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Paysage Oasien d’Oued Souf

Date of Submission: 28/04/2025
Criteria: (iii)(v)
Category: Cultural
Submitted by:
Délégation permanente de l'Algérie auprès de l'UNESCO
State, Province or Region:
Wilaya d’Oued Souf
Coordinates: N33 21 50 E6 51 52.00
Ref.: 6839
Disclaimer

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Property names are listed in the language in which they have been submitted by the State Party

Description

Culturel – paysage culturel

Oued Souf est une région du sud-est de l’Algérie, située dans la wilaya d’El Oued. Elle fait partie du Grand Erg Oriental, au cœur de la région des Zibans. C’est un ensemble d’oasis unique implanté en plein erg imposant un mode particulier de mise en valeur (technique du « Ghout ») et un système de culture originale : les palmiers sont plantés directement au-dessus de la nappe au fond de vastes entonnoirs creusés dans le sable. Des cultures secondaires sont faites sur le bord des entonnoirs et irrigués par des puits à balancier. Ce type d’oasis ne se base pas sur une structure géomorphologique ou sur un système hydrographique apparent. L’existence des oasis est entièrement artificielle, chaque pouce de terrain étant arraché aux dunes. Le travail de maintenance ne peut jamais s’interrompre, étant donné l’impossibilité de bloquer l’action continue du vent et des sables contre laquelle toute opposition drastique est vouée à l’échec. Des barrières artificielles de palmes provoquent l’accumulation de sable et favorisent le système protecteur des entonnoirs creusés.

La population d'Oued Souf est issue d'un mélange entre les Zénètes, population berbère d'origine, et les descendants de tribus nomades, notamment les Troud et les Adouane. Ce brassage unique de cultures et d'origines a façonné une identité riche et diversifiée, où les traditions berbères locales se sont imprégnées d'influences nomades arabes.

Le patrimoine immatériel de l’Oued Souf est riche et diversifié, reflétant les traditions sahariennes et la culture arabo-berbère. Il inclut des pratiques artisanales notamment le tissage des tapis de haute laine ou en poil de chameau, ainsi que des savoir-faire ancestraux liés à l'agriculture oasienne, notamment la gestion de l'eau et la culture des dattes. La musique et les danses traditionnelles, telles que le Zkairi et le Nekh, occupent une place centrale lors des fêtes et célébrations. Les récits oraux, les proverbes et les contes populaires transmettent l'histoire et les valeurs de la région. Enfin, les festivals locaux et les rituels religieux, comme ceux liés au « Mawlid » ou aux mariages, accompagnés d’un art culinaire propre à la région, renforcent les liens communautaires et perpétuent l'identité culturelle de l'Oued Souf.

La ville aux mille coupoles, considérée comme la capitale du Souf, se distingue par une architecture marquée par l'utilisation distinctive des coupoles et des voûtes qui définissent verticalement le cadre bâti de la ville, contrairement aux villes sahariennes algériennes, où l'utilisation de ces éléments est limitée, Oued Souf en fait un élément central et caractéristique de son paysage architectural.

Justification of Outstanding Universal Value

Le système oasien à Oued Souf met en évidence d’importantes caractéristiques qui le distinguent des autres systèmes au monde, car il repose sur une méthode unique d'irrigation des palmiers.

Le système « Ghout », au pluriel « Ghitan » les entonnoirs, ou pyramides inversées, comme certains les appellent, où les palmiers sont plantés directement à seulement un ou deux mètres au- dessus de la nappe. C’est-à-dire, transporter les palmiers vers l’eau au lieu de transporter l’eau vers les palmiers, après avoir creusé le sol et transféré la terre d'une manière très primitive, au fil des générations successives, ce qui a abouti à la création d'oasis composées de milliers de « Ghitan».

Ces oasis, bien qu'elles ne s'appuient pas sur un système de gestion des eaux commun et apparent, nécessitent un travail d'entretien acharné et continu pour assurer leur durabilité, en défiant les rigueurs de la nature, notamment l'empiètement du sable.

