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Histoire

Travailler ensemble : Abu Simbel

Les deux temples de Ramsès II à Abou Simbel et le sanctuaire d’Isis à Philae sont les plus illustres des monuments nubiens d’Abou Simbel à Philae (Égypte), classés au patrimoine mondial depuis 1979. Le Grand temple, surmonté de quatre statues colossales de 21 mètres de Ramsès II, est particulièrement impressionnant. Taillé dans la roche au XIIIe siècle avant J.-C., il célèbre le règne du plus puissant pharaon de l’Égypte ancienne et illustre de façon saisissante les compétences techniques et artistiques de sa civilisation.

En 1959, cette magnifique relique risquait d’être anéantie. L’Égypte construisait le haut barrage d’Assouan, nécessaire pour stimuler son agriculture et son approvisionnement en électricité. Le lac de retenue qui en résultait allait noyer les monuments de la région. Déjà, l’île de Philae était régulièrement submergée par la montée des eaux du Nil. L’Égypte et son voisin le Soudan ont demandé l’aide de l’UNESCO pour sauvegarder leur précieux patrimoine nubien.

C’est là que commence l’histoire de la Convention du patrimoine mondial. L’UNESCO a relevé le défi et a lancé une opération de sauvetage spectaculaire. L’Organisation, qui n’en était alors qu’à sa 14e année d’existence, allait montrer au monde comment les trésors du passé pouvaient être préservés pour les générations futures, et non sacrifiés au nom du progrès. La clé était la solidarité internationale. L’UNESCO a réuni les meilleurs experts – hydrologues, ingénieurs, archéologues, architectes – qui ont élaboré un plan radical : les temples seraient démantelés, déplacés sur des terrains plus élevés et réassemblés.

© UNESCO/Nenadovic. Démantèlement d’un des piliers Osiriac du hall d’entrée du Grand temple.

Le 8 mars 1960, la Campagne internationale de sauvegarde des monuments de la Nubie est lancée à l’UNESCO. Le Directeur général Vittorino Veronese souligne la valeur universelle des monuments. Le Ministre français de la culture, André Malraux, salue le projet audacieux de l’UNESCO – « une sorte de Tennessee Valley Authority de l’archéologie » – et en définit la portée : « Votre appel est historique... car, par lui, la première civilisation du monde proclame publiquement l’art du monde comme son patrimoine indivisible ».

Les États membres de l’UNESCO se sont ralliés à la cause. Une trentaine de pays ont formé des comités nationaux pour soutenir l’opération. Dans le monde entier, le sauvetage des monuments en péril a captivé l’imagination du public.

De 1960 à 1980, l’UNESCO orchestre ce projet gigantesque. Les recherches archéologiques dans les zones inondées ont été intensifiées, ce qui a permis de faire de
nouvelles découvertes passionnantes. Au total, 22 monuments et complexes ont été sauvés par 40 missions techniques venues de cinq continents. Des temples massifs, notamment ceux d’Abou Simbel et de Philae, ont été déplacés. Le coût total s’est élevé à 80 millions de dollars des États-Unis, dont la moitié a été offerte par une cinquantaine de pays.

Pour les temples de Ramsès II, le temps était limité : le lac Nasser se remplissait rapidement. En novembre 1963, des ouvriers utilisant des scies à fil ont commencé à les découper. Plus d’un millier de blocs, pesant chacun quelque 30 tonnes, ont été numérotés, déplacés vers des entrepôts et finalement réassemblés dans une falaise artificielle spécialement construite, à 64 m au-dessus de l’ancien site et 180 m à l’intérieur des terres.

Abou Simbel a été inauguré dans son nouvel emplacement le 22 septembre 1968. Les monuments de Philae, les derniers à être sauvés, ont été transportés sur l’île supérieure d’Agilkia entre 1972 et 1979.

© UNESCO/Nenadovic. Dismantling Abu Simbel.

Ces exploits techniques épiques constituent une nouvelle référence pour concilier développement moderne et protection du patrimoine. L’UNESCO a prouvé qu’elle pouvait réunir les meilleures compétences du monde et obtenir le soutien de la communauté internationale pour protéger le patrimoine collectif de l’humanité.

Le succès remarquable de la campagne de Nubie a placé la préservation du patrimoine – et l’UNESCO – sous les feux de la rampe. Elle a donné une impulsion à l’élaboration de la Convention du patrimoine mondial et a donné lieu à d’autres campagnes de sauvegarde historiques en Italie, au Pakistan et en Indonésie.

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