Résumé de la note d'information de l'ICCROM, Amsterdam, 1998.
Par Jukka Jokilehto, en collaboration avec Joseph King (2 février 2000).
1. Un processus stratégique intégré
La Convention du patrimoine mondial précise que les Etats parties ont l'obligation d'assurer l'identification, la protection, la conservation, la mise en valeur et la transmission aux générations futures du patrimoine culturel et naturel d'une valeur universelle exceptionnelle. La Convention propose également la mise en place d'un système de coopération et d'assistance internationales visant à seconder les Etats parties à la Convention dans les efforts qu'ils déploient pour préserver et identifier ce patrimoine. (art. 7). Dans le cadre du patrimoine mondial, les initiatives visant à l'accomplissement de ces tâches peuvent se référer à la Stratégie globale, conçue pour assurer la représentativité de la Liste du patrimoine mondial, ainsi qu'à la coopération technique, la formation et la sensibilisation. Ces tâches peuvent se répartir en trois phases distinctes d'un même processus : 1) l'identification des ressources du patrimoine, c'est-à-dire l'actuelle "Stratégie globale" ; 2) l'évaluation en vue d'une proposition d'inscription sur la Liste du patrimoine mondial ; et 3) la gestion de la conservation des sites du patrimoine mondial. L'objectif de ce processus stratégique intégré est d'assurer que la Liste du patrimoine mondial reflète la diversité des cultures passées et vivantes et d'élaborer un système cohérent de coopération et d'assistance internationales pour seconder les Etats parties à la Convention dans leurs efforts de conservation de ce patrimoine. Un tel processus intégré facilitera la mise au point d'approches cohérentes pour les différentes phases, favorisera une planification prospective et associera les phases d'identification et de proposition d'inscription à la gestion de la conservation, en tenant pleinement compte de la spécificité des différentes ressources du patrimoine et de leur contexte culturel et physique.
2. L'examen d'authenticité par rapport aux conditions d'intégrité
Cette exigence de réussir l'examen en se révélant authentique peut être comprise comme la nécessité d'être véritable, c'est-à-dire que le bien proposé pour inscription doit vraiment être ce que l'on prétend. Comme le définit le Document de Nara, cet aspect "véritable" pourrait comporter de nombreux paramètres, y compris "conception et forme, matériaux et substance, usage et fonction, tradition et techniques, situation et emplacement, esprit et expression, et autres facteurs internes et externes." Lorsque l'on considère les six critères de patrimoine culturel de la Convention du patrimoine mondial, on peut voir qu'ils représentent trois types de notions, avec chacun son examen spécifique d'authenticité conformément aux paramètres mentionnés plus haut :
Le Document de Nara se proposait d'étudier le sens et l'applicabilité du concept d'authenticité dans différentes cultures ; il s'attachait comme il se doit à la diversité et à la spécificité des biens du patrimoine, ainsi qu'à la diversité des valeurs qui leur sont associées. Il reconnaissait que notre aptitude à comprendre de telles valeurs dépendait du degré de crédibilité ou de fiabilité des sources d'information, constituant ainsi "le fondement de l'estimation de tous les aspects de l'authenticité". Bien que l'on ait noté que le mot "authentique" n'ait pas été nécessairement utilisé dans toutes les langues, il a été reconnu que le concept même de caractère "véritable" ou "vrai" – et donc authentique – existait. Il s'ensuit donc que la tradition de reconstruction rituelle de sanctuaires religieux ne serait pas exclue du concept dans la mesure où elle se fonde sur de vraies valeurs culturelles et où la reconstruction n'est pas conçue uniquement comme élément de la présentation d'un site aux visiteurs. Cela s'appliquerait également au maintien des cultures traditionnelles dans lesquelles on assiste à un processus permanent d'entretien, de réparation et de reconstruction en utilisant des formes, des méthodes de construction, un art et des matériaux traditionnels, ainsi que d'autres paramètres.
Cinq ans après la conférence de Nara – temps suffisant pour discuter et débattre de ses principes – le Document de Nara a été récemment adopté par l'ICOMOS en 1999, ce qui représente une acceptation générale de sa teneur par la communauté mondiale des professionnels de la conservation. La conférence de Nara a également suscité un dialogue plus large sur le concept d'authenticité dans les différents contextes régionaux. La présente réunion au Zimbabwe est un exemple de ce dialogue permanent. Elle constitue un moyen d'affiner les principes pour répondre à la grande diversité des traditions et valeurs culturelles.
