Le Comité du patrimoine mondial,
- Ayant examiné les documents WHC-15/39.COM/8B et WHC-15/39.COM/INF.8B1,
- Inscrit le Paysage culturel de la forteresse de Diyarbakır et des jardins de l’Hevsel, Turquie, sur la Liste du patrimoine mondial, en tant que paysage culturel, sur la base du critère (iv);
- Prend note de la Déclaration de valeur universelle exceptionnelle provisoire suivante :
Brève synthèse
Le paysage culturel de la forteresse de Diyarbakır et des jardins de l’Hevsel se situe sur un escarpement dans le bassin du cours supérieur du Tigre. La ville fortifiée et son paysage associé furent un important centre et une capitale régionale au cours des périodes hellénistique, romaine, sassanide et byzantine, puis ottomane et islamique jusqu’à aujourd’hui. Le bien comprend les impressionnantes murailles de Diyarbakır longues de 5 800 m – avec leurs nombreuses tours, portes, contreforts et 63 inscriptions datant de différentes périodes historiques ; les jardins fertiles du Hevsel qui relient la ville au fleuve Tigre et approvisionnaient la ville en vivres et en eau. Les remparts, et les traces des dommages qu’ils ont subis mais aussi de leur réparation et renforcement depuis l’époque romaine, présentent un témoignage physique et visuel puissant des nombreuses périodes de l’histoire de la région. Les attributs de ce bien comprennent le tell d’Amida (aussi appelé İçkale ou château intérieur), les remparts de Diyarbakır (aussi appelés Dişkale ou château extérieur), avec leurs tours, portes et inscriptions, les jardins de l’Hevsel, le Tigre et la vallée, et le pont aux Dix Yeux. La possibilité d’embrasser du regard les remparts dans leur environnement urbain et paysager est considérée comme un facteur contributif, de même que les ressources naturelles et hydrologiques qui soutiennent les qualités fonctionnelles et visuelles du bien.
Critère (iv) : Les rares et impressionnants sites de la forteresse de Diyarbakir et des jardins de l’Hevsel associés illustrent de nombreuses périodes historiques de la région, depuis l’époque romaine jusqu’à nos jours, en particulier en ce qui concerne ses vastes remparts et ses portes (incluant de nombreux ajouts et réparations), les inscriptions, les jardins/les champs et le paysage par rapport au Tigre.
Intégrité
Les limites du bien renferment tous les attributs nécessaires pour exprimer la valeur universelle exceptionnelle, incluant l’importance du paysage environnant la forteresse et la proximité du Tigre. Les remparts de la ville illustrent les nombreuses périodes de dommages, réparations et renforcements.
Hormis une partie des remparts démolis en 1930 et quelques exemples de travaux de conservation médiocrement planifiés, exécutés et documentés, effectués au cours des cinquante dernières années, les remparts sont néanmoins intacts et généralement en bon état de conservation. L’état de conservation des jardins de l’Hevsel est adéquat mais vulnérable en raison des installations illégales et des entreprises installées au bas de la citadelle, par des évacuations bouchées et des problèmes de qualité de l’eau et par des barrages sur le fleuve Tigre qui détournent l’eau en amont. Une zone tampon adéquate a été délimitée. Globalement, l’intégrité du bien est considérée comme vulnérable en raison des pressions dues au développement sur le centre-ville et dans les zones à la périphérie du bien et de ses zones tampon.
Authenticité
Bien que les fonctions de la forteresse et des jardins aient changé au fil du temps, le bien a survécu de nombreux siècles et entoure encore clairement le cœur intérieur de la ville historique. Il est encore possible de lire l’importance de ces murs et d’en reconnaître les matériaux, les formes et la conception. Une part importante de l’enceinte de 5,8 km de long constituée de bastions de portes et de tours de la vieille ville rencontre les exigences d’authenticité. Les jardins de l’Hevsel ont également conservé leur relation fonctionnelle et historique avec la ville. Bien que l’authenticité des attributs du bien soit claire, la documentation sur les travaux de restauration doit être améliorée afin de continuer à démontrer l’authenticité des tronçons restaurés.
Eléments requis en matière de protection et de gestion
Les remparts et tours historiques sont protégés par un classement en tant que « site urbain » conformément à la décision du Conseil régional de la conservation du patrimoine culturel et au titre de la loi n° 2863 du Code de la protection des biens culturels et naturels. Le tell d’Amida dans le château intérieur est désigné « site archéologique de première classe », exigeant l’autorisation préalable du Conseil régional de Diyarbakır pour la conservation du patrimoine culturel avant toute nouvelle construction ou intervention physique. Des dispositions particulières visant les remparts, les tours et les portes historiques sont prévues dans le plan de conservation du site urbain de Suriçi ; et une autorisation de la municipalité responsable est requise avant toute nouvelle construction ou intervention physique dans tous les établissements hors les murs de la ville et dans les jardins de l’Hevsel. Toutes les études et fouilles archéologiques réalisées dans ces zones sont suivies et contrôlées par le ministère de la Culture et du Tourisme, Direction du musée de Diyarbakır. La loi n° 2872 sur l’environnement contrôle et administre les activités agricoles dans la vallée du Tigre et les jardins de l’Hevsel. La Direction provinciale de l’alimentation, de l’agriculture et de l’élevage de Diyarbakır, le ministère des Forêts, la Direction provinciale des affaires et des travaux publics hydrauliques de Diyarbakır sont aussi des institutions responsables. En outre, le Conseil de conservation des sols, qui participe aux décisions concernant les jardins de l’Hevsel et la vallée du Tigre, mène des travaux conformément aux « Règlements d’application de la loi sur la conservation et l’occupation des sols ».
