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Dialogue entre Alfred Brownell et Fatemah Alzelzela

50 penseurs pour les 50 prochaines années. Session sur le changement climatique et la préservation du patrimoine

Fatemah Alzelzela

Jeune leader climatique et fondatrice du projet Eco Star

Alfred Brownell

Militant écologiste et avocat

Vision pour les 50 prochaines années

Dans 50 ans... Suffisamment d’investissements seront réalisés dans le domaine de la recherche, des études, des technologies et dans le développement durable. Partout dans le monde, les acteurs de la protection du patrimoine, détiendront la clef pour atteindre une neutralité carbone (Net Zero) et seront financièrement soutenus.

Dans 50 ans... Les communautés autochtones seront les premiers acteurs face au désastre climatique. Leur forme de résilience - la « résilience communautaire » - inspirera de nouvelles pratiques innovantes, qui permettront d’atténuer la crise climatique.

Résumé

Le dialogue entre Fatemah Alzelzela et Alfred Brownell a porté sur les thèmes des communautés autochtones et leurs vulnérabilités. Fatemah et Alfred partagent la même vision pour dire que les phénomènes naturels portent considérablement atteinte au patrimoine. Cette atteinte est souvent durement ressentie par les communautés autochtones, qui pourtant ont une empreinte écologique très faible et vivent en harmonie avec la nature. Alfred a souligné l’importance du rôle des communautés autochtones comme gardiennes du patrimoine. Fatemah, quant-à-elle, a averti que les biens du patrimoine mondial subissent déjà de sérieux dégâts structurels physiques et biologiques, causés par l’accélération des processus d’érosion. Alfred a lui, mis l’accent sur l'importance stratégique que les plates-formes mondiales peuvent avoir, afin de tirer les enseignements des mécanismes de résilience, propres aux cultures autochtones, telles celles organisées par l'UNESCO.

Dialogue

Je voudrais vous remercier de nous accueillir aujourd'hui et m’excuser pour mon manque de voix. En effet, nous subissons ici d'intenses tempêtes de sable dû au changement climatique : il n’est même plus possible de respirer à l’extérieur et ce n’est pas normal.

Je voudrais vous remercier de nous accueillir aujourd'hui et m’excuser pour mon manque de voix. En effet, nous subissons ici d'intenses tempêtes de sable dû au changement climatique : il n’est même plus possible de respirer à l’extérieur et ce n’est pas normal !

C'est un honneur d'être ici parmi vous et un privilège de discuter d'un sujet d'avenir, qui concerne les jeunes, même si ce sont les adultes qui ont créé ce désordre. Malheureusement, ce sont nos enfants qui vont devoir faire le ménage.

Ma réponse portera sur la communauté avec laquelle j'ai travaillé : les populations autochtones. De l'Afrique à l'Amérique du Sud en passant par l'Asie du Sud-Est et l'Australie, les peuples autochtones sont présents dans plus de 20% des terres à travers le monde.

Actuellement, la plupart des terres vierges, en particulier les paysages forestiers, sont gérés et occupés par des populations autochtones. Ainsi, lorsque le changement climatique et ses phénomènes se déchaînent - tels que les inondations, les sécheresses, l'érosion des gouffres – les populations autochtones sont les premières concernées. Cela affecte aussi bien leurs moyens que leur économie de subsistance, mais aussi leur santé, leur bien-être, leur culture et leur histoire. Tout cela est balayé. Vous comprenez donc que dans un contexte, où les crises climatiques sont de plus en plus régulières. Ces populations sont pénalisées car les inondations emportent champs, cultures et bétail : tout est perdu ! Ils perdent leurs maisons et deviennent extrêmement vulnérables.

Les communautés locales sont donc les premières à subir l'impact de la crise climatique, même si elles n'en sont pas responsables. Cela pose de sérieuses questions éthiques. Le patrimoine mondial doit donc protéger ces populations les plus vulnérables, celles qui préservent notre culture, nos paysages, notre histoire et nos traditions. Il est maintenant temps de repenser la manière de préserver ces régions aussi bien sur le plan politique que juridique, afin d'offrir une protection aux plus vulnérables. Ainsi, lorsque les inondations, les sécheresses, les ouragans et les incendies de forêt menacent ces communautés, il faut qu’il existe au préalable un cadre juridique pour les protéger.

J'apprécie la façon dont vous comprenez et défendez la communauté locale.

