Cité préhispanique de Teotihuacan

Pression du développement urbain dans les régions qui entourent le site.

Une mission de suivi réactif conjointe UNESCO-ICOMOS a été envoyée à Teotihuacan à la suite de la publication d’innombrables articles de journaux et de la réception de nombreuses lettres d’organisations et de citoyens au 2^nd semestre 2004 concernant la construction d’un supermarché à proximité du site du patrimoine mondial et en particulier des multiples allégations des diverses parties, allant de la destruction d’importantes découvertes archéologiques sans la présence d’un archéologue à l’autorisation donnée aux promoteurs de Wal-Mart de passer outre certaines étapes de la procédure de demande de permis. L’objectif de la mission était de vérifier ces accusations et d’évaluer l’impact du supermarché sur le site du patrimoine mondial. La mission était composée du professeur Giorgio Lombardi, architecte italien spécialiste de la conservation, et de Monsieur Michael Romero Taylor, archéologue des États-Unis, qui se sont rendus sur le site du 28 novembre au 4 décembre 2004.

Le supermarché Wal-Mart est à 2,4 kilomètres au sud-ouest de la pyramide du Soleil, l’élément architectural le plus célèbre de Teotihuacan. La Zona de Monumentos Arquelogicos de Teotihuacan, zone archéologique établie en 1988 par décret présidentiel, comprend trois secteurs :

la zone A est l’élément central des monuments architecturaux et comprend les pyramides. La totalité de ce terrain est la propriété du gouvernement fédéral et est administrée par l’Instituto Nacional de Antropología e Historia (INAH) ;

la zone B entoure la zone A et comprend un mélange de terrains privés et fédéraux. Aucune nouvelle construction par des propriétaires privés n’est autorisée dans la zone B. La zone B contient d’importants vestiges archéologiques, notamment le site archéologique domestique de La Ventilla récemment exhumé, qui est actuellement la propriété de l’INAH. La Ventilla est destiné à être ouvert au public d’ici quelques années ;

la zone C (également dite « area de proteccion  general ») englobe les terrains adjacents et situés à l’ouest et au sud-ouest de la zone B ; elle comprend la ville historique de San Juan de Teotihuacan, avec de vastes espaces libres en grande partie utilisés à des fins agricoles. Les nouvelles constructions sont autorisées dans la zone C, sous réserve de respecter certaines prescriptions architecturales et archéologiques définies par l’INAH. Le magasin Wal-Mart est situé dans la zone C, à quelques mètres de la limite avec la zone B.

Après avoir visité le site, examiné les pièces justificatives et interrogé des professionnels directement concernés, notamment des archéologues, la mission est parvenue aux conclusions suivantes.

La construction du supermarché Wal-Mart dans la zone C du site archéologique de Teotihuacan n’altère pas le tissu du bien du patrimoine mondial. Toutefois, l’intégrité visuelle du site et de son cadre pourrait être compromise, ce qui nuit aux valeurs symboliques qui lui sont attachées. Les exigences archéologiques prescrites par l’Instituto Nacional de Antropología e Historia (INAH) avant la construction du supermarché limitaient de façon satisfaisante les impacts sur la zone où se déroulaient les activités de construction. Aucuns vestiges archéologiques majeurs n’ont été détruits pendant la construction du supermarché. Les recherches archéologiques effectuées l’ont été à l’aide de techniques conformes aux normes en usage. En s’appuyant sur les dossiers étudiés, la mission UNESCO-ICOMOS a pu établir que des archéologues étaient présents pendant les activités de construction du magasin.

Les exigences de l’INAH concernant l’apparence physique du supermarché limitaient également de façon satisfaisante les impacts visuels du bâtiment sur les environs et sur le site archéologique de Teotihuacan. Ces exigences, stipulées dans une lettre de l’INAH datée du 28 mai 2004, étaient notamment (sans que cette liste soit exhaustive) : la plantation de végétation pour mieux cacher le nouveau bâtiment ; les couleurs imposées pour que le bâtiment se fonde dans l’environnement ; des restrictions de taille (volume et hauteur ) du bâtiment, afin qu’il ne domine pas le centre historique voisin de San Juan de Teotihuacan (qui est passé de 15 000 habitants en 1984 à 56 000 aujourd’hui). Du haut de la pyramide du Soleil, le supermarché est visible dans le paysage, mais n’est pas vraiment gênant. Le caractère visible du supermarché depuis les pyramides varie et dépend de l’heure, de l’humidité de l’air et de la quantité de polluants présents dans l’atmosphère.

Cependant, les impacts indirects de la construction du supermarché et des nouveaux aménagements prévisibles dans la région doivent être mieux évalués et planifiés, afin que les effets cumulés de ces aménagements (c’est-à-dire sur le paysage culturel, les gisements archéologiques, etc., qui sont des attributs essentiels pour définir l’importance du site archéologique) n’aient pas d’effets néfastes sur l’intégrité du site archéologique de Teotihuacan.

Afin d’aborder, de planifier et de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour préserver et protéger le site du patrimoine mondial et afin de répondre aux besoins des communautés environnantes liées au site, il faut élaborer un plan de gestion intégré du site archéologique. Le plan intitulé  Programa de Manejo, Zona de Monumentos Archeologicos de Teotihuacan produit par l’INAH en novembre 2004 est considéré par la mission UNESCO/ICOMOS comme n’étant qu’un début, une ébauche de plan de gestion à long terme. Il est recommandé qu’un plan soit élaboré et mis en œuvre avec la participation de la population locale, notamment des particuliers, des entreprises, des organisations, des administrations publiques locales et nationales. Il doit définir un échéancier pour la mise en œuvre de mesures spécifiques, indiquer quelles seront les personnes responsables et comment les mesures seront mises en œuvre. Il est recommandé de créer une commission comprenant des représentants des différentes entités susmentionnées pour d’une part guider l’élaboration et la mise en œuvre du plan et d’autre part formuler des recommandations pour les demandes spécifiques de nouveaux aménagements et constructions.

En guise d’évaluation finale, la mission UNESCO-ICOMOS a conclu que du point de vue technico-administratif, le projet Wal-Mart paraissait conforme ; mais il a certainement un impact négatif sur la valeur symbolique de Teotihuacán. Pour cette raison, la mission a appelé à une réflexion sur les liens entre la valeur symbolique de tous les sites du patrimoine mondial et l’aménagement du territoire sur lequel ils sont situés ; ce qui, autrement dit, pose la question cruciale de comment assurer la conservation du site et respecter son caractère symbolique tout en répondant aux besoins des habitants. A cet égard, la mission a de nouveau fortement insisté sur la nécessité d’un plan de gestion complet pour le site archéologique et les environs de Teotihuacán, afin de réglementer les initiatives futures.