Le Comité du patrimoine mondial,
- Ayant examiné les documents WHC/23/18.EXT.COM/5 et WHC/23/18.EXT.COM/INF.5,
- Inscrit les Hauts lieux de l'ancien royaume de Saba dans le gouvernorat de Marib, Yémen, sur la Liste du patrimoine mondial selon la procédure d’urgence sur la base des critères (iii) et (iv) ;
- Notant que l'authenticité, l'intégrité, la protection et la gestion du bien ou ses vulnérabilités potentielles n'ont pas pu être pleinement évaluées à ce stade en raison de l'absence d'une mission d'évaluation technique sur le site,
- Adopte la déclaration de valeur universelle exceptionnelle suivante :
Brève synthèseLes Hauts lieux de l’ancien royaume de Saba représentent une période de l’histoire de l’Arabie du Sud qui s’étend du Ier millénaire avant notre ère jusqu’à l’arrivée de l’Islam dans la région vers l’an 630 de notre ère, lorsque les anciens royaumes yéménites se développèrent dans l’environnement difficile et aride de la péninsule arabique et s’épanouirent en s’appuyant sur la Route de l’encens qui reliait l’Arabie du Sud à la Méditerranée, depuis le VIIIe siècle avant notre ère jusqu’au IIIe siècle de notre ère, avant de se soumettre au peuple d’Ḥimyar.
Situés dans le gouvernorat de Marib dans le centre du Yémen, sept sites archéologiques témoignent de la prospérité du royaume de Saba, due à son contrôle du commerce de l'encens dans le sud de l'Arabie, et à ses réalisations architecturales, esthétiques et technologiques qui révèlent une société très complexe dotée d’une administration forte, bien organisée et centralisée, comme en témoignent les nombreuses inscriptions murales historiques.
La richesse et la culture des Sabéens se manifestent clairement dans l’ensemble des deux villes, des temples et des grands systèmes d’irrigation. La capitale ceinte de murailles, Ma’rib, était le centre administratif, culturel et économique du royaume de Saba, tandis que la ville fortifiée de Sirwah, située à quelques quarante kilomètres à l’ouest, en a peut-être été la capitale militaire. Les sanctuaires monumentaux avec propyla des temples de Ḥarūnum, Awām et Bar’ān étaient reliés par une voie processionnelle de pèlerinage, qui attirait les fidèles de toute la péninsule arabique. Le savoir technologique dans le domaine de l’ingénierie hydrologique a permis aux Sabéens de créer la digue de Ma’rib, qui alimentait un système d’irrigation innovant constitué de canaux, qui ont permis la mise en culture de vastes territoires s’étendant au nord et au sud de Ma’rib, considérée comme la plus vaste oasis artificielle de l’Arabie ancienne.
Critère (iii) : Les Hauts lieux de l’ancien royaume de Saba avec l’architecture monumentale et les structures hydrauliques préservées, érigées par les Sabéens démontrent le haut niveau de savoir-faire technologique et de compétence en ingénierie. Ils sont un témoignage exceptionnel de la prospérité du royaume de Saba, qui domina l’Arabie du Sud durant la période comprise entre le VIIIe siècle avant notre ère et le IIIe siècle de notre ère en tant que pouvoir politique et culturel. Ils expriment le statut économique et socio-politique élevé du royaume, qui devait sa prospérité au contrôle du commerce de l’encens, et sa survie dans l’environnement difficile de la péninsule arabique à la création de grandes oasis fondées sur un système d’irrigation sophistiqué lié à la digue de Ma’rib. Les inscriptions murales préservées qui documentent les événements historiques, les occasions religieuses et les décisions administratives offrent un aperçu des principaux domaines de la vie du royaume.
Critère (iv) : Les Hauts lieux de l’ancien royaume de Saba, avec leur architecture monumentale et les diverses avancées technologiques, représentent un exemple exceptionnel d’un ensemble qui témoigne de la tradition culturelle du royaume de Saba, qui contrôla le cœur de la Route de l’encens à travers la péninsule arabique. S’épanouissant dans un paysage semi-aride de vallées, de montagnes et de déserts de l’Arabie du Sud grâce à un système d’irrigation très avancé, le royaume joua un rôle influant parmi les royaumes voisins et dans le réseau plus vaste d’échanges culturels à une époque où les routes commerciales reliaient l’Arabie du Sud à la Méditerranée et à l’Afrique de l’Est. La digue du système d’irrigation de Ma’rib, qui a permis l’agriculture dans ce qui est considéré comme la plus grande oasis artificielle de l’ancienne Arabie, représente le pinacle de l’ingénierie hydrologique dans la région.
Intégrité
Les éléments constitutifs du bien comprennent les attributs nécessaires pour assurer la représentation des caractéristiques et des processus qui traduisent la valeur universelle exceptionnelle du bien. Le tissu physique du bien peut être considéré comme étant très mauvais, certains attributs ayant été gravement endommagés. Compte tenu des menaces existantes liées à la guerre et aux pressions dues au développement, l’intégrité des éléments constitutifs individuels et du bien dans son ensemble peut être considérée comme hautement vulnérable.
