Faites une recherche à travers les informations du Centre du patrimoine mondial.

Administration
Assistance internationale
Budget
Communauté
Communication
Conservation
Convention du patrimoine mondial
Credibilité de la Liste du ...
Inscriptions sur la Liste du ...
Liste du patrimoine mondial en péril
Listes indicatives
Mécanisme de suivi renforcé
Méthodes et outils de travail
Orientations
Partenariats
Rapport périodique
Rapports
Renforcement des capacités
Valeur universelle exceptionnelle








Décision 42 COM 8B.12
Parc national de Chiribiquete – « La Maloca du jaguar » (Colombie)

Le Comité du patrimoine mondial,

  1. Ayant examiné les documents WHC/18/42.COM/8B, WHC/18/42.COM/INF.8B1 et WHC/18/42.COM/ INF.8B2,
  2. Rappelant la décision 29 COM 8B.3 adoptée à sa 29e session (Durban, 2005),
  3. Inscrit le Parc national de Chiribiquete – « La Maloca du jaguar », Colombie, sur la Liste du patrimoine mondial sur la base des critères (iii), (ix) et (x);
  4. Adopte la Déclaration de valeur universelle exceptionnelle suivante :

    Brève synthèse

    Le Parc national de Chiribiquete – « La Maloca du jaguar » se trouve dans la forêt pluviale amazonienne, au centre‑sud de la Colombie. Depuis son agrandissement en 2013, c’est le plus grand parc national de Colombie. Il couvre une superficie de 2 782 354 hectares, ce qui est très grand au regard des normes mondiales pour les aires protégées. Situé à l’extrémité occidentale du bouclier guyanais, il contient l’une des trois seules zones relevées du bouclier, portant le nom de plateau de Chiribiquete. Une des caractéristiques fondamentales les plus impressionnantes de Chiribiquete est la présence de nombreux tepuis, des montagnes tabulaires que l’on ne trouve que sur le bouclier guyanais, remarquables pour leur taux d’endémisme élevé. Les tepuis que l’on trouve dans Chiribiquete, même s’ils sont plus petits que les autres tepuis du bouclier guyanais, n’en offrent pas moins un paysage spectaculaire rehaussé par la nature reculée et inaccessible de la région. Le caractère extrêmement sauvage du bien est une de ses valeurs les plus remarquables et en fait l’une des régions de nature vierge les plus importantes du monde.

    Près de 75 000 images rupestres ont été inventoriées sur les parois de 60 abris-sous-roche, qui bordent le pied de tepuis. Les scènes représentées sont interprétées comme des chasses, des batailles, des danses et des cérémonies, le tout lié à un supposé culte du jaguar, symbole de pouvoir et de fécondité. De telles pratiques seraient le reflet d’un système cohérent de croyances sacrées et millénaires, organisant et expliquant les relations entre le cosmos, la nature et l’homme. Les sites archéologiques seraient encore aujourd’hui visités par des groupes autochtones non contactés.

    Chiribiquete abrite de nombreuses espèces emblématiques, notamment le jaguar, le puma, le tapir du Brésil, la loutre géante, le hurleur roux et le lagotriche commun. Le bien possède un taux d’endémisme élevé et le nombre d’espèces endémiques pourrait fortement augmenter lorsque de nouveaux programmes de recherche auront été lancés.  

    L’importance mondiale du bien pour la conservation de la biodiversité est illustrée par le fait qu’il est considéré comme un centre de diversité végétale, une zone importante pour la conservation des oiseaux, une zone d’oiseaux endémiques, une zone clé de la biodiversité et que c’est le seul site qui protège une des écorégions terrestres de forêts inondées portant le nom de « Purus Varze » que le WWF international considère d’importance critique et en danger. Les valeurs de biodiversité du bien sont intimement liées aux valeurs culturelles et archéologiques importantes qui sont étroitement associées aux croyances et aux valeurs spirituelles des peuples autochtones vivant à l’intérieur du bien.

    Critère (iii) : Les sites d’art rupestres de Chiribiquete apportent un témoignage exceptionnel par le nombre important d’abris-sous-roche peints bordant le pied de formations rocheuses rares en tepuis, par la diversité des motifs, souvent réalistes, et enfin par la profondeur chronologique et la persistance jusqu’à nos jours de la fréquentation supposée des lieux par des communautés isolées. Les premiers habitants d’Amazonie ont exercé leur art sur les parois rocheuses de Chiribiquete, et ces peintures constituent un témoignage exceptionnel de leur vision du monde. Chiribiquete est aujourd’hui encore considéré comme de nature mythique par plusieurs groupes, et est désigné comme étant la « Grande Maison des Animaux ».

