Le Comité du patrimoine mondial,
- Ayant examiné les documents WHC/17/41.COM/8B.Add et WHC/17/41.COM/INF.8B2.Add,
- Inscrit les Paysages de la Dauria, Mongolie, Fédération de Russie, sur la Liste du patrimoine mondial sur la base des critères (ix) et (x);
- Adopte la Déclaration de valeur universelle exceptionnelle suivante :
Brève synthèse
Partagé entre la Mongolie et la Fédération de Russie, les Paysages de la Dauria sont un bien du patrimoine mondial transfrontalier en série formé de quatre éléments constitutifs. C’est un exemple exceptionnel de l’écosystème de la steppe daurienne qui couvre plus d’un million de kilomètres carrés, s’étendant de l’est de la Mongolie à la Sibérie russe et jusque dans le nord‑est de la Chine. Le bien en série a une superficie totale de 912 624 ha et comprend plusieurs aires protégées dans la partie septentrionale de l’écorégion de la steppe daurienne occupant de vastes zones de transition entre la taïga et le désert, y compris différents écosystèmes steppiques. Le bien inscrit comprend les zones centrales et tampons, désignées au plan national, de la majeure partie de la Réserve de biosphère naturelle d’État Daursky et de la vallée du Refuge naturel fédéral Dzeren (Fédération de Russie), ainsi que la zone centrale et une bonne partie de la zone tampon de l’Aire intégralement protégée de Mongol Daguur et du Refuge naturel d’Ugtam (Mongolie). En conséquence, une bonne partie de ce bien est entourée par une zone tampon du patrimoine mondial de 307 317 ha, qui englobe des sites Ramsar et des Réserves de biosphère de l’UNESCO dans les deux pays (Mongol Daguur en Mongolie et les lacs Torrey en Fédération de Russie).
La principale valeur naturelle du bien réside dans ses systèmes steppiques intacts (y compris une steppe boisée), parsemés de prairies humides et de plaines d’inondation, à la convergence de trois provinces floristiques appartenant à trois régions floristiques. Ce contexte écologique exceptionnel aboutit à une combinaison diverse de complexes écologiques nés des variations climatiques cycliques et hydrologiques au fil de l’année. Le bien fournit des habitats clés à des espèces rares de la faune telles que la grue à cou blanc, l’outarde barbue et des millions d’oiseaux migrateurs d’autres espèces, y compris des espèces vulnérables, en danger ou menacées. Le bien est aussi une zone importante de la voie de migration de la gazelle de Daourie (gazelle à queue blanche) et le lieu principal où l’on sait que cette espèce se reproduit de nos jours en Fédération de Russie. Le bien fournit aussi un sanctuaire aux marmottes de Sibérie (Tabargan) en danger, ainsi qu’au chat de Pallas quasi menacé.
Critère (ix) : Les Paysages de la Dauria contiennent de vastes espaces de différents types de steppe relativement non perturbés, allant des prairies aux forêts ainsi que de nombreux lacs et zones humides. Tous ces habitats abritent une diversité d’espèces et de communautés caractéristiques de la partie nord de la vaste écorégion des steppes dauriennes. Les changements climatiques cycliques avec des périodes sèches et humides marquées favorise une grande diversité d’espèces et d’écosystèmes importante au plan mondial qui offre des exemples exceptionnels de processus écologiques et évolutifs en cours. Le bien comprend aussi des habitats naturels clés pour beaucoup d’espèces animales sur leur voie de migration annuelle, certaines se reproduisant aussi dans la région. La grande diversité des écosystèmes, biotopes et de leurs zones de transition, que l’on trouve dans le bien est indicatrice des nombreux processus adaptatifs évolutifs que connaissent les espèces qui vivent dans cet écosystème unique.
Critère (x) : Le bien transfrontalier en série conserve un excellent exemple de la steppe daurienne et de sa faune caractéristique comprenant plusieurs espèces d’oiseaux menacées au plan mondial (la grue à cou blanc, la grue moine, l’oie cygnoïde, la mouette relique, l’outarde barbue et le faucon sacre) et la marmotte de Sibérie en danger. Il sert aussi d’habitat de nidification et de repos essentiel pour les oiseaux qui migrent le long de la voie de migration Asie de l’Est-Australasie et l’on y dénombre jusqu’à trois millions d’oiseaux au printemps et six millions en automne. Le bien offre également des terrains d’hiver d’importance critique et des voies de migration saisonnière transfrontalière à l’emblématique gazelle de Daourie.
