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Saint-Honorat, Île monastique de l’archipel de Lérins à Cannes

Date of Submission: 21/07/2022
Criteria: (v)(vi)
Category: Cultural
Submitted by:
Délégation permanente de la France auprès de l’Unesco
State, Province or Region:
Provence-Alpes-Côte d’Azur, Alpes-Maritimes
Coordinates: N43 30 27.35 E7 02 45.74
Ref.: 6618
Disclaimer

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Property names are listed in the language in which they have been submitted by the State Party

Description

L’île monastique de l’archipel de Lérins, Saint-Honorat, est située au large de Cannes, dans le sud-est de la France. Par ses vestiges et les éléments remarquables des différentes étapes de son histoire, elle atteste de manière exceptionnelle de la tradition religieuse et culturelle d’un espace insulaire, de l’Antiquité tardive à nos jours.

Foyer spirituel chrétien depuis le début du Ve siècle, l’île Saint-Honorat a conservé les témoignages culturels de nombreuses générations de moines qui s’y sont succédées. L’abbaye témoigne aujourd’hui d’une triple tradition : celle d’Honorat, son fondateur, et du monachisme primitif en Occident, celle de la règle de saint Benoît et du monachisme bénédictin, qui ont marqué profondément l’architecture des bâtiments, et celle de la tradition cistercienne depuis la deuxième moitié du XIXe siècle.

Il s’agit du seul établissement monastique insulaire d’Occident maintenu en activité à travers de multiples refondations du début du Ve siècle jusqu’à nos jours. Il représente un exemple éminent pour l’humanité des évolutions du monachisme sur 1 600 ans de pratiques et de transformations qui se traduisent à travers les monuments qui occupent l’ensemble de l’espace insulaire (critère v).

Les moines qui composaient au Ve siècle la communauté de Lérins nous ont fait parvenir une série cohérente de textes qui permettent aux spécialistes d’évoquer une « littérature lérinienne ». Certains de leurs auteurs ont participé aux grands débats théologiques à une époque où l’Église chrétienne fixait sa doctrine, notamment celle de la grâce ; leurs écrits fondateurs de la tradition monastique latine continuent aujourd’hui d’alimenter la spiritualité chrétienne (critère vi).

Justification of Outstanding Universal Value

L’île Saint-Honorat est l’un des plus anciens sites monastiques d’Occident caractérisé par son insularité, et l’un des plus renommés par le rayonnement des nombreux saints et évêques qui en sont issus et le patrimoine littéraire qu’ils ont produit. C’est aussi le seul monastère insulaire de l’époque tardo-antique resté en activité, à travers plusieurs refondations et un phénomène de sacralisation de son territoire qui font de cette île-monument un témoin exceptionnel des grandes traditions du monachisme en Occident, de ses origines à nos jours.

Critère (v) : L’île saint Honorat, un exemple éminent pour l’humanité des transformations du monachisme sur 1600 ans de pratiques.

Les historiens s’accordent pour placer la fondation du monastère de Lérins dans les années 400-410. Il s’agit de l’une des toutes premières installations monastiques en Occident. Le choix d’espaces insulaires pour mener une vie ascétique fait écho, dans le monde occidental, aux déserts des moines orientaux. Plusieurs textes de la fin du IVe et du Ve siècle évoquent ces expériences influencées par le mouvement érémitique apparu un siècle plus tôt en Égypte, en Syrie et en Palestine. Lérins se veut dès lors un pont lancé entre l’Orient et l’Occident. Vers 427, Eucher, qui vécut sur l’archipel lérinien, évoque dans son Éloge du désert, « ces saints vieillards qui, en habitant des cellules séparées, ont introduit les Pères d’Égypte dans notre Gaule ». Progressivement, les ascètes mettent en place sur l’île une véritable communauté.

L’histoire des débuts du monachisme sur l’île est connue grâce à de nombreux textes dont des récits hagiographiques et des homélies. Des découvertes archéologiques exceptionnelles sur le site de la chapelle Saint-Sauveur ont apporté récemment un éclairage important sur cette époque : on y a en effet, mis au jour un oratoire du Ve siècle associé à ce qui peut être interprété comme la cellule de l’un des premiers ascètes de l’île. Au VIe siècle, le site de Saint-Sauveur se transforme et revêt une fonction funéraire, autour d’une tombe monumentale dotée d’un conduit à libation, le seul découvert en contexte monastique en Occident.

