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Habitat troglodytique et le monde des ksour du Sud tunisien

Date of Submission: 10/01/2020
Criteria: (iv)(v)
Category: Cultural
Submitted by:
Délégation permanente de la Tunisie auprès de l'UNESCO
State, Province or Region:
Gouvernorats (préfectures) de Gafsa, Gabès, Médenine et Tataouine
Ref.: 6444
Disclaimer

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Property names are listed in the language in which they have been submitted by the State Party

Description

Habitat troglodytique et le monde des ksour du Sud tunisien est un bien culturel en série qui illustre des formes traditionnelles d'établissement humain et d'utilisation du territoire qui sont représentatifs de modes de vie de communautés autochtones du Sud tunisien et de leur interaction avec un milieu naturel défavorable, voire hostile. Il est constitué de deux grands ensembles qui sont les habitations troglodytiques aménagées dans des grottes creusées à flanc de colline de jebel Sened dans le gouvernorat de Gafsa et les villages troglodytiques avec les demeures excavées en pleine terre dans un sol formé de sable argileux de Matmata et de Tamezret dans le gouvernorat de Gabès, et une sélection représentative de la richesse typologique des greniers collectifs fortifiés appelés couramment ksour (singulier kasr) dans les gouvernorats de Médenine et Tataouine, et qui témoignent d'un mode de vie semi nomade et d'une forme d'organisation sociale traditionnelle fondée sur la solidarité et sur la force des liens tribaux.

Les Amazighe
s du Sud tunisien sont les descendants des communautés autochtones du pays. Leur longue histoire a été occultée pendant longtemps et leur culture marginalisée. Pourtant leur persécution par les envahisseurs successifs et leur attachement à la liberté les ont amenés à trouver refuge dans des régions montagneuses d'accès difficile et à s'adapter à un environnement défavorable, voire hostile. Cette interaction entre l'homme et la nature a généré un mode d'habitat troglodytique qui sans être, unique, ne présente pas moins des caractéristiques et des spécificités qui en constituent l'originalité et lui assurent une grande valeur. Cette interaction et l'organisation sociale ont aussi généré des constructions vernaculaires constituées par les greniers collectifs fortifiés appelés « ksour » (singulier « kasr ») qui servaient à stocker les provisions et les réserves alimentaires en quantité suffisante pour pouvoir affronter les longues périodes de sécheresse. Les ksour ont également assuré la fonction de lieux de rencontre et d'échanges, notamment commerciaux, évoluant peu à peu pour devenir une sorte de place de marché surtout pour les ksour de plaine. L'habitat troglodytique est illustré par une dizaine de grottes creusées dans le flanc sud de Jebel Sened dominant l'oued du même nom qui coule dans la vallée et par les villages amazighs de Matmata et Tamezret qui se caractérisent par les demeures creusées en pleine terre dans un sable argileux compact et friable du quaternaire, et organisées autour d'un vaste puits servant de cour intérieure et autour duquel sont creusées les différentes pièces servant de chambres à coucher, de cuisine, de bergerie et de stockage et qui toutes ouvrent sur la cour. Occupant des sites très diversifiés notamment de crête et au nombre qui avoisine les 150, correspondant à celui des fractions de tribu qui en étaient propriétaires, les ksour peuvent être classés en trois grands types : le kasr citadelle, le kasr de montagne et kasr de plaine. Ils ont été édifiés par des populations semi-nomades à l'organisation sociale fondée sur la solidarité et qui, pendant les moments de danger et de conflits, y trouvaient refuge. Bâti souvent selon un schéma circulaire, un ksar est composé de plusieurs ghorfas (chambres) étagées, ouvrant toutes sur une place centrale. Chaque ghorfa est compartimentée en plusieurs espaces de façon à séparer entre les produits agricoles et les autres « biens familiaux ». De l'extérieur, le mur, sans aucune ouverture à l'exception de la porte d'entrée, se présente avec des hauteurs importantes pouvant atteindre dans certains cas une dizaine de mètres. En plus de leur mode architectural, les ksour se distinguent par leurs matériaux de construction et par leurs qualités de conservation qui en font des silos d'ensilage de très haute performance. Ils ont constitué une réponse aux conditions climatiques marquées surtout par la sécheresse.