D’ailleurs, nous ne parlons pas souvent de l'idée de résilience communautaire, fortement en lien avec la préservation du patrimoine mondial.

Dans de nombreuses parties du monde, nous avons des communautés et des individus appartenant aux peuples autochtones qui sont affectés par la crise climatique. Ils sont ce que j'appelle des "pare-feu". C’est-à-dire qu’ils sont aussi les instigateurs de ce qui va se passer dans le reste de leur pays et dans le monde.

Dans de nombreuses parties du monde, ils sont les premiers à réagir sur place, avant même que le gouvernement ou que la communauté internationale n'intervienne. En effet, ils ont une résilience interne que nous ne reconnaissons que rarement. Par exemple, leur fonctionnement sociétal est un atout pour mutuellement s’entraider, afin de s'assurer que les impacts négatifs soient minimisés : ce qui permet notamment de trouver rapidement une solution, sans ressources financières ou services tertiaires en particulier.

Avant même que les premiers secours n'arrivent, dites-moi qui fournit dans l’urgence un logement, de la nourriture, un appui économique, des soins, l'attention médicale, ou bien même le soutien psychologique ? Moi je vais vous leur dire, cela est dispensé par les communautés autochtones.

Les organisations internationales y prêtent rarement attention. L'UNESCO devrait commencer à s'intéresser à la résilience durable des communautés autochtones qui sans cesse, continuent de répondre à la crise climatique. Ceci est important pour le patrimoine, car ces mesures de résilience, d'adaptation et d'atténuation sont construites au sein même de ces communautés et de leur histoire.

Si nous n'y prêtons pas attention et nous n'innovons pas, le reste du monde va irrémédiablement perdre tout ce savoir et toute cette culture ancestrale.

Comment donc, entre des individus d’âges et de générations différentes pouvons-nous transmettre aux générations futures ce que nos ancêtres nous ont donné et ce malgré les défis générationnels ?

Le patrimoine culturel est extrêmement exposé aux désastreux effets causés par les aléas naturelles, liés au changement climatique. Cela inclut les fortes pluies, les inondations, les tempêtes de sables. Il faut donc prendre en considération le fait que le patrimoine mondial est soumis aux interactions avec les milieux environnants qui influencent les processus d'altération du patrimoine. Ceci est le principal défi de notre époque. Nous continuons de détériorer et de polluer si vite notre environnement avec les émissions de gaz à effet de serre que nous sommes paradoxalement si lents à adopter des solutions.

Malheureusement, nous ne disposons pas des technologies, des investissements et des économies nécessaires pour résoudre ce problème. La majorité des gouvernements ont convenu qu'il était impossible de complètement surmonter le changement climatique. Notamment car cela signifierait de devoir tout changer dès maintenant. A l’inverse, Net-zéro et l’adaptation au changement climatique sont de faits bien plus réalistes.

Le changement climatique a un grand impact sur les sites du patrimoine culturel. Ils sont structurellement affectés par des mécanismes dégradation que cela soit sur aussi bien sur le plan physique que biologique. Par exemple, la ville de Venise s'enfonce, et disparait à cause de l'élévation du niveau de la mer. Cela me brise le cœur de dire que cela se produit également dans de nombreux autres pays du monde, y compris mon propre pays, le Koweït.

Donc pour répondre à votre question - ce dont nous avons besoin, c'est de plus d'investissements soutenables que cela soit dans la recherche ou dans les technologies durables. Nous devons nous donner les moyens financiers et en particulier à ceux qui travaillent pour la préservation du patrimoine mondial.

Vous savez que cela est en effet très important.

Nous savons qu'en ce qui concerne la crise climatique, le monde est sur le point de bascule. Nous savons qu'il y a une extinction massive à cause de la crise climatique. Ce dont en revanche nous n'avons pas entendu parler, c'est de l'extinction massive de la culture - l'extinction massive de la tradition, l'extinction massive des religions à cause de la crise climatique. Nous avons une crise de l'histoire, une crise de la culture, une crise du patrimoine dans toutes les régions du monde. Nous sommes face à un patrimoine en crise d’héritage. Je pense que le monde a besoin d'avoir cette discussion.

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Cinq sessions de dialogue couvrant cinq thèmes ont lieu en 2022, chacune étant rejointe par des penseurs de diverses régions pour dialoguer en binôme. Ces dialogues interdisciplinaires inspirent de nouvelles visions pour les 50 prochaines années du patrimoine mondial.

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