Alors que les conflits continuent d’infliger des dommages, en grande partie intentionnels, aux sites du patrimoine, la reconstruction est aujourd’hui un sujet de discussion incontournable. Le recouvrement, la réhabilitation et la reconstruction des sites endommagés sont des processus complexes qui vont au-delà de l’authenticité et de l’intégrité.

Comme l’explique l’architecte Jad Tabet dans son article d’introduction à ce numéro de Patrimoine Mondial, « Personne ne pouvait alors imaginer que le siècle qui s’annonçait connaîtrait, dès ses premières années, un nouveau cycle de violences qui allait se propager depuis l’Afghanistan et l’Iraq jusqu’au Mali, la Libye, la Syrie et le Yémen, pour mener le monde à cet état de guerre latente généralisé que nous connaissons aujourd’hui ».

La formulation de solides orientations est désormais urgente pour traiter certaines questions telles que le recouvrement, en prenant en compte la nécessité de soutenir les communautés locales affectées. Des réunions d’experts ont été organisées dans ce sens par le Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO, l’ICCROM et l’ICOMOS, et plusieurs séminaires se déroulent actuellement dans diverses universités afin d’élaborer des plans d’action réfléchis et efficaces. Par ailleurs, l’UNESCO est en train de préparer, en partenariat avec la Banque mondiale, un « Livre blanc » sur la reconstruction des villes après un conflit ou une catastrophe naturelle

majeure.

Les projets de reconstruction de sites du patrimoine mondial doivent également tenir compte de la valeur universelle exceptionnelle de chaque bien, c’est-à-dire de la raison qui a justifié l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial, mais dans le contexte d’une vision de recouvrement plus large qui réponde aussi bien aux enjeux socio-économiques qu’aux besoins des communautés locales. Les solutions doivent promouvoir la réconciliation sans toutefois réécrire l’histoire.

Ce numéro s’intéresse aux cas de destruction intentionnelle des sites en Syrie, ainsi que des Bouddhas de la vallée de Bâmiyân, en Afghanistan. Nous examinons les effets dévastateurs de ces actes sur les communautés locales et sur leur identité, ainsi que les implications de différentes approches en matière de reconstruction. Nous nous penchons également sur les réussites accomplies à Tombouctou (Mali), où les tombeaux détruits en 2012 ont été reconstruits avec succès, et à Mostar (Bosnie-Herzégovine), où le pont reconstruit est devenu pour les communautés un symbole de persévérance et d’unité. Nous avons aussi le plaisir de vous présenter un entretien avec l’experte en patrimoine Christina Cameron, qui traite du concept de la reconstruction dans le cadre de la Convention du patrimoine mondial, et explore les conséquences affectives et psychologiques sur les communautés affectées.

Pour aller de l’avant, le Comité du patrimoine mondial continuera à soutenir l’élaboration et la diffusion d’orientations en matière de reconstruction, afin de répondre aux défis multiformes qu’il nous faut relever. Le Comité continuera également de proposer des solutions alternatives, comme des expositions ou des projections virtuelles, pour satisfaire les besoins des communautés et les aider à préserver et à exprimer leur identité sans nuire à l’authenticité de ce qu’il reste. De nouvelles questions devront aussi être abordées, comme la commémoration des pertes et le souvenir des membres de la communauté et des gestionnaires de sites qui ont péri pour défendre notre patrimoine commun.

Je voudrais saisir cette occasion pour remercier chaleureusement Francesco Bandarin, Sous-Directeur général pour la culture, qui quitte l’UNESCO après 15 ans de service et qui a grandement contribué à la sauvegarde du patrimoine mondial dans le monde. Je souhaite également exprimer ma gratitude à Vesna Vujicic-Lugassy, notre rédactrice en chef depuis la création de ce magazine en mai 1996, pour son engagement et ses efforts afin d’élargir la popularité de cette publication au monde entier.

Mechtild Rössler
Directrice du Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO

Patrimoine Mondial exprime sa gratitude à Nada Al Hassan, Chef de l’Unité des États arabes au Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO, pour sa contribution à la préparation de ce numéro.

