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Dialogue entre Carissa Klein et Neeshad Shafi

50 penseurs pour les 50 prochaines années. Session sur le changement climatique et la préservation du patrimoine

Carissa Klein

Conservationniste et scientifique marin

Neeshad Shafi

Défenseur du climat et expert en énergie et en politique

Vision pour les 50 prochaines années

Dans les 50 prochaines années… nous avons bien plus souvent recours à la science pour venir soutenir les politiques vers une réduction des émissions de carbone et diminuer le niveau de la mer dans l'intérêt de la conservation du patrimoine.

Dans les 50 prochaines années… les jeunes, particulièrement de la région Moyen-Orient – Afrique du Nord, sont bien représentés et soutenus pour continuer à agir face aux problématiques climatiques. Nous reconnaissons le rôle crucial qu'ils jouent dans la préservation du patrimoine et des communautés autochtones face à la pollution provoquée par les industries pétrolière et gazière.

Résumé

Clarissa Klein et Neeshad Shafi se sont concentrés sur la relation entre les problématiques climatiques provoquées par les êtres humains et la conservation du patrimoine. Ils ont tous les deux convenus que réduire les émissions de carbone devraient être une priorité pour préserver le patrimoine. Carissa Klein a souligné l'importance des recherches scientifiques pour mettre au point des politiques fondées sur les faits pour servir les intérêts du patrimoine. Elle a aussi mis en avant que les sites menacés par le changement climatique doivent être pris plus au sérieux. M. Shafi a souligné le pouvoir de la jeunesse dans la région du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord pour mettre fin à la pollution produite par les industries pétrolière et gazière. Il est convaincu que l'UNESCO doit s'assurer que sa voix est entendue, tout en encourageant la jeunesse à participer aux mouvements écologiques pour le patrimoine.

Dialogue

Ma première question a trait à votre rôle impressionnant avec les organisations de jeunes et votre leadership dans ce domaine. Nous savons tous que la jeunesse joue un rôle capital pour résoudre notre crise climatique et améliorer la protection du patrimoine mondial, mais quelles sont vos pensées à cet égard et qu'avez-vous appris en côtoyant les jeunes ? Que pouvons-nous faire pour aider à inspirer les jeunes à être des leaders dans cet espace ?

Il est essentiel que les jeunes jouent un rôle capital dans la crise climatique, ce qu'ils font déjà. Pour moi, en tant que jeune vivant au Moyen-Orient, il est d'importance cruciale que les jeunes de notre région soient aussi bien représentés. Pour ce qui est du patrimoine et des mouvements des jeunes, il faut bien penser que le patrimoine est important pour nombre d'entre eux. Nous avons besoin de sensibiliser encore davantage pour encourager les jeunes à participer. Il est formidable que les mouvements de la jeunesse aient pris en main la lutte climatique contre les industries pétrolière et gazière et pour soutenir les communautés autochtones. Mais le patrimoine devrait aussi être soutenu par l'UNESCO. Je fais aussi partie du comité directeur de l'UNESCO pour la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, c'est donc aussi ma responsabilité.

Je me demande toujours si les enfants d'aujourd'hui grandiront en se disant : « Comment ont-ils pu laisser cela se produire ? Comment les gens ont-ils pu attendre passivement ? ». Nous devons donc faire quelque chose pour empêcher cela.

En tant qu'expert en énergie et politique, quelles sont, selon vous, les politiques clés nécessaires pour réduire les émissions du monde entier à un niveau qui est cohérent avec la protection de la majorité de nos zones du patrimoine mondial ?

Tout particulièrement dans les pays du Moyen-Orient et du Golfe où je vis, le pétrole et le gaz sont les principales sources de revenus, et la décarbonisation devrait, par conséquent, être à l'ordre du jour. De nombreux pays cherchent à atteindre une réduction à zéro des émissions d'ici 2050 et 2060, qui est je pense très optimiste étant donné la forte dépendance de la région à l'industrie du gaz et du pétrole. Parallèlement, les échanges sur la transition doivent aussi se faire dans d'autres pays.