Intégrité
Le bien contient des paysages de prairies et de steppe boisée qui ont peu souffert de perturbations anthropiques. On y trouve des sites de reproduction et de repos intacts pour des espèces d’oiseaux migrateurs d’importance internationale ainsi que d’importantes sections des voies de migration de la gazelle de Daourie. Le choix des éléments assure une représentation appropriée de l’éventail de la biodiversité de la steppe daurienne mais il est possible d’étendre encore la série pour inclure d’autres aires protégées importantes. Grâce à ses dimensions, aux faibles pressions humaines et à l’absence d’activités préjudiciables comme l’exploitation minière, le bien est en bon état. Le pâturage, comme le braconnage et les incendies dans une certaine mesure, pourrait affecter l’intégrité du bien mais les pratiques actuelles au moment de l’inscription sont cohérentes avec la valeur universelle exceptionnelle du bien. Les États parties devraient toutefois renforcer leur action et leur coopération à l’avenir, afin de maintenir l’intégrité à long terme du bien et réduire les menaces.
Éléments requis en matière de protection et de gestion
Le bien bénéficie du plus haut niveau de protection accordé par les lois nationales des deux pays sur les Aires spécialement protégées (1994) et sur les Zones tampons (1998) dans le cas de la Mongolie, et sur les Aires spécialement protégées (1995) en Fédération de Russie. Le statut légal de tous les types d’aires protégées qui composent le bien assure, en principe, un régime de conservation approprié pour ce complexe écosystémique unique.
Le bien est aussi un bon exemple de coopération transfrontière au niveau des écosystèmes, partagée entre des institutions gouvernementales, scientifiques et non gouvernementales. Depuis 1994, il fonctionne dans le cadre de l’Accord international sur les aires protégées (DIPA) entre la Chine, la Mongolie et la Russie. Cet accord sert aux États parties de forum où ils peuvent discuter, de façon régulière, de toutes les questions relatives à la protection du bien et à sa gestion, tant au niveau politique qu’opérationnel.
Concernant la chasse et le braconnage, qui pourraient affecter la valeur universelle exceptionnelle du bien, les États parties se sont engagés à établir des « zones de paix » additionnelles et à raccourcir la saison de chasse aux environs du bien. Ils adoptent aussi régulièrement des plans de travail conjoints afin réduire les risques d’incendie et de braconnage, et ont accru leurs capacités avec un appui extérieur d’ONG internationales et de pays étrangers. Les deux pays élaborent des activités de suivi conjointes pour la gazelle de Daourie et les oiseaux migrateurs, dans le cadre du processus DIPA, pour améliorer leurs connaissances et optimiser la gestion des ressources naturelles qui sont des attributs clés de la valeur universelle exceptionnelle du bien. L’engagement envers la protection intégrale du bien contre de possibles menaces provenant de l’exploitation minière et d’autres industries extractives est réel et il sera important de le maintenir à l’avenir. Les lois de Mongolie n’interdisent pas l’exploitation minière dans les zones de protection des Aires spécialement protégées, toutefois, l’État partie de Mongolie s’est engagé à interdire l’exploitation minière à l’intérieur du bien du patrimoine mondial sur la base de la primauté des accords et désignations internationaux.
Les mesures de protection et de gestion sont considérées comme satisfaisant aux obligations du patrimoine mondial au moment de l’inscription, mais il est d’importance critique que les deux États parties continuent de renforcer leur action à long terme pour empêcher les effets négatifs sur le bien de menaces importantes telles que les changements dans l’hydrologie, le changement climatique, la chasse illégale, les pressions de pâturage et les dommages du feu. Ils devraient aussi élaborer des plans de gestion coordonnés au niveau du bien en mettant spécialement l’accent sur les zones tampons, afin de traiter les principaux risques pour la valeur universelle exceptionnelle du bien.
- Demande à l’État partie de Mongolie, conformément à la position du Comité du patrimoine mondial sur l’incompatibilité de l’exploitation minière avec le statut de bien du patrimoine mondial, de garantir qu’aucune activité d’exploration et d’exploitation minières n’aura lieu dans le bien inscrit ;
- Encourage les deux États parties à renforcer leur coordination en matière de gestion transfrontière pour les populations d’espèces sauvages telles que la gazelle de Daourie et les oiseaux migrateurs qui dépendent de la continuité écologique entre les aires protégées composant le bien, et à améliorer leurs capacités coordonnées de prévenir et atténuer les effets de la chasse, du braconnage et d’autres menaces à l’intégrité du bien ;
- Encourage également les deux États parties, et en particulier l’État partie de Mongolie, à augmenter les ressources et capacités attribuées à la gestion des aires protégées à l’intérieur du bien du patrimoine mondial ;
- Félicite les deux États parties pour leur engagement envers la protection de des écosystèmes de la steppe daurienne dans un contexte élargi, et les encourage en outre à envisager, peut‑être conjointement avec la Chine, une expansion future du bien du patrimoine mondial transfrontière afin de couvrir d’autres zones de la steppe boisée ainsi que des habitats d’importance critique pour les oiseaux migrateurs et ceux associés à la migration de la gazelle de Daourie.