Les Grottes de Sened/Gafsa X : 523977.19 ; Y : 3813746.23
Les grottes, au nombre total dépassant la vingtaine, ont été creusées dans les flancs est et sud - est de jebel Eddhahra et ont servi d'habitations de type troglodytique horizontal. Ayant gardé à l'intérieur un aspect naturel et des parois rugueuses, chaque grotte est constituée en général d'une première pièce assez grande pour les activités domestiques courantes et, au fond une seconde pièce plus petite qui sert de chambre à coucher. Les infructuosités dans les parois de la pièce principale étaient utilisées pour le stockage. Bien que la date de leur premier aménagement ne soit pas établie de manière précise, ce type d'habitat semble remonter aux IV-VI s. de l'Hégire (Xe et XIIe s).


Matmata el Guédima (le vieux Matmata) N333242 ; E958685
Accrochée à flanc de montagne, à 600 mètres d'altitude, Matmata el Guédima est caractérisée par un paysage "lunaire" présentant des petites collines creusées verticalement en leurs sommets, ces creux ne sont autres que les patios des habitations troglodytes qui témoignent d'un mode de vie original et illustrent une occupation du sol à caractère rural et dispersé. Dans chaque petite colline est creusée une maison. La demeure est formée d'un puit creusé verticalement utilisé comme une cour sur laquelle ouvrent les différentes grottes creusées dans le rocher et servent de pièces pour les différents usages : chambres à coucher, cuisine, celliers, étable, etc. Dans une région soumise à de très fortes chaleurs durant de nombreux mois par an, l'aménagement de l'habitat en sous-sol permet de faire pénétrer la lumière dans les pièces souterraines tout en y maintenant de la fraîcheur au plus chaud de l’été. On accède à l'intérieur par un couloir souterrain horizontal qui s'amorce un peu en aval dans le flanc de la montagne.

Tamezret N333213; E9515326
Village de crêtes construit sur les quatre versants de l'une des collines les plus élevées des monts des Matmata (480 m d’altitude). Vu de loin, il donne l'impression d'être construit en étages. En fait, le premier noyau est installé sur le sommet de la colline et c'est autour de ce « centre » que sont construites les plus anciennes maisons qui ouvrent sur une rue circulaire, le premier anneau ; au-delà de cette voie s'installent une nouvelle série de maisons ouvrant en contre bas sur une deuxième voie, etc. et ce jusqu'au pied de la colline. Les rues permettent à chacun des quartiers qui sont au nombre de cinq, de circuler et surtout d'accéder soit au sommet où se trouvent la mosquée encore utilisée et l'école coranique aujourd'hui fermés.

Les maisons sont construites même si certaines renferment des grottes artificielles et sont donc mixtes (troglodytes et espaces construits) ; maison à cour avec des chambres donnant sur la cour : des entrées relativement petites et de très rares fenêtres qui quand elles existent sont petites. Deux types de chambres en fonction du toit : la chambre à toit voûté (kamour) et celle à toit plat (tazeqqa) ; cette dernière peut ainsi recevoir une chambre supérieure (tghourfit
) ; toutes les maisons disposent d'une petite pièce qui fait office de cuisine et dès l'entrée de la maison et de chaque côté de l'entrée d'espaces destinés à recevoir les animaux domestiques. Certaines maisons sont dotées d'un four à pain dans la cour. Certaines maisons disposent de chambres troglodytes creusées dans la roche. Le village compte plusieurs marabouts, de nombreux pressoirs à huile dont certains servent encore, une synagogue désaffectée et une mosquée au sommet.

Les ksours

Kasr Sidi Makhlouf N332352 ; E1026329
Datant du 16e s, il se trouve sur une colline près de l'Oued Mjassar dans une zone particulièrement favorable aux activités agricoles. De plan circulaire, il comprend 14 ghorfas disposées sur deux étages.

Ksour Médenine N3320847 ; E1029524
Les premiers ksour de Médenine remontent au 17e s. Ayant atteint un nombre total de 35 à la fin du 19e s comptant plus de 6000 ghorfas disposées sur deux et trois étages, ils ont constitué une agglomération urbaine ksourienne qui était la plus étendue de Tunisie. U
ne bonne partie a été rasée vers le milieu du siècle dernier.

Ksour Om Ettamer N3322138 ; E1026220
Il s’agit d'une agglomération composée de plusieurs ksour dont le plus important est kasr Ouled Abdallah. Il est situé à 3km sur la route de Médenine vers Gabès dans l'endroit le plus élevé, près du marabout de sidi Ahmad Lahjal. De forme recta
ngulaire, il se compose de nombreuses ghorfas sur 3 étages entourant une vaste cour à ciel ouvert.