    Critère (ix) : Le bien, en raison de son emplacement unique entre deux refuges du Pléistocène (Napo et Imeri) et de sa fonction en tant que corridor entre trois provinces biogéographiques (Orénoque, Guyanes et Amazonie), abrite des espèces uniques présentant des adaptations particulières qui seraient le résultat de l’isolement géographique. Il est situé dans le Centre de diversité végétale de la région Chiribiquete-Araracuara-Cahuinari et a été identifié comme une lacune. Le bien englobe entièrement la Serranía de Chiribiquete, qui est considérée comme l’une des aires protégées les plus irremplaçables du monde pour la conservation des espèces de mammifères, d’oiseaux et d’amphibiens. Le bien se trouve dans un contexte biogéographique unique où les processus d’évolution ont façonné la grande diversité floristique et faunique. Il présente une mosaïque de paysages essentiellement guyanais et amazoniens où l’on trouve une grande diversité d’habitats uniques, d’importance vitale pour la survie des plantes et des animaux caractéristiques du bien.

    Critère (x) : Bien qu’il y ait eu peu de travaux de recherche scientifique sur ce bien, les données disponibles montrent que 2939 espèces ont été recensées. On compte notamment 1801 espèces de plantes vasculaires, 82 espèces de mammifères (y compris 58 espèces de chauves-souris et une espèce de chauve‑souris nouvelle pour la science), ainsi qu’un certain nombre d’espèces menacées au plan mondial telles que la loutre géante, le tamanoir, le tapir du Brésil, le lagotriche commun et le jaguar, 60 espèces de reptiles, 57 espèces d’amphibiens, 492 espèces et sous‑espèces d’oiseaux (y compris une nouvelle espèce endémique de colibri, l’émeraude d’Olivares), 238 espèces de poissons et 209 espèces de papillons (y compris, à ce jour, au moins 6 nouvelles espèces éventuelles). Le nombre d’espèces, y compris les espèces endémiques (21 espèces endémiques recensées) augmentera très probablement à l’avenir, à mesure que d’autres expéditions scientifiques seront entreprises.   

    Intégrité

    Le parc national de Chiribiquete comprend tous les éléments nécessaires à l’expression de sa valeur universelle exceptionnelle et est d’une taille appropriée pour préserver de manière satisfaisante les conditions d’intégrité. L’isolement de ces sites difficiles d’accès et les interdits culturels régissant l’accès et la réalisation des peintures garantissent la représentation complète des caractéristiques et processus qui traduisent l’importance du bien.

    Le bien englobe le Parc national naturel de la Serranía de Chiribiquete qui comprend 13 types géomorphologiquement distincts de tepuis ainsi que des arches, des labyrinthes, des grottes et des failles structurelles de plus de 10 mètres de large qui contribuent tous à la richesse de la biodiversité du bien. Toutes ces formes de relief sont intactes de même que les forêts et les systèmes hydrographiques du voisinage.

    Le bien est exceptionnellement vaste et offre un refuge adéquat à de nombreuses espèces et habitats. Les limites ont été tracées de manière à inclure la vaste majorité des tepuis et d’autres formes de relief importantes. Le parc national a été agrandi en 2013 pour inclure des territoires qui assurent une connectivité additionnelle avec les Andes au nord, et avec l’Orénoque à l’est.

    Le bien est remarquablement bien préservé et en excellent état. Aucune infrastructure n'est construite ou planifiée. Il y a deux menaces principales : celles qui ont trait à la garantie du respect des droits des tribus non contactées vivant en isolement volontaire et celles qui ont trait à la perte des habitats, de la biodiversité et de la connectivité. Le tourisme et les expéditions scientifiques posent une menace potentielle pour les droits à l’autodétermination, au territoire et à la culture des tribus non contactées. Les menaces potentielles touchant les valeurs naturelles du bien sont la perte de l’habitat par empiètement agricole ; toutefois, ces menaces touchent essentiellement la zone tampon et font l’objet de programmes de gestion actifs. Une suspension temporaire des licences minières dans la zone tampon a été adoptée et devrait être maintenue à long terme pour éviter cette menace indirecte. Certains petits secteurs du bien ont servi occasionnellement à l’agriculture illégale qui est aujourd’hui totalement éradiquée. Actuellement, il n’y a pas de tourisme autorisé à l’intérieur du bien et il importe de contrôler strictement tout accès touristique.

    Authenticité

    Les sites d’art rupestre sont authentiques en termes de situation et de cadre, de culture immatérielle, d’esprit et d’impression, de matériaux, de forme et de conception. L’attribution chronologique des peintures et l’affirmation d’une séquence d’art rupestre continue demanderont à être confirmées, mais cela ne signifie pas que l’art rupestre lui-même ne soit pas authentique, seulement que l’interprétation pose question.

    Éléments requis en matière de protection et de gestion

    Le parc national de Chiribiquete est légalement protégé par le gouvernement colombien, en tant que parc national classé en 1989. Le bien est administré par le Réseau des parcs naturels nationaux. L'autorité responsable de la gestion des sites archéologiques est l’Institut colombien d'anthropologie et d'histoire. La zone tampon est entièrement constituée de réserves indigènes et de la réserve forestière amazonienne. Les zones entourant l’aire protégée correspondent à une zone de réserve forestière de type A où l’exploitation minière est interdite. Même s’il n’existe pas de menace directe sur le bien lui‑même, les menaces sont considérables dans la zone tampon car l’agriculture et la construction de routes s’approchent de plus en plus de ses limites.