La différence entre le patrimoine culturel et naturel réside essentiellement dans les valeurs qui leur sont associées. Bien que l'on puisse classer les ressources du patrimoine culturel par type ou par fonction, chacun des sites continue à être qualifié pour sa spécificité et son unicité, pour le génie du lieu. Ainsi, par exemple, lorsque l'on définit une œuvre comme le résultat du génie créateur humain, celle-ci acquiert un caractère unique et ne correspond pas nécessairement à une classe ou une catégorie particulière. S'agissant du patrimoine naturel, l'accent est souvent mis sur ce qu'un type particulier de site devrait normalement contenir selon son caractère ou l'écosystème concerné pour répondre aux conditions d'intégrité. Ce n'est généralement pas le cas pour le patrimoine culturel étant donné sa spécificité.
Le sens général du mot "intégrité" évoque un tout matériel, un état complet et intact. S'agissant du patrimoine naturel, la "condition d'intégrité" évoquerait un tout organique ou fonctionnel. S'agissant du patrimoine culturel, cela peut mener à des contradictions dans la présentation de vestiges architecturaux anciens réduits à l'état de fragments. La notion sera toutefois utile à des fins de gestion de la conservation, une fois définis le bien du patrimoine et ses qualités. Cela s'applique tout particulièrement aux établissements historiques et aux paysages culturels, qui possèdent souvent une grande intégrité historique et où la notion d'intégrité fonctionnelle associe des éléments distincts (bâtiments, places, jardins) au réseau de l'infrastructure et aux fonctions, en raison de leur évolution au cours du temps.
3. La notion de "valeur universelle exceptionnelle"
Les différents éléments du patrimoine mondial se caractérisent par leur spécificité et leur diversité qui reflètent les valeurs de chaque culture et de chaque région. Le concept de "valeur universelle" désigne de véritables/authentiques exemples du patrimoine de différentes cultures, en tant que parties intégrantes du patrimoine universel de l'humanité. La définition de la "valeur universelle exceptionnelle" d'un site du patrimoine doit donc se fonder sur une étude comparative critique qui prenne en compte le phénomène culturel concerné. Etant donné la complexité et la diversité du patrimoine dans les différentes cultures, il existe une grande variété de sources d'information à prendre en compte. On doit donc définir l'authenticité à partir d'une évaluation critique de chaque site, en tenant compte de sa spécificité et des paramètres pertinents.
4. Conclusion
Dans le cadre de la Convention du patrimoine mondial, le meilleur moyen de parvenir à sauvegarder le patrimoine culturel et naturel d'une valeur universelle exceptionnelle serait de coordonner les différentes activités selon un processus stratégique intégré. La notion d'authenticité, en continuelle évolution, est un facteur essentiel de qualification et un élément fondamental de la conservation moderne du patrimoine culturel. On peut associer à ce concept la notion d'intégrité, lorsqu'il s'agit notamment d'établissements urbains et ruraux historiques ou de paysages du patrimoine. La mise au point de ces facteurs de qualification, en tenant compte de la pluralité des valeurs et de la diversité culturelle, nous permettra d'assurer une représentation plus équilibrée des sites sur la Liste du patrimoine mondial.
WHC-94/CONF.003/INF.6
1994, 12-17 December, 18th Session of the World Heritage Committee
WHC-94/CONF.003/INF.8
1994, 12-17 December, 18th Session of the World Heritage Committee
WHC-94/CONF.003/INF.10
1994, 12-17 December, 18th Session of the World Heritage Committee
WHC-94/CONF.003/INF.13
1994, 12-17 December, 18th Session of the World Heritage Committee
WHC-96/CONF.202/INF.9
1996, 20-30 November, 20th Session of the Bureau of the World Heritage Committee
WHC-98/CONF.203/INF.7
1998, 30 November – 5 December, 22nd Session of the World Heritage Committee
WHC-99/CONF.204/INF.16
1999, 5-10 July, 23rd Session of the Bureau of the World Heritage Committee
WHC-99/CONF.209/INF.14
1999, 30 November–5 December, 23rd Session of the Bureau of the World Heritage Committee
1994, 1-6 November, Nara, Japan [Agency for cultural Affairs, 1995 - ISBN 82-519-1416-7]
1994, 31 January – 2 February, Bergen, Norway [1994 – ISBN: 82-519-1445-0]
1996, 27-30 March, San Antonio, Texas [1999 – ISBN: 0-911697-08-X]
1998, 25-29 March, Amsterdam, The Netherlands [not available]