Kasr El-Hallouf N3317481 ; E1009493
Il se trouve sur un éperon qui domine la vallée de l'Oued Hallouf, avec sa belle situation sur l'oasis près d'une nappe phréatique, exploitée pour l'irrigation de souani (jardins). Ce kasr à 2 étages se compose de 500 ghorfas dont 300 sont en ruine et une centaine restaurée, d'une huilerie et d'habitations
troglodytiques.

Kasr El-Barzalia N3316577 ; E1010224
II est construit sur une butte étroite de forme ovale, limité par un escarpement. C'est un complexe non restauré et partiellement effondré, avec plusieurs voûtes décorées. Composé de 2 étages, il est doté de deux portes et compte 100 ghorfas.

Kasr Jouamaa N3315053 ; E1015488
Il s'agit d'un site défensif, sur un piton escarpé. De forme rectangulaire irrégulière, il se com
pose de 2 étages superposés, avec quelques ghorfas en 3 étages. On dénombre dans ce kasr 180 ghorfas dont 70 sont en ruines, une huilerie traditionnelle et 2 citernes.

Kasr Mrabtine N3301921 ; E1022653
Sur la route de Tataouine vers Ghomrassen, il se trouve sur un éperon près de ruine d'une Qalaa et près d'une mosquée et des ruines d'anciennes huileries aménagées dans des grottes. Il a 180 ghorfas disposées sur 2, 3 même 5 étages.

Kasr Guermassa N3259049 ; E1015117
Guermassa est un village troglodytique qui s'étend sur deux pitons rocheux. Dont l'un est surmonté par un ksar-citadelle. Les habitations sont aménagées dans des grottes creusée
s dans le flanc du piton dans lesquelles on entre par des entrées en chicane. Il domine la plaine d'El ferch et contrôle l' accès vers le parcours du Daher.

Ksar el-FerchN3300394 ; E1020573
Situé à 13 km au nord-ouest de Tataouine dans la plaine d'el-Ferch près de la route de Tataouine vers Ghomrassen. D'une forme trapézoïdale de 230m de large et 250m de long, il compte environ 280 ghorfas dont 72 sur deux niveaux et une huilerie traditionnelle. La cour spacieuse est partiellement occupée par deux rangées de Ghorfas alignées par deux (dos à dos).

Kasr Chenini N3254734 ; E1015727
Il est construit sur un sommet d'un piton et d'une forme linéaire, dominant le village avec s
es habitations troglodytiques. Il se composait autrefois de 200 ghorfas sur 2 étages.

Kasr DouiretN3252135 ; E1017187
Le kasr avec sa forme circulaire, est situé au sommet de la butte-témoin dans une situation défensive de refuge. Au-dessous il y avait les maisons troglodytiques du village. Les ghorfas sont disposées sur 3, 4 et même 5 étages.

Kasr Ouled Debbab N3252176 ; E1022904
C'est un grand grenier collectif à deux cours. De plan irrégulier, il comprend environ 400 ghorfas don
t une partie est disposée en deux étages.

Kasr Béni Barka N3253177 ; E1026047
Datant de l'époque médiévale, le kasr se trouve à 5 km au sud-Est de Tataouine. Il est situé sur une butte imposante de jebel Abiadh, qui lui donne son caractère défensif et imprenable. Il s'agit d'un ensemble formé de plus de 500 ghorfas disposées sur trois et quatre niveaux autour de trois blocs centraux. Le kasr renferme aussi 8 huileries traditionnelles et une mosquée.

Ksar TounketN3252941 ; E1029895
Il est situé sur la route de Tataouine vers Maztouriyya, sur un piton calcaire dur défensif et non loin du kasr se trouvent plusieurs huileries et des habitations troglodytiques ainsi que la mosquée Bouhaouach. Le kasr se compose de 130 ghorfas, dont 50 effondrées, construites sur 2 étages.

Ksar el GuedimN3250868 ; E1028062
Situé à 10km sur la route de Tataouine vers Maztouria. De forme rectangulaire, il est situé sur une colline, mais caché dans le paysage et non visible de loin. Il s'agit d'une superbe construction défensive de plan presque carré avec à l'intérieur de ghorfas sur deux niveaux. On accède au kasr par une porte voûtée surmontée par une inscription qui date la construction de l'édifice du XIe s. Au-dessous du kasr se trouvent des grottes qui servaient d'habitations et qui lui étaient reliées par un passage souterrain

Ksar Aouadid N3251889 ; E1028262
Construit sur une colline dominant la vallée de l'Oued Zondag, il est de plan carré. Richement décoré, il se compose d'une skifa, 94 ghorfas construites en 2 étages avec 10 ghorfas au troisième étage.