Patrimoine mondial et reconstruction
In Focus

Reconstruire à l’âge de la globalisation

La conception traditionnelle du patrimoine urbain, axée principalement sur les aspects physiques, architecturaux et urbains, ne permet plus la mise en oeuvre de stratégies de conservation adéquates. Il nous faut désormais imaginer de nouvelles approches qui intègrent les notions de contexte socio-économique et de développement durable ainsi que les facteurs liés aux représentations sociales et culturelles et au patrimoine immatériel.

La reconstruction du Vieux pont de Mostar

La destruction du Vieux pont de Mostar (Bosnie-Herzégovine), le 9 novembre 1993, marqua le début d’une nouvelle ère en matière d’approche du patrimoine.

Reconstruction du patrimoine syrien : repenser le passé et l’avenir

La reconstruction post-conflit des monuments et des sites historiques touchés nécessite de nombreuses réflexions préparatoires, à la fois systématiques et théoriques.

Les Bouddhas de Bâmiyân : La question de la reconstruction

De nombreux débats furent menés, tant au niveau national qu’international, sur la reconstruction potentielle des statues détruites des Bouddhas de Bâmiyân (Afghanistan).

Reconstruction des mausolées de Tombouctou : le rôle des communautés locales

L’expérience de reconstruction des mausolées détruits à Tombouctou est un cas d’école, en ce sens qu’elle a mis au cœur du processus le principe d’appropriation locale indispensable et incontournable pour envisager toute reconstruction d’un bien du patrimoine mondial détruit, et pour assurer sa conservation efficace et durable après sa reconstruction.

La reconstruction, une bonne option pour conserver les architectures en terre ?

La reconstruction d’un bâti peut présenter de nombreux avantages, à condition de disposer

d’une documentation suffisante et des moyens humains, matériels et financiers pour se

lancer dans une telle opération.

Les nouvelles technologies sont-elles l’avenir de la reconstruction ?

Les nouvelles technologies, comme la modélisation et les impressions en 3D, sont aujourd’hui

un moyen de plus en plus utile pour préserver la mémoire des sites, endommagés ou détruits

par les conflits armés et les catastrophes naturelles, à défaut de pouvoir conserver les

structures originales.

Forum

Entretien

Entretien avec Christina Cameron, professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada

en patrimoine bâti, Université de Montréal.

Organisations consultatives

Comment l’ICOMOS favorise la discussion sur la reconstruction en tant que processus dynamique.

Conventions

64 villes rejoignent le Réseau des villes créatives de l’UNESCO ; Les membres du Groupe de liaison sur les conventions relatives à la biodiversité (GLB) se réunissent.

Nouvelles

Préservation

Appel au renforcement de la coopération durant l’Assemblée générale de Blue Shield ; Des experts géorgiens invités par l’UNESCO ; Anniversaire des peuples autochtones ; Application de la Convention au Maghreb ; Rencontre des gestionnaires de sites marins du Pacifique tropical oriental ; Le nouveau rapport Horizon du patrimoine mondial 2 de l’UICN dresse un tableau des perspectives pour les sites naturels ; Lutte contre le commerce illégal des poissons totoaba et du vaquita ; Mission de suivi réactif sur l’île Wrangel ; Journée de surveillance de Pavlopetri ; Sauvegarde du patrimoine dans le Pacifique.

Sites en péril

Réunion d’experts à Alep ; La restauration du Lion d’Al-Lât, statue de la cité antique de Palmyre endommagée par Daesh, est terminée.

Promotion

L’exposition « Récifs coralliens du patrimoine mondial de l’UNESCO » à Paris ; Des jeunes de PEID des Caraïbes et d’Amérique centrale élaborent des guides touristiques pour le Parc national de Coiba au Panama ; L’UNESCO et ses partenaires résistent au nettoyage culturel et à l’extrémisme violent; L’UNESCO s’associe à Seabourn ; Signature d’un partenariat entre l’UNESCO et la Principauté de Monaco en faveur du patrimoine marin.