Quelle solution proposez-vous pour instaurer une coexistence harmonieuse entre la protection du patrimoine et des revenus durables ?

La réponse que je vais donner est en lien avec le contexte de l'une des zones du patrimoine mondial les plus précieuses de l'Australie : le Parc marin de la Grande Barrière. Il s'agit de la plus grande étendue de récif corallien et d'un site du patrimoine mondial, mais la menace la plus considérable à son existence est le changement climatique. Uniquement cette saison, la Grande Barrière a connu son quatrième événement le plus important de blanchiment des coraux depuis 2016. Les scientifiques ont déjà mené des études et savent exactement ce qui doit être fait pour la sauver, et nous ne faisons rien. Les scientifiques ont déterminé que limiter le réchauffement à 1,5 °C est un seuil critique, pas uniquement pour la Grande Barrière, mais aussi pour les récifs du monde entier.

Pour que ces zones du patrimoine mondial continuent à exister à l'avenir, nous devons commencer à réduire les émissions dans le monde entier et à descendre à un niveau qui est cohérent avec la protection de notre patrimoine mondial pour nous assurer d'être durables.

Absolument, en tant que scientifique spécialisé en conservation des ressources marines, avez-vous eu une expérience directe sur la façon dont le changement climatique a eu des effets sur l'écosystème marin, par exemple, dans les sites naturels du patrimoine mondial que vous avez référencés en tant que chercheur ?

Je me rends régulièrement dans la Grande Barrière, qui est dans l'État où je vis, et les sites que j'ai visités récemment sont complètement blanchis. C'est comme voir quelque chose mourir. C'est tellement coloré, vivant et magnifique, mais quand ils sont blanchis, vous avez le sentiment que quelque chose ne va pas. C'est incroyablement triste à voir. Nous sommes témoins d'un large blanchissement cette saison et si nous ne faisons rien à propos du changement climatique ici en Australie et dans le monde entier, je crains que ce site du patrimoine mondial ne figure pas dans la liste pendant beaucoup plus longtemps.

Tout à fait. La barrière de corail de l'Australie est connue dans le monde entier et, pour vous, en tant qu'Australienne, et pour moi, en tant que défenseur du climat, nous voudrions assurément la conserver pour les générations à venir.

L'Australie doit faire preuve de leadership dans ce domaine également. Nous sommes un pays qui a la richesse et la capacité d'y faire face, nous savons exactement ce qui doit être fait, mais nous ne le faisons pas. Le gouvernement actuel est en train de considérer une limite à 2 °C alors que nous devons la fixer à 1,5 °C pour sauver la Grande Barrière. Il nous faut donc faire plus.

Au vu de votre parcours, dans quelle mesure avez-vous pu constater que la recherche fondée sur des données peut avoir un impact sur les changements de politique et dans quelle mesure pensez-vous que cela peut aider à apporter ces changements en Australie ou n'importe où dans le monde ?

Les preuves sont claires, les scientifiques ont déjà mené à bien les expériences nécessaires, ils savent que le récif ne peut supporter que 1,5 °C. Si nous continuons à répéter ce message et n'y faisons rien, alors la jeunesse avec qui vous travaillez dira : « Comment n'avez-vous rien fait ? C'était si évident ». Je pense donc qu'il est absolument nécessaire que la science vienne soutenir les politiques. J'espère juste que les décideurs écoutent la science bien que jusqu'à présent ils ne le fassent pas.

J'ai connu de nombreux scientifiques qui ont pris contact avec des activistes et je pense qu'il est nécessaire de le faire puisque parfois nous ne pouvons pas transmettre les connaissances techniques nécessaires de la manière dont les scientifiques le font habituellement.

