC, CWGC, ONaCVG, VDK, WHI). Celles-ci disposent de leurs propres programmes de gestion et d’entretien, qui s’appuient notamment sur des accords de coopération internationaux, et organisent des rencontres et échanges de bonnes pratiques. En outre, ils s’engagent à perpétuer la mémoire des morts à la guerre en encourageant et en soutenant, au travers d’initiatives narratives, pédagogiques et interprétatives, la venue des visiteurs individuels ou scolaires.
Le plan de gestion tient donc compte de cette complexité, intègre la coopération existante et vise à étendre les échanges au profit de l’ensemble des éléments constitutifs du bien. Il s’appuie sur une structure associant les représentants des états porteurs du projet (Belgique à travers la Wallonie et la Flandre, France) et les gestionnaires des sites.
Le plan de gestion est décliné à différents niveaux (transnational, national, régional et local) afin de tenir compte des législations et pratiques de chacun. Il doit servir d’outil stratégique pour gérer l’évolution des sites et de leurs environs, assurer l’ancrage des sites dans leur territoire et favoriser l’implication des populations locales.