Les dunes de sable dorés sur lesquels poussent les roses (rose de sables) et environnement d’une faune saharienne, ont produit, sous les traces de l’homme soufi, et ses pratiques et coutumes, à travers des siècles, une ville aux mille coupoles et oasis exceptionnelles, harmonisées dans un magnifique paysage.

Critère (iii) : « Ghitan » ou « Ghitan Al-Baali » -« al baali » qui désigne une agriculture dépendant uniquement des eaux de pluie ou des eaux souterraines (sans irrigation artificielle) - représentent un témoignage exceptionnel qui traduit le défi de l'homme à travers l'histoire pour apprivoiser la farouche nature à son avantage. C’est le personnage de "Al-Rafaa" qui creusait les entonnoirs et transportait la terre souvent sur son dos pour créer une technique d'irrigation unique, qui ne dépend pas de fournir de l'eau aux palmiers comme cela se fait traditionnellement, mais plutôt de faire rapprocher les palmiers aux eaux en les faisant planter sur la couche inférieure de la terre pour permettre l’allongement des racines des palmiers vers l’eau.

Critère (v) : Au cœur des étendues sahariennes, les « Ghitan Al-Baali » – ces entonnoirs creusés avec précision au pied des palmiers – dessinent un paysage où l’ingéniosité humaine épouse les caprices du désert. Ces cratères agricoles, sculptés dans le sable doré, forment un réseau de micro- oasis où chaque palmier puise directement dans la nappe phréatique, transformant l’aridité en fertilité. Encerclés par des dunes aux courbes hypnotiques, ces entonnoirs contrastent avec l’immensité minérale par leur ordonnancement géométrique, créant une mosaïque de vie où le vert des palmes vibre contre l’or pâle du désert. Les habitats voisins, reconnaissables à leurs coupoles élancées, semblent émerger du paysage comme des extensions organiques du sol. Construits en gypse et en chaux, ces dômes ne sont pas seulement des abris : ils régulent la chaleur, captant la fraîcheur nocturne pour tempérer les journées torrides. Ici, chaque élément architectural et agricole est pensé pour dialoguer avec les éléments, sans jamais rompre l’équilibre fragile du milieu.

Statements of authenticity and/or integrity

L’intégrité

La ville d’Oued Souf, comme de nombreuses autres régions, n’échappe pas aux transformations induites par la modernisation et l’urbanisation croissante. Ces changements se manifestent notamment par l’introduction de nouveaux styles architecturaux étrangers à la culture locale, qui contrastent avec les traditions architecturales ancestrales de la région. Cette évolution, bien qu’elle reflète une certaine ouverture au progrès, soulève des questions sur la préservation de l’identité culturelle et patrimoniale d’Oued Souf.

Parallèlement à ces transformations urbaines, la région est confrontée à des impacts environnementaux et humains significatifs. Le plus préoccupant est la remontée des eaux souterraines, un phénomène largement attribué à l’émergence d’un nouveau paysage agricole basé sur une exploitation excessive des ressources en eau. Cette pratique entre en concurrence directe avec le système traditionnel des « ghout », une méthode ancestrale d’irrigation et de culture adaptée aux conditions arides du désert, qui est aujourd’hui menacée de disparition.

Face à ces défis, les habitants d’Oued Souf, bien qu’influencés par la modernité, résistent à une rupture totale avec leurs modèles architecturaux et agricoles traditionnels. Leur attachement à ces pratiques est renforcé par des contraintes environnementales immuables (climat aride, géographie désertique) et par des pratiques socioculturelles profondément enracinées. Ces éléments rendent nécessaire une adaptation constante pour préserver leur patrimoine tout en intégrant les réalités modernes.

L’État algérien a pris des mesures pour protéger ce patrimoine unique. Parmi celles-ci, on peut citer la création d’un secteur sauvegardé pour l’ensemble urbain historique d’El-Achach, ainsi que le lancement de plusieurs opérations de restauration et de mise en valeur des monuments et sites historiques. Ces initiatives visent à maintenir l’intégrité du patrimoine culturel et architectural de la région.