    Les communautés locales, dont les territoires se situent dans la zone tampon, sont encore basées sur des formes traditionnelles d’organisation, ces formes qui ont garanti au fil du temps la protection et la conservation du bien. Pour assurer la conservation des sites archéologiques, leur suivi est basé sur les paramètres d'intervention minimale et la sauvegarde de la transmission des savoirs ancestraux. Des mesures juridiques importantes ont été prises pour protéger les communautés autochtones isolées de la région. La gestion du bien inclut un respect des pratiques coutumières en matière d’accès au bien, tel que défini par la Direction de la région amazonienne dans les scénarios de gestion pour les aires protégées des parcs naturels nationaux.

    Le plan de gestion, développé par le Réseau des parcs naturels nationaux de la Colombie, est en place pour la période 2016-2020. Le plan comprend des dispositions sur les activités de gestion requises pour différentes zones d’occupation des sols et décrit les résultats attendus de ces mesures pour la conservation de la biodiversité. Le zonage du parc dépend du décret 622 de 1977 qui établit six zones distinctes pour tous les parcs nationaux naturels. Deux aspects sont considérés prioritaires. Le premier est le chevauchement du parc national de Chiribiquete avec des territoires non reconnus comme réserves. Le second est le chevauchement avec des territoires non contactés ou en isolement volontaire. Étant donné qu’il n’y a pas de pressions directes à l’intérieur du bien, une bonne partie de la gestion est mise en œuvre dans la zone tampon par le Réseau des parcs nationaux et l’Institut colombien d'anthropologie et d'histoire.

    Globalement, la gestion du bien est organisée avec efficacité et jouit d’une bonne capacité de planification et de fonctionnement. Les activités de patrouille et de protection sont soutenues activement par l’armée qui a joué un rôle essentiel pendant de nombreuses années en aidant à repérer et éradiquer les plantations illégales de coca à l’intérieur du bien et dans la zone tampon. Les efforts devraient être orientés vers le maintien de la bonne coopération établie avec l’armée ou prévoir des possibilités de reproduire ce niveau de protection par d’autres moyens si la présence militaire devait changer. Le financement de soutien à la gestion du bien résulte d’une combinaison de ressources financières et humaines fournies par l’État partie et il est également soutenu par des projets internationaux. En conséquence, le niveau actuel des ressources financières est considéré suffisant pour appliquer les dispositions essentielles du plan de gestion relatives à la conservation de la nature et doit être maintenu. Toutefois, les ressources financières et humaines disponibles dédiées aux activités de gestion, au développement de l’infrastructure et à l’acquisition d’équipement pour les patrouilles et autres mesures de gestion devraient être accrues après l’inscription. De nouveaux défis, par exemple liés au développement du tourisme, pourraient se poser après l’inscription du bien et nécessiteront une attention continue et de nouveaux investissements.

  5. Félicite l’État partie pour son engagement envers la conservation de ce bien et pour les efforts déployés pour réviser les propositions précédentes afin de soumettre une proposition d’inscription plus complète et plus convaincante ;
  6. Demande à l’État partie de :
    1. augmenter l’appui financier requis pour la gestion effective du bien,
    2. poursuivre les prospections archéologiques, l’inventaire et la documentation des sites d’art rupestre à l'intérieur des limites du bien ainsi que dans la zone tampon, et d’utiliser les « Priorités et lignes stratégiques pour la recherche archéologique et ethnographique », élaborées par l’Institut colombien d’anthropologie et d’histoire, comme base pour le suivi et la conservation du bien, notamment pour la préparation d’un inventaire plus détaillé des sites archéologiques,
    3. maintenir et d’améliorer les règlements existants et les activités de gestion pour contrôler le développement agricole, le déboisement et la construction de routes dans la zone tampon qui pourraient, si elles ne sont pas gérées correctement, devenir de graves menaces pour l’intégrité du bien,
    4. soutenir le développement de projets de valorisation du patrimoine naturel et culturel dans la zone tampon, comme proposé dans le plan de gestion,
    5. entreprendre une étude socio-économique de base pour évaluer les besoins des communautés locales situées dans la zone tampon,
    6. appliquer rigoureusement les mesures préventives en place afin de prévenir les contacts possibles entre les communautés locales non autochtones ou d’autres personnes extérieures et les membres des communautés isolées non contactées ;
  7. Accueille favorablement l’appui fourni par les donateurs et les agences de développement internationaux pour la protection et la gestion du bien et les encourage à maintenir et, si possible, renforcer ce soutien pour contribuer à la gestion et à la gouvernance efficaces du bien.
Code de la Décision
42 COM 8B.12
Thèmes
Inscriptions sur la Liste du patrimoine mondial
États Parties 1
Année
2018
Documents
WHC/18/42.COM/18
Décisions adoptées lors de la 42e session du Comité du patrimoine mondial (Manama, 2018)
Contexte de la Décision
WHC-18/42.COM/8B
WHC-18/42.COM/INF.8B1
WHC-18/42.COM/INF.8B2
top