Faites une recherche à travers les informations du Centre du patrimoine mondial.

Ancien port d’embarquement des esclaves de Loango

Date de soumission : 12/06/2008
Critères: (vi)
Catégorie : Culturel
Soumis par :
Ministère de la culture et des arts
État, province ou région :
Département de Kouilou; Sous-préfecture d'Hinda
Ref.: 5373
Avertissement

Les Listes indicatives des États parties sont publiées par le Centre du patrimoine mondial sur son site Internet et/ou dans les documents de travail afin de garantir la transparence et un accès aux informations et de faciliter l'harmonisation des Listes indicatives au niveau régional et sur le plan thématique.

Le contenu de chaque Liste indicative relève de la responsabilité exclusive de l'État partie concerné. La publication des Listes indicatives ne saurait être interprétée comme exprimant une prise de position de la part du Comité du patrimoine mondial, du Centre du patrimoine mondial ou du Secrétariat de l'UNESCO concernant le statut juridique d'un pays, d'un territoire, d'une ville, d'une zone ou de leurs frontières.

Les noms des biens figurent dans la langue dans laquelle les États parties les ont soumis.

Description

L’Ancien port d’embarquement des esclaves de Loango, surplombé par l’ancienne lagune Tchibete (en voie de disparition), est situé dans la sous-préfecture de Hinda dans le département du Kouilou. Il est limité au Sud-est par la Pointe indienne, au Sud et au Sud-ouest par l'océan Atlantique, au Nord-ouest par le village Matombi et au Nord-est par le village Diosso, ancien Bwali capitale du Royaume de Loango, ancien quartier administratif du même royaume.

Certains accords commerciaux des esclaves se traitaient à Diosso chez le Mâ Loango (roi)  et d’autres l’étaient sur le site même. Le port de Loango  fut le carrefour de tous les esclaves qui venaient d'une partie du golfe de Guinée. Il a vu embarquer plus de 2 millions d’esclaves venus des zones qui constituent aujourd’hui le Tchad, l’Angola, le sud du Gabon et la République Démocratique du Congo et l’actuel territoire de la République du Congo. Toutes les tribus des zones concernées ont été impliquées dans le commerce des esclaves. Les esclaves qui avaient des scarifications sur leur visage n'étaient pas acceptés par les négriers. En fait les esclavagistes ou négriers craignaient que ceux-ci ne se reconnaissent culturellement à travers ces scarifications qui sont des traits culturels distinctifs ayant des vertus thérapeutiques et identitaires. Les conséquences  de la déportation furent entre autres, le déracinement culturel. De même, le roi Mâ Loango ne vendait pas les membres de sa cour. La végétation herbacée est dominée par des arbres de petite taille, avec un sol sablonneux influencé par le climat marin.  

Le port de Loango possède encore des vestiges qui traduisent le passage de ces millions d’esclaves :

  • La stèle qui est la place symbolique du départ des caravanes est en même temps le grand marché de toutes les transactions ;
  • Les trois manguiers qui servaient de comptoirs avant le rituel autour de l’arbre de l’oubli. Les esclaves enchaînés, faisaient 7 tours de l’arbre de l’oubli pour les femmes ou les jeunes filles, 9 tours pour les hommes. Et l’arbre de retour qui symbolisait un éventuel retour de l’esprit du défunt au pays (à Loango) une fois mort ;
  • Le débarcadère qui était une vasière, reste représenté par une portion qui résiste aux érosions marines. En effet, la baie de Loango, peu profonde, ne permettait pas aux bateaux d’accoster. Ils attendaient à 30 km de la rive. 

Par ailleurs, le site de Loango est un grand ensemble qui prend en compte le village de Diosso où se trouve le Musée Mâ Loango (ancien quartier administratif du royaume), la baie et bien d’autres aspects. Le site de l'Ancien port d'embarquement des esclaves à Loango fait l'objet d'une protection traditionnelle assurée par l’Association des sages de Bwali. Cette protection sera renforcée par un classement national à l'issue de la signature, très prochaine de l'arrêté portant création de la liste du patrimoine national immobilier. Le site est géré par la Direction du Patrimoine et du Développement Culturel. Un gestionnaire du site a été nommé par le Ministre de la Culture et des Arts. 

Justification de la Valeur Universelle Exceptionnelle

L’ancien port d’embarquement des esclaves de Loango est l’un des plus importants sites du golfe de Guinée par lequel des millions d’esclaves ont été embarqués dans des bateaux et transportés directement pour les Amériques sans escales intermédiaires. Ce site qui a englouti des millions d’âmes perdues dans les horizons dévoreur de l’océan atlantique, possède toujours tous les témoins de ce commerce inhumain qui a conduit à l’un des plus grands génocides de l’humanité : le grand marché, les trois manguiers, l’arbre pour le rituel de l’oubli et celui pour le retour ainsi que  le débarcadère en témoignent. En outre, ce site de par sa charge historique, est également le lieu où se pratiquent encore plusieurs rites d’intronisation et de funérailles de rois du royaume de Loango. L’importance culturelle de ce site est également perceptible à travers les complaintes toujours fredonnées par les habitants restés sur le lieu du sinistre, rappelant la nostalgie des parents qui restent à attendre les êtres chers arrachés à leur affection et qu’ils ne reverront plus jamais. Ainsi, l’ancien port d’embarquement devenu véritable sanctuaire de par sa charge historique est un maillon clé pour la compréhension de l’histoire de l’esclavage.

Déclarations d’authenticité et/ou d’intégrité

L'ancien port d'embarquement de Loango possède à ce jour les principaux vestiges qui témoignent  encore de l'importance de ce site comme principal point d'embarquement de millions d'esclaves en Afrique centrale. Cependant, il convient de signaler deux menaces qui, à terme pourraient conduire à la disparition de ces vestiges si des mesures urgentes ne sont pas prises. Il s'agit, notamment :

  • de l'érosion marine dont les effets négatifs sont déjà perceptibles sur toute la baie de Loango et plus particulièrement sur le cimetière historique dont les deux tiers ont été emportés; 
  • de la pression foncière qui se traduit par l'occupation anarchique et illégale du site;
  • des projets de développement qui pourraient affecter l'intégrité du site s'ils se multiplient.

Il faut tout de même signaler la volonté politique du gouvernement congolais à lutter contre l'érosion marine, à travers l'initiative du ministère des transports maritimes et de la marine marchande qui a initié le projet intitulé "Préservation et protection de l'environnement marin et côtier et du domaine public maritime". Afin de garantir l'intégrité du site, un décret présidentiel institue le site en zone de mise en défens. Ce décret est renforcé par un autre décret présidentiel instituant le comité national de la Route des esclaves.

Comparaison avec d’autres biens similaires

Le site du port d’embarquement de Loango peut être comparé à la route de l’esclave d’Ouidah, inscrit sur la liste indicative du Bénin. Sa spécificité réside dans le fait que :

  • lieu de rencontre des routes des esclaves de l’Angola, du Gabon, de la République Démocratique du Congo et de l’intérieur du Congo Brazzaville ;
  • contrairement à la zone de Ouidah, on y trouve encore des vestiges liés à ce qui se  passait sur ce site. Ces vestiges restent et demeurent visibles jusqu’à nos jours (les pistes de non retour et la piste de Brazzaville, la vasière, les trois manguiers qui servaient de comptoir de vente des esclaves) ;
  • le nom de Loango est jusqu’à ce jour chanté aux Amériques ;
  • bien des noms des personnes, des rites et autres traits culturels bantu, sont encore visibles dans bien des pays destinataires des esclaves partis de ce port (aux Antilles par exemple).
top