Authenticité
L’authenticité des éléments constitutifs individuels et de l’ensemble de la série peut être considérée comme très vulnérable en raison des développements historiques et des menaces contemporaines. Malgré les changements intervenus dans le paysage du bien, associés au développement de la ville moderne de Ma’rib, et l’extension urbaine qui a conduit à la destruction de certaines zones d’intérêt archéologique potentiel, le cadre historique oasien des éléments constitutifs peut cependant être encore perçu. La démolition de l’architecture vernaculaire post-sabéenne, qui reflète les traditions qui font le lien entre la culture préislamique sabéenne et les cultures qui se sont développées dans la zone après l’avènement de l’Islam, et qui constitue une partie du contexte historique du bien, est également préoccupante.
Éléments requis en matière de protection et de gestion
Le matériel archéologique de tous les éléments constitutifs est juridiquement protégé par la loi sur les antiquités N. 21/1994 et ses amendements définis par la loi N. 8/1997. L’ancienne ville de Ma’rib est protégée en tant que ville historique par la loi N. 16/2013. L’autorité juridique des zones comprises entre les limites des éléments constitutifs est mal définie, de même que les mécanismes de protection qui s’appliquent au bien. La base légale des zones tampons, y compris la zone tampon B, n’est pas décrite à ce stade.
La protection et la gestion du bien sont assurées au plus haut niveau par l’Organisation générale des antiquités et des musées, la section de Ma’rib étant responsable du suivi et de l’entretien des éléments constitutifs. L’Organisation générale pour la préservation des villes historiques du Yémen est chargée de la protection et de la gestion de l’ancienne ville de Ma’rib en tant que ville historique. Outre la protection juridique et institutionnelle, les éléments constitutifs bénéficient d’une protection traditionnelle assurée par les tribus locales.
Actuellement, il n’existe aucun plan de gestion du bien en vigueur. Des Orientations pour la conservation et la gestion ont été élaborées afin de guider la gestion et la protection futures des éléments constitutifs. Il n’y a cependant pas d’indication claire sur la manière dont le plan d’action proposé sera mis en œuvre du fait de la situation politique précaire actuelle. Les mesures de gestion des zones tampons, y compris la zone tampon B, n’ont pas été fournies.
- Inscrit également les Hauts lieux de l'ancien royaume de Saba dans le gouvernorat de Marib, Yémen, sur la Liste du patrimoine mondial en péril ;
- Recommande que l’État partie prenne en considération les points suivants de manière urgente :
- inviter, aussitôt que possible, une mission de suivi réactif sur le bien afin de :
- préparer un rapport détaillé sur l’état de conservation,
- évaluer la protection du bien et de ses zones tampons,
- examiner l’efficacité de ses limites,
- établir un État de conservation souhaité et un programme de mesures correctives en vue du retrait du bien de la Liste du patrimoine mondial en péril,
- suspendre la mise en œuvre du plan directeur de 2018 jusqu’à ce qu’une évaluation complète ait été entreprise, au moyen d’une étude d’impact sur le patrimoine, sur ses impacts potentiels sur la valeur universelle exceptionnelle du bien et son cadre environnant puis, sur la base des résultats de l’étude d’impact sur le patrimoine, entreprendre les révisions nécessaires du plan,
- rétablir le financement de la gestion et de la conservation,
- élaborer de toute urgence des plans de préparation aux risques pour chacun des éléments constitutifs afin de lutter contre le vandalisme et le pillage et assurer une protection globale,
- inclure les tribus locales comme gardiens traditionnels des éléments constitutifs dans la gestion et protection du bien afin de garantir l’adhésion des populations locales et prévenir des conflits potentiels,
- étendre les mesures de protection à l’architecture vernaculaire post-sabéenne dans les anciennes villes de Ma’rib et Sirwah dans le cadre de la sauvegarde du contexte historique et traditionnel du bien et impliquer les populations locales dans la protection et la gestion de ces ressources patrimoniales,
- réaliser un inventaire des monuments et des sites sabéens,
- améliorer la coordination des apports provenant des diverses institutions de recherche et agences internationales, afin de s’assurer qu’il n’existe pas de doublon de travaux ou de ressources et de maximiser et soutenir les initiatives visant à renforcer les capacités, la production de connaissances, la protection et la gestion du bien,
- informer le Centre du patrimoine mondial de l’intention d’entreprendre ou d’autoriser tout projet majeur qui pourrait affecter la valeur universelle exceptionnelle du bien, conformément au paragraphe 172 des Orientations;
- inviter, aussitôt que possible, une mission de suivi réactif sur le bien afin de :
- Demande à l’État partie de soumettre au Centre du patrimoine mondial d’ici le 1erfévrier 2024, un rapport sur la mise en œuvre des recommandations susmentionnées pour examen par le Comité du patrimoine mondial à sa 46e session ;
- Décide que le nom du bien soit changé pour devenir « Hauts lieux de l'ancien royaume de Saba, Marib», le gouvernorat de Marib étant une unité administrative actuelle qui ne reflète pas les limites de l’ancien royaume de Saba, il n’est pas nécessaire d’y faire référence dans le nom du bien.