Après diverses crises, Lérins connaît une renaissance à partir de la fin du Xe sous l’impulsion de la grande abbaye de Cluny. Dès lors se met en place une organisation qui témoigne du mouvement d’expansion de l’ordre bénédictin durant le Moyen Âge. Les moines possèdent alors des terres, des droits, des seigneuries sur le continent. De cette période, l’île a gardé des témoignages de grande qualité des nouveaux cadres de la vie monastique, en particulier l’organisation autour du cloître qui se met en place au XIe siècle : cette structure monumentale romane a été préservée au cours des siècles et constitue encore aujourd’hui le cadre de vie de la communauté qui réside sur l’île.

À la fin du XIe siècle, les moines, soutenus par la papauté, entreprennent également la construction d’une tour refuge destinée à se replier en cas d’attaques. Elle va être absorbée à la fin XVe siècle dans un bâtiment très original qui n’a pas d’équivalent connu : une tour-monastère, regroupant verticalement toutes les fonctions de la vie cénobitique, avec un cloître sur deux niveaux, chapelles intérieures, réfectoire et dortoir pour les moines, chambre pour l’abbé, réserves et citerne. La tour-monastère de Lérins constitue donc à l’échelle mondiale le seul ensemble fortifié compact intégrant un programme monastique complet.

Au XIXe siècle, l’installation des cisterciens s’accompagne d’une nouvelle organisation monastique originale qui s’ancre profondément dans les héritages pluriséculaires à travers la préservation et la restauration des monuments en place tout en engageant un important projet qui, par son écriture architecturale, témoigne des nouvelles conceptions de la vie monastique.

Ainsi, l’île Saint-Honorat, qualifiée d’« île sainte » dans l’Antiquité tardive et d’« île sacrée » à la fin du Moyen Âge, reste le seul monastère insulaire occidental qui se soit maintenu du Ve siècle jusqu’à nos jours. Les interruptions et les reprises de la vie religieuse, la fortification de l’île et des espaces monastiques eux-mêmes témoignent d’une longue histoire dont les différents temps se sont cristallisés en couches monumentales successives dont la plupart ont été préservées, témoignant non seulement de la durée exceptionnelle d’occupation du site, mais aussi de la force des traditions et des mémoires qui y ont été cultivées

Critère (vi) : Un rayonnement intellectuel exceptionnel illustrant l’histoire du monachisme depuis ses origines.

Des religieux qui composaient au Ve siècle cette communauté nous sont parvenues plusieurs œuvres importantes, à tel point que l’on peut parler d’une littérature proprement lérinienne. L’élite sociale et intellectuelle qu’ils forment participe aux grands débats religieux de leur temps, en particulier sur les questions relatives à la grâce et au libre arbitre, en un moment où se codifie la doctrine de l’Église. Le rayonnement de Lérins se manifeste aussi par la carrière de plusieurs moines comme évêques dans les cités importantes de la Gaule.

Par la suite, le monachisme bénédictin (de l’an 1000 à 1788), a produit plusieurs œuvres artistiques et littéraires exceptionnelles. On peut compter parmi celles-ci la Vida de Sant Honorat poème en langue provençale du troubadour et moine de Lérins Raymond Féraud (v. 1245-v. 1324), rédigé pour être offert à Marie de Hongrie, l’épouse de Charles II, comte de Provence et roi de Sicile. Dès la fin du XVe siècle la présence à Lérins d’abbés commendataires de haut niveau social et culturel, tel Augustin Grimaldi par exemple, contribue à mettre en contact l’abbaye avec les réseaux intellectuels monastiques qui allie érudition monastique et culture humaniste. L’arrivée à Lérins d’un groupe de moines lettrés, parmi lesquels Denis Faucher et son maître Gregorio Cortese, contribue à relancer les études, notamment sur la littérature des origines de Lérins et à insérer l’abbaye dans un réseau d’échanges intellectuels.

