Le Comité du patrimoine mondial,
- Ayant examiné les documents WHC/17/41.COM/8B.Add et WHC/17/41.COM/INF.8B1.Add,
- Rappelant la décision 37 COM 7A.32 adoptée à sa 37e session (Phnom Penh, 2013), qui « Demande à l’État partie de soumettre, d’ici le 1er février 2014, une demande de modification importante des limites, pour permettre au monastère de Ghélati de justifier seul le critère »;
- Approuve la modification importante des limites de la Cathédrale de Bagrati et du monastère de Ghélati, Géorgie, d’exclure la Cathédrale de Bagrati, pour devenir Monastère de Ghélati, Géorgie ;
- Adopte la Déclaration de valeur universelle exceptionnelle suivante :
Brève synthèse
En contrebas des versants sud des montagnes du Caucase septentrional, le monastère de Ghélati illustre « l’âge d’or » de la Géorgie médiévale, une période de puissance politique et de croissance économique qui dura pendant le règne du roi David IV « le Constructeur » (1089-1125) et celui de la reine Thamar (1184-1213). David commença la construction du monastère en 1106 près de sa capitale Koutaïssi, sur une colline boisée dominant la rivière Tskaltsitela. L‘église principale fut terminée en 1130, sous le règne de son fils et successeur Demetré. D’autres églises furent ajoutées au monastère tout au long du XIIIe et au début du XIVe siècle. Le monastère est richement décoré de peintures murales du XIIe au XVIIe siècle, et de mosaïques du XIIe siècle dans l’abside de l’église principale, représentant la Vierge à l’Enfant encadrée par des archanges. Sa grande qualité architecturale, sa décoration exceptionnelle, sa taille et sa claire qualité spatiale se conjuguent pour offrir une expression éclatante de l’idiome artistique de l’architecture de l’« âge d’or » géorgien et ses environs pratiquement intacts permettent une compréhension de la fusion intentionnelle entre architecture et paysage.
Ghélati n’était pas simplement un monastère, il s’agissait aussi d’un centre de science et d’éducation, et l’académie installée dans le monastère était l’un des établissements culturels les plus importants de la Géorgie ancienne. Le roi David rassembla dans son académie d’éminents intellectuels, comme Ioané Petritsi, un philosophe néo-platonicien, surtout connu pour ses traductions de Proclus, et Arsène d’Ikalto, un moine érudit dont les traductions d’ouvrages doctrinaux et polémiques furent compilées dans son Dogmatikon, ou livre des enseignements, influencé par l’aristotélisme. Ghélati était aussi doté d’un scriptorium où des moines scribes copiaient des manuscrits (bien que son emplacement ne soit pas connu). Parmi plusieurs livres créés ici, le plus connu est un Évangile du XIIe siècle richement enluminé, qui est conservé au Centre national des manuscrits.
En tant que monastère royal, Ghélati possédait aussi de vastes terres et était richement pourvu en icônes, dont la célèbre icône de la Vierge de Khakhouli montée sur or (qui se trouve maintenant au Musée national géorgien) ; et, à son apogée, il reflétait le pouvoir et la haute culture de la chrétienté orientale.
Critère (iv) : Le monastère de Ghélati est le chef-d’œuvre de l’architecture de « l’âge d’or » de la Géorgie et le meilleur représentant de son style architectural, caractérisé par des façades complètes de grands blocs taillés et polis, les proportions parfaitement équilibrées et la décoration extérieure des arcades aveugles. La principale église du monastère est l’un des exemples les plus importants du type architectural à croix inscrite, qui joua un rôle crucial dans l’architecture des églises chrétiennes orientales à partir du VIIe siècle. Ghélati est un des plus grands monastères orthodoxes médiévaux, qui se distingue par son rapport harmonieux avec son environnement naturel et son concept de planification globale bien pensé.
L’église principale du monastère de Ghélati est le seul monument médiéval existant dans la région historique plus vaste de l’Asie Mineure orientale et du Caucase qui possède encore une décoration avec des mosaïques bien conservées, comparables aux plus belles mosaïques byzantines, et abrite le plus grand ensemble de peintures des périodes méso-byzantine, byzantine tardive et post-byzantine en Géorgie, dont plus de 40 portraits de rois, de reines, de hauts dignitaires ecclésiastiques, et la plus ancienne description des sept conciles œcuméniques.
Intégrité
L’enceinte monastique dans son ensemble est incluse dans le bien et contient tous les principaux édifices du XIIe siècle et ceux ajoutés au XIIIe siècle. Tous les attributs nécessaires pour exprimer la valeur universelle exceptionnelle sont présents et inclus dans la zone du bien. Aucune des caractéristiques originelles importantes du monastère remontant aux XIIe et XIIIe siècles n’a été perdue au fil des siècles, et son environnement paysager demeure largement intact. Tous les bâtiments ne sont pas dans un bon état de conservation.
Il existe certaines pressions dues aux projets de développement, dans la zone tampon et la zone plus large du bien, mais le niveau des menaces est faible et les processus sont actuellement sous contrôle.