Dans le domaine agricole, l’État a également mis en place des mesures pour soutenir et valoriser le système traditionnel des « ghout ». Le secteur de l’agriculture a ainsi mobilisé des outils et aménagements pour accompagner les agriculteurs souhaitant investir dans la création de nouveaux « ghout ». Cependant, pour préserver les « Ghitan», toute nouvelle exploitation agricole à proximité de ces zones a été strictement interdite. Cette mesure vise à protéger un équilibre écologique et culturel fragile.

Enfin, la reconnaissance internationale du patrimoine agricole d’Oued Souf, notamment à travers le classement des « Ghitan » par la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) et le lancement de projets comme SIPAM (Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial), témoigne de l’importance accordée à la préservation de ce patrimoine. Ces initiatives reflètent l’engagement de l’État et de la communauté internationale à protéger et à valoriser ce patrimoine unique, tout en répondant aux défis posés par la modernisation.

L’authenticité

Les quartiers historiques, le marché traditionnel, les ruelles, les « sabats » (passages voûtés caractéristiques), les passages couverts, les « Rahba » (espaces collectifs de convivialité), les portes urbaines à l’échelle humaine, ainsi que les formes architecturales emblématiques — notamment les édifices surmontés de coupoles —, témoignent d’un héritage bâti remarquable. À ces éléments s’ajoutent les anciennes palmeraies, composées de « Ghitan el-Baali », et l’immense étendue de dunes qui enserre la ville, composantes indissociables du paysage culturel oasien.

Malgré les transformations liées à la modernisation — qu’il s’agisse de l’évolution du tissu urbain originel, de la réduction des zones agricoles ou des pressions sur l’écosystème oasien—, ces marqueurs identitaires résistent au temps. Leur préservation, bien que fragmentaire, offre une lecture vivante de l’histoire urbaine et sociale d’Oued Souf. L’observateur contemporain perçoit encore, à travers ces structures et ces espaces, une harmonie subtile entre l’adaptation au milieu aride (climat, géographie) et l’ingéniosité des pratiques locales.

Ces traces tangibles, alliées aux récits immatériels des habitants, forment un palimpseste où se superposent les strates d’un patrimoine résilient. Elles rappellent que l’identité oasienne, bien qu’influencée par des dynamiques nouvelles, puise sa force dans un dialogue continu entre tradition et mutation.

Comparison with other similar properties

Depuis le XVe siècle, les habitants des oasis de l’Oued Souf, situé dans la région aride de l’erg oriental en Algérie, ont démontré une inventivité remarquable pour s’adapter à un environnement désertique extrême. Confrontés à des conditions climatiques hostiles – sécheresse persistante, tempêtes de sable et rareté des précipitations –, ces communautés ont conçu des systèmes ingénieux de gestion de l’eau, essentiels à leur survie et à leur prospérité. Parmi ces innovations, le « Ghout » (ou « Ghitan » au pluriel) se distingue comme une prouesse agro écologique unique au monde, toujours fonctionnelle aujourd’hui.

Le « Ghout » est une technique ancestrale d’agriculture en cratère, consistant à creuser des dépressions jusqu’à atteindre la nappe phréatique superficielle. Au centre de ces cuvettes, un palmier dattier est planté. Ses racines puisent directement l’eau souterraine, tandis que les cultures secondaires (légumes, céréales ou arbres fruitiers) sont disposées en cercles concentriques autour de lui, profitant de l’humidité diffusée par le palmier. Cette méthode, basée sur une compréhension fine des écosystèmes locaux, permet une utilisation optimale des ressources hydriques limitées et évite le gaspillage.

Les oasis du Souf ont ainsi maintenu, pendant des siècles, un équilibre délicat entre les besoins agricoles croissants et la préservation de leur milieu. Leur sagesse écologique se manifeste par des pratiques respectueuses des cycles naturels : rotation des cultures, choix de variétés végétales résistantes à la salinité, et entretien minutieux des puits traditionnels. Cette harmonie entre l’humain et la nature a permis de transformer un paysage désertique en un réseau verdoyant d’oasis autosuffisantes.

Aujourd’hui, le « Ghout » incarne un modèle de durabilité environnementale salué par les experts. Il témoigne d’une économie circulaire avant l’heure, où chaque élément du système : eau, sol, végétation est interconnecté et valorisé. Cependant, ce