Concernant la zone tampon, la protection est assurée par la délivrance de permis administrés par le Conseil régional de Diyarbakır pour la conservation du patrimoine culturel préalablement à toute construction ou intervention physique sur des biens enregistrés dans le quartier historique de Suriçi. Toutes les fouilles et études archéologiques menées dans la zone tampon sont suivies et contrôlées par le ministère de la Culture et du Tourisme, Direction du musée de Diyarbakır. Dans les zones tampons, des autorisations préalables doivent être demandées à la municipalité responsable pour toute nouvelle construction et/ou intervention physique. Ces autorisations devraient être accordées en fonction des dispositions du plan de conservation du quartier de Suriçi, mais il faut noter que les règlements d’urbanisme n’ont qu’un caractère consultatif pour les propriétaires privés et que la coordination avec la gestion du bien au patrimoine mondial n’est pas évidente.
Une protection légale est en place pour les principaux attributs du bien, bien que la coordination de ces dispositions puisse être améliorée, de même que la protection de la zone tampon pourrait être renforcée.
Le paysage culturel de la forteresse de Diyarbakır et des jardins de l’Hevsel est divisé en deux éléments de gestion majeurs, à savoir la forteresse de Diyarbakır d’une part et les jardins de l’Hevsel d’autre part. Afin de développer des politiques adaptées pour ceux-ci, sept zones de mise en œuvre ont été définies – trois d’entre elles concernent la forteresse de Diyarbakır et les quatre autres concernent les jardins de l’Hevsel. La zone tampon à l’intérieur des murs de la ville (Suriçi), est formée de trois zones de planification basées sur des questions de conservation et sur la capacité d’affecter directement la situation/vision des murs de la ville. La zone tampon entourant le bien est divisée en neuf zones chacune basée sur les fonctions économiques et sociales du secteur. La plupart des structures de gestion proposées restent à mettre en œuvre. Le bien sera géré par une Direction de la gestion du site dirigée par un gestionnaire du site nommé par la municipalité. La supervision de la mise en œuvre du plan de gestion sera effectuée par l’Unité de supervision. Le gestionnaire du site sera soutenu par le Conseil consultatif et le Conseil de supervision et de coordination. Le Conseil consultatif sera chargé de la révision du plan et de faire des suggestions sur la révision de la stratégie à moyen terme et du plan de gestion tous les cinq ans. Le Conseil de supervision et de coordination prend des décisions concernant la gestion du site et il est responsable de la mise en œuvre du plan de gestion en fonction des réglementations définies en 2005 conformément à la loi sur la protection des biens culturels et naturels. Le Conseil de supervision et de coordination est soutenu par le Conseil pédagogique – responsable de la formation du personnel ; et le Conseil scientifique – responsable de toutes les activités scientifiques découlant du plan de gestion.
Le système de gestion n’est pas encore entièrement opérationnel et de nombreuses organisations sont impliquées. De ce fait, le fonctionnement global du système de gestion est complexe et pourrait nécessiter une amélioration afin de clarifier les responsabilités. Le plan de gestion du bien est constitué de 6 thèmes qui sont axés sur la restructuration des activités économiques, les processus de conservation (pour le patrimoine matériel et immatériel), les activités de planification, les améliorations administratives et la gestion des risques. La gestion des zones tampons (en particulier en ce qui concerne le quartier de Suriçi) n’est pas encore bien coordonnée avec la gestion du bien.
- Recommande que l’État partie prenne en compte les points suivants :
- renforcer la protection légale de la zone tampon en renforçant les dispositions du plan de conservation du quartier de Suriçi afin de protéger le tissu urbain et de renforcer les mécanismes de prise en compte des impacts sur le patrimoine dans le cadre des processus d’approbation des développements ;
- renforcer la coordination de la protection légale pour le bien et les deux zones tampons ;
- mettre pleinement en œuvre le système de gestion proposé, y compris les structures de gestion, les mécanismes consultatifs et les dispositions en faveur de l’implication des communautés.
- améliorer la présentation du bien ;
- améliorer la base et les procédures scientifiques pour la planification de la restauration et l’entretien des remparts, y compris la documentation relative aux murs et aux travaux entrepris ;
- améliorer la gestion de la végétation et du drainage de l’eau à proximité des murs, en prenant soin d’inventorier les vestiges archéologiques dans les zones où se déroulent des travaux ;
- améliorer encore l’étude et la documentation des jardins de l’Hevsel, et les systèmes agricoles et de gestion de l’eau qui soutiennent l’utilisation continue et l’importance du bien;
- améliorer les indicateurs de suivi ;
- réaliser une étude d’impact sur le patrimoine détaillée conformément au conformément aux orientations de l’ICOMOS sur les études d’impact pour les biens culturels du patrimoine mondial concernant les futurs projets de développement afin de reconnaître les impacts potentiels sur la valeur universelle exceptionnelle du bien à un stade précoce ; et soumettre toutes propositions pour des projets de développement au Comité du patrimoine mondial pour examen, conformément au paragraphe 172 des Orientations;
- Demande à l’État partie de soumettre au Centre du patrimoine mondial, d’ici le 1er décembre 2017, un rapport sur la mise en œuvre des recommandations susmentionnées, pour examen par le Comité du patrimoine mondial à sa 42e session en 2018.