En tant que femme scientifique, pensez-vous que les jeunes femmes dans les universités aspirent à répondre à ce défi ? Il n'est pas toujours nécessaire d'être activiste, vous pouvez être scientifique pour vraiment aider l'action climatique. Quelle est donc votre opinion s'agissant des scientifiques qui ont l'impression de ne pas être utiles en travaillant depuis un laboratoire ?

J'encourage toujours les jeunes à faire ce qui les inspire et ce qui les fait se sentir bien, et beaucoup d'étudiants viennent dans mon bureau à la recherche d'un diplôme et en pensant à des disciplines de laboratoires très traditionnelles, mais, heureusement, la science de la conservation ce n'est pas cela, c'est une science très appliquée.

Quel lien voyez-vous entre patrimoine naturel et bâti ? C'est-à-dire celui qui est construit naturellement et doit être conservé et les sites fabriqués par les êtres humains qui doivent aussi être conservés et que le changement climatique peut détruire avec une élévation des niveaux de la mer et des événements météorologiques extrêmes. Comment voyez-vous et établissez-vous un lien avec ces sites du patrimoine, qui sont aussi importants pour l'humanité ?

C'est une question vraiment intéressante. J'y réfléchissais précédemment lorsqu'une personne a mentionné l'inondation des sites du patrimoine culturel en raison du changement climatique. Ne serait-ce pas fabuleux si la science avait plus sa place pour pouvoir venir renseigner les scénarios climatiques face auxquels les sites doivent être protégés, comme c'est le cas pour la Grande Barrière ?

Dans certains cas, certains environnements bâtis se trouvent proches d'écosystèmes plus naturels, qui peuvent aider à combattre le changement climatique et à protéger les sites. Un exemple serait un site se trouvant le long de la côte, dont les mangroves, les récifs coralliens ou les prairies sous-marines peuvent interagir de façon à faire office de zone tampon pour les bâtiments et faire face aux effets des tempêtes durant les événements météorologiques plus violents.

L'interaction est tout aussi importante, et il semble que le changement climatique est vraiment un point commun qui a des effets considérables sur de nombreux sites naturels et fabriqués par l'homme. Nous avons besoin de davantage de science pour soutenir ce que nous devons faire en matière de politiques à mettre en place pour la réduction des émissions de carbone et pour protéger ces sites du patrimoine.

En termes de patrimoine naturel, à Doha, nous avons protégé les mangroves et les zones marécageuses, et il est vraiment fascinant de voir que tous les ans, durant la période de ponte des tortues, toutes les plages sont fermées.

J'espère que les sites du patrimoine mondial qui sont menacés en raison du changement climatique soient davantage pris au sérieux à l'avenir. Je sais ce que c'est un point très controversé, mais il a été décidé de ne pas ajouter la Grande Barrière dans la liste des sites du patrimoine mondial en danger, alors que je pense qu'il est vraiment en danger. Si on ne le fait pas figurer dans cette liste, alors je crains que nos gouvernements n'agissent jamais, j'espère donc uniquement que les politiques à venir soient renforcées dans les 50 prochaines années.

S'agissant des 50 prochaines années pour la sauvegarde du patrimoine, je pense que nous avons besoin de disposer d'une équipe spéciale composée de jeunes gens qui œuvrent à protéger le patrimoine naturel et bâti, qui sont les symboles de l'existence de l'humanité et des merveilles naturelles. Je pense que ces jeunes devraient être formés par les conservateurs et les biologistes marins, comme le Dr Klein, qui leur donnera un appui de première main sur la façon de protéger ces régions. Il y aura ensuite des polices de proximité dans le monde entier pour protéger ces écosystèmes naturels, les jeunes jouant un rôle essentiel.

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Cinq sessions de dialogue couvrant cinq thèmes ont lieu en 2022, chacune étant rejointe par des penseurs de diverses régions pour dialoguer en binôme. Ces dialogues interdisciplinaires inspirent de nouvelles visions pour les 50 prochaines années du patrimoine mondial.

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