Kasr Bouziri N3248374 ; E1027305
Situé sur une éminence, au pied d'un piton entouré de jessour (digues), d'habit
ations troglodytiques et de huileries, le kasr est composé de 130 ghorfas, dont 33 effondrées.

Kasr Ouled SoltaneN3247312 ; E1030874
Édifié sur un piton, non loin des anciens villages-fortifiés de Tazeghdanet, il est composé de 287 ghorfas dont 96 autour de la cour extérieure et est formé de 2 3-4 étages. Une spécificité dukasr est qu'il comprend le plus grand nombre d'escaliers extérieurs collés à la maçonnerie et les crochets en bois.

Ksar Sedra N3247585 ; E1027238
Situé sur une butte isolée du lebel Abiadh qui domine la vallée de l'Oued Zonndag, il est de plan triangulaire. On y trouve 3 anciennes huileries troglodytiques, une mosquée, le marabout Sidi Brahim et la zaouia Hjja Rguaya et des cimetières très étendus qui témoignent des différentes époques avec le cimetière juif dit "jebbenet lyhoud". Il se compose d'environ 15 ghorfas.

Justification of Outstanding Universal Value

L'habitat troglodytique et les ksour du sud tunisien font partie intégrante de ce que l'on pourrait appeler la culture amazighe et le monde ksourien maghrébin. Ils se positionnent en effet dans la continuité des ksour de Jebel Nafoussa en Libye et annoncent les ksour algériens puis marocains. Ils représentent, en plus de leur singularité architecturale évidente, l'exemple par excellence de la transhumance des savoirs (y compris le savoir spirituel comme le prouvent les nombreuses mosquées souterraines et les abris des « tolba »), savoir-faire, cultes, coutumes et traditions dans un espace unique du genre. L'habitat troglodytique avec ses différentes formes attestées dans le sud tunisien est un éminent exemple d'habitations vernaculaires intégrées au paysage et adaptées à un milieu naturel peu favorable et générées par un contexte d'insécurité de longue durée. 

Les éléments choisis pour l'inscription sur la Liste du patrimoine mondial ont été sélectionnés pour illustrer la variété des formes de l'habitat troglodytique et la richesse typologique des ksour et leur large diffusion sur le territoire de la zone présaharienne du pays.

Critère (iv) : Par leurs conceptions, leurs matériaux et leurs techniques de construction, l'habitat troglodytique et les ksour offrent des exemples de types de construction vernaculaires caractéristiques et par leur répartition et leur implantation, ils constituent des exemples éminents d' établissement humain.

Critère (v) : L'habitat troglodytique et les ksour témoignent d'un mode de vie et d'une organisation sociale fondés sur la solidarité devenus très vulnérables par les effets de l'évolution irréversible de la société. Ils illustrent l'adaptation de l'homme à un environnement défavorable et une occupation traditionnelle du sol.

Statements of authenticity and/or integrity

Authentiques et perpétuant leurs formes, leurs modes de construction et d'aménagement et leurs fonctions pour une partie, l'habitat troglodytique et les ksour du sud tunisien dans leur état actuel n'ont subi que des altérations et des dégradations qui ont peu touché leurs structures et leurs matériaux de construction. Leur authenticité n'est que très peu altérée et leur intégrité est assurée pour la plupart des composantes du bien.

Comparison with other similar properties

L'habitat troglodytique n'est pas propre au sud tunisien. Il est attesté sous différentes formes dans de nombreuses autres régions du monde notamment en Europe et en Asie. Sans remonter aux périodes préhistorique et antique et sans étendre cette analyse comparative à la cité caravanière troglodytique nabatéenne de Pétra en Jordanie, à l'habitat troglodytique dans les grottes de Maafa, dans les Aurès en Algérie ou encore aux demeures troglodytiques des Dogons sur la falaise de Bandiagara au Mali, celui qui est proposé ici avec les greniers collectifs appelés ksour, constitue un bien en série qui se distingue par de nombreuses spécificités et qui témoigne de la culture d'un peuple qui est nettement sous représentée dans la Liste du patrimoine mondial pour ne pas dire qu'elle est encore totalement absente.
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