Authenticité
Globalement, les formes architecturales, l’organisation spatiale et la décoration traduisent pleinement leur valeur. Pendant longtemps, d’importantes parties des peintures murales sont restées en mauvais état de conservation. Avec la réparation des toitures, le processus de dégradation a été ralenti et des travaux de restauration ont été entrepris, bien que certaines demeurent vulnérables.
Le bâtiment de l’académie, qui était dépourvu de toit en 1994, au moment de son inscription a vu son toit reconstruit avec des matériaux réversibles en 2009. La vaste zone tampon permet d’apprécier pleinement l’harmonie entre le monastère clos et son environnement naturel.
Éléments requis en matière de protection et de gestion
Le monastère de Ghélati est un monument classé d’importance nationale depuis l’époque soviétique et a été inscrit au registre national géorgien des monuments par décret présidentiel en 2006. La zone de protection culturelle a été agrandie au-delà du monastère de Ghélati afin d’englober la zone tampon par un Décret du ministère de la Culture et de la Protection des monuments en 2014. La zone tampon est protégée pour ses monuments, mais également pour ses attributs visuels. Les valeurs naturelles du paysage environnant sont réglementées par le Code forestier de Géorgie, la Loi sur la protection des sols, la Loi sur la protection de l’environnement et la Loi sur l’eau qui constituent le cadre légal de la gestion des forêts et des rivières de la zone. Les demandes concernant les nouvelles constructions ou les reconstructions dans la zone tampon, y compris les travaux d’infrastructure et de terrassement, doivent obtenir l’accord du Conseil de protection du patrimoine culturel, Section des zones protégées du patrimoine culturel et de l’Agence du patrimoine urbain.
Les travaux de conservation sont guidés par le plan directeur de conservation élaboré par le ministère de la Culture, de la Protection des monuments et des Sports de Géorgie en collaboration avec l’Église orthodoxe de Géorgie. Ce plan couvre la conservation des structures bâties, les propositions pour accompagner le renouveau de la vie monastique qui a débuté dans les années 1990 et les besoins de visiteurs. Il est nécessaire de maintenir des ressources adéquates pour des programmes de conservation à long terme. De même, un système de documentation pour tous les travaux de conservation et de restauration et pour les mesures tridimensionnelles et le suivi de la stabilité globale des divers bâtiments du monastère doit être mis en place.
Un mémorandum de collaboration sur des questions relatives au patrimoine culturel entre l’Église orthodoxe apostolique autocéphale de Géorgie et le ministère de la Culture et de la Protection des monuments de Géorgie a été signé pour tous les biens de l’Église. La gestion quotidienne du bien est confiée à la communauté monastique qui vit dans le bien. Les interventions à plus long terme sont mises en œuvre par l’Agence nationale pour la préservation du patrimoine culturel de Géorgie. Son agence locale représentative est le Musée-réserve historique et architectural de Koutaïssi, qui est également responsable de l’accueil des visiteurs.
Le plan de gestion 2017-2021 reflète des contributions de l’Église, et d’organisations gouvernementales concernées et de groupes de communautés, qui étaient engagés dans le processus de consultation. L’objectif est d’élaborer une vision commune du bien. Le plan a été élaboré en harmonie avec le plan directeur pour la conservation, avec la stratégie de développement du tourisme Imereti et avec le plan de gestion de 2014 pour les zones protégées Imereti qui comprennent la vallée et le canyon de la rivière Tskaltsitela dans la zone tampon. Il doit être approuvé pour devenir pleinement opérationnel et exécutoire par les autorités compétentes. Il reste à mettre en place un Comité de gestion du bien et il est nécessaire de fixer les rôles et responsabilités principaux.
- Recommande que l’État partie prenne en considération les points suivants :
- Garantir des ressources adéquates aux programmes à long terme de restauration du tissu du monastère et ses peintures murales,
- Mettre au point un système de documentation clair pour tout travail de conservation et de restauration,
- Mettre en place un système de mesures tridimensionnelles et un suivi pour aider à mieux comprendre la stabilité globale des divers édifices du monastère,
- Approuver et mettre en œuvre la structure de gestion du bien avec des responsabilités claires pour les diverses agences et organisations impliquées dans sa gestion,
- Établir un Comité de coordination pour le bien avec des représentations des principales parties prenantes,
- Mettre en place un mécanisme qui permettra au plan de gestion, ou à une partie du plan, d’avoir une place dans les processus de planification,
- Enregistrer aussi vite que possible les droits de propriété afin d’éviter les conflits fonciers,
- Soumettre le détail complet des propositions pour couvrir les zones archéologiques fouillées jouxtant l’académie ; définir un nouvel aménagement des accès des visiteurs et l’emplacement des nouveaux quartiers d’habitation des moines ainsi que le profil archéologique de cet emplacement, au Centre du patrimoine mondial pour examen par l’ICOMOS le plus tôt possible et avant que des engagements soient pris, conformément au paragraphe 172 des Orientations,
- Étoffer les indicateurs de suivi afin de refléter les attributs de la valeur universelle exceptionnelle ;
- Demande à l’État partie de soumettre au Centre du patrimoine mondial d’ici le 1er décembre 2019 un rapport sur la mise en œuvre des recommandations susmentionnées pour examen par le Comité du patrimoine mondial lors de sa 44e session en 2020.