Au XIXe siècle, la communauté cistercienne ouvre une imprimerie sur l’île et réalise en 1886, le Magnificat in CL Linguas, un chef-d’œuvre d’imprimerie, tant par la réalisation artistique de l’ouvrage que par la prouesse technique d’avoir imprimé plus de 150 traductions du Magnificat grâce à la collecte des textes et des divers caractères d’imprimerie dans le monde entier.

Devenu ainsi un modèle du monachisme des origines, dont l’« exemplarité » est soulignée par les contemporains, l’établissement de Lérins traversa les siècles, non sans connaître plusieurs crises et quelques désaffectations toujours suivies d’une réoccupation de l’île et d’une restauration de la vie régulière. Ces restaurations successives démontrent la part de symbole des origines que revêt aux yeux de l’Église ce lieu sanctifié. Au-delà, la vie monastique est une tradition qui dépasse largement les frontières du christianisme, ce que manifestent les liens de la communauté actuelle avec des communautés monastiques de tradition bouddhiste.

Statements of authenticity and/or integrity

Intégrité

Le bien proposé pour l’inscription couvre 39 ha, avec une zone tampon de 852 ha. Lérins conserve en totalité tous les attributs incarnant son témoignage exceptionnel de la tradition monastique. Ceux-ci incluent l’église et les éléments architecturaux rajoutées au XIXe s., les parties médiévales, telles que le réfectoire, le cloître, la salle capitulaire, la tour-monastère, ainsi que les chapelles sur le pourtour de l’île datant de l’époque médiévale et restaurées depuis la reprise de la vie monastique sur l’île en 1869. Le bien « Saint-Honorat, l'île monastique de Lérins à Cannes » satisfait ainsi les conditions d’intégrité d’un bien culturel prescrit par les « Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial ». En effet, l’île Saint-Honorat correspond à la fois à une entité géographique, à une entité territoriale et historique très ancienne et à un espace naturel protégé.

Le paysage de l’île Saint-Honorat et du littoral s’est transformé de manière notoire depuis l’Antiquité avec les évolutions de l’abbaye de Lérins. Cependant, les évolutions architecturales et la présence des occupations religieuses continuent à être clairement mises en évidence par plusieurs indicateurs clés, comme la superposition de la répartition spatiale des vestiges archéologiques, qui témoigne des anciennes organisations des populations et de l’occupation du sol.

Les vestiges archéologiques ont fait l’objet de fouilles développées et d’études d’archéologie du bâti qui démontrent l’intégrité du bien et qui témoignent des différentes caractéristiques architecturales du Ve siècle au XIXe siècle. Sur l’espace réduit que constitue l’île Saint-Honorat, le patrimoine religieux est remarquablement riche, varié et bien conservé. Il témoigne de la persistance d’une occupation de la communauté monastique sur la très longue durée.

L’espace insulaire a échappé aux projets de démolition et d’urbanisation. La reconnaissance du caractère exceptionnel du patrimoine de l’île Saint-Honorat remonte au XIXe siècle. Plusieurs mesures de protection ont été prises dans ce sens : la tour-monastère classée monument historique (MH) en 1840 ; les chapelles de la Trinité et Saint-Sauveur classées MH en 1886 ; l’île Saint-Honorat classée au titre des « sites » en 1941. De plus, l’île fait partie du réseau européen Natura 2000. En plus des protections, la réalisation du plan de gestion par la communauté monastique permet également d’assurer la pérennité des édifices et des paysages.

Authenticité

Le patrimoine bâti a été bien préservé dans son état matériel d’origine pour le monastère du XIXe siècle. L’authenticité de l’île Saint-Honorat est attestée de deux manières : d’une part, de nombreuses informations crédibles et objectives (formes et conception architecturales, matériaux, usages et fonctions) confirment l’authenticité des attributs matériels majeurs justifiant la valeur universelle exceptionnelle du bien ; d’autre part, la littérature lérinienne démontre le rayonnement intellectuel de la communauté monastique à l’échelle mondiale.

En effet, de l’antiquité au début du XXIe siècle, elle témoigne du caractère et de l’esprit du lieu et démontre un maintien des traditions dans la communauté monastique actuelle et une continuité culturelle dans l’évocation des premiers moines. Cette présence actuelle de la communauté cistercienne sur l’île, ainsi que la présence d’archives, assurent une authenticité qui, outre celle de l’architecture, s’est étendue aux valeurs originelles spirituelles du lieu, ainsi qu’à ses valeurs initiales de fonction et d’usage.

Ainsi, l’authenticité s’appuie sur des sources matérielles, écrites, orales et figuratives qui permettent d’identifier et de connaître la nature, les spécificités, la signification et l’histoire de l’île. La reconstitution des vestiges archéologiques s’appuie sur une documentation complète et détaillée.

Comparison with other similar properties

A travers le monde, les îles sont souvent considérées comme des espaces sacrés.

Délos, île de naissance des dieux grecs Artémis et Apollon ; Taputapuātea, lieu de cérémonie sur l’île polynésienne sacrée de Raiatea, accessible après de longs trajets sur l’Océan Pacifique, étendue d’eau sacrée par excellence ; multitude des îles asiatiques et des bâtiments aujourd’hui en ruine, vestiges des centaines de temples qui y étaient construits.

Les îles sacrées sont nombreuses mais à l’échelle mondiale, aucune d’entre elles ne rassemble l’ensemble des critères sélectionnés pour l’analyse comparative de Saint-Honorat, notamment la fondation ancienne (tardo-antique), la longue durée d’occupation monastique, un patrimoine monumental et archéologique remarquable attestant de plusieurs phases d’occupation et un rayonnement mondial.

Le monachisme est né en Asie il y a 2 500 ans avec le bouddhisme theravada. Aujourd’hui encore, les monastères bouddhistes sont actifs, notamment en Inde, au Sri Lanka, au Tibet, au Bhoutan, au Népal, en Chine, en Corée, au Japon, au Vietnam, en Birmanie, au Cambodge ou en Indonésie. La pratique s’est souvent développée en symbiose avec les croyances locales, comme au Japon où le bouddhisme s’est mêlé au shintoïsme, ou en Birmanie où le bouddhisme theravada est couplé à des offrandes aux esprits. Cependant, à l’exception des quelques monastères chinois et japonais, aucun site insulaire remarquable n’a été identifié et l’analyse des monastères implantés sur les grandes îles de Java ou du Sri Lanka n’apparaît pas pertinente.

Les temples présents sur les îles naturelles ou artificielles sont le plus souvent inhabités ou en ruines et la dimension monastique en est souvent absente. Certains sont aujourd’hui fréquentés comme des lieux de pèlerinage ou de commémoration (Ensemble de Borobudur, en Indonésie, sur l’île de Java, inscrit en 1991, Neak Pean à Preah Khan au Cambodge), voire uniquement touristiques, et non comme des lieux de vie monastique (Ville sainte d’Anuradhapura, au Sri Lanka, qui ne joue pas de rôle dans le rayonnement du monachisme aujourd’hui) ou bien d’implantation tardive (Majuli, en Inde (XVIIe siècle) sur la liste indicative depuis 2004), voire récente (Monastère de Po Lin sur l’île de Lantau, face à Hong Kong, fondé en 1906).

En Occident, plusieurs fondations commencent dans des îles avant de rejoindre le continent. C’est le cas pour Noirmoutier/Herio, de l’île du Mont-Saint-Michel, fondée au VIIIe siècle. De l’ermitage au monastère, dans tous les cas évoqués, l’île constitue une implantation idéale, étant considérée comme une clôture. L’île est à la fois terre et mer, selon l’expression de Stéphane Lebecq, car l’homme doit affronter pour y accéder la mer et ses embûches. La mer elle-même est comme un désert, avec ses créatures monstrueuses, et l’île un havre. En Bretagne, comme en Irlande et ses grands sites insulaires comme Skellig Michael, n’ont pas donné lieu à des centres monastiques sur la longue durée. Parmi les îles du bassin méditerranéen, avec, en particulier, des sites de Turquie, de Croatie et de France, aucune ne peut être comparé à l’insularité monastique de Saint-Honorat, rassemblant à la fois les critères d’ancienneté de fondation et de permanence d’une occupation religieuse sur le site.

Lérins tient une place tout à fait exceptionnelle dans le paysage monastique en Occident et en Orient. Certaines des premières communautés, évoquées plus haut, attestées par les sources textuelles ou l’archéologie, étaient promises à un grand avenir. Plusieurs d’entre elles se situeront dans un autre sillage que Lérins, partagées, pour ces fondations plus septentrionales, entre Ligugé et Saint-Maurice d’Agaune. Ces dernières, où il existe une continuité d’occupation comme à Lérins, conservent de nombreux témoignages architecturaux et archéologiques illustrant cette continuité. Elles sont pour la plupart situées sur le continent, souvent dans des vallées, et ne présentent nullement un cadre naturel équivalent à Lérins et la possibilité de reconstituer visuellement le cadre de l’installation monastique primitive qui caractérise l’île Saint-Honorat.

Du point de vue historique, après une croissance lente du monachisme en Gaule jusqu’en 400, on observe une accélération sensible durant le Ve siècle et particulièrement importante à partir de 475. Dans ce mouvement, Lérins a été le pivot d’un axe important pour l’adoption de règles. C’est là que l’un des meilleurs spécialistes de ces textes, le père Adalbert de Vogüé, a placé la rédaction des Règles des Pères. Cette situation particulière que Lérins partage avec Marseille et le rôle de Jean Cassien font de l’île l’une des rares portes d’entrée pour comprendre l’implantation monastique en Occident. Cette transmission venant de l’Orient inscrit Lérins et ses îles dans un mouvement de valeurs à portée universelle.

De plus, la tour-monastère fortifiée de Saint-Honorat met à profit l’ensemble des caractéristiques topographiques nécessaires à sa défense. La fortification est installée sur une petite presqu’île ; la mer flanque ainsi trois des côtés du bâtiment où se réfugient les moines, limitant d’autant les possibilités d’une approche ennemie par le seul front nord, avec le soleil dans les yeux. Le réduit défensif est adapté tant à une défense passive — situation côtière, ouvertures sur l’extérieur restreintes, etc. — qu’active et ostentatoire : bossage rustique ostentatoire, embrasures de tir, couronnement général de mâchicoulis, terrasse crénelée avec merlons percés de meurtrières.

Tandis que le système défensif de la majorité des monastères autour du monde, toutes cultures architecturales et religieuses confondues, ceint l’ensemble des complexes monacaux afin de permettre une vie cénobitique inchangée en cas de menace, le monastère fortifié de l’abbaye de Lérins offre un lieu de vie pour une communauté régulière totalement détaché du monastère principal et intégrant dans une structure compacte toutes ses fonctions (cloître, salle capitulaire, dortoir, réfectoire, chauffoir, citerne, etc.). C’est donc pour réduire l’espace à défendre en cas d’attaque que le réduit défensif se recroqueville autour d’une tour de 1 500 m² au sol.

La combinaison entre l’éloignement de la tour-monastère par rapport au monastère-mère, d’une part, le caractère dense, vertical et compact du réduit défensif, d’autre part, confère au monastère de Lérins un caractère unique et exceptionnel.

Ainsi, à partir des critères qui nous ont permis de fixer un cadre et des attributs pertinents pour convoquer les comparaisons mondiales justifiables, est-il permis d’affirmer qu’elle est un unicum absolu dans la série typologique des tours monastiques littorales, puisqu’elle est un monastère fortifié en miniature regroupant derrière l’épaisse carapace bossagée et mâchicollée toutes les fonctions de la vie cénobitique. La tour-monastère de Lérins constitue donc au niveau mondial l’unique ensemble fortifié compact avec programme monastique complet.

Enfin, l’île monastique de Lérins représente le seul établissement monastique insulaire qui se soit maintenu en activité du Ve siècle jusqu’à nos jours. Elle représente un exemple éminent pour l’humanité des transformations du monachisme sur 1600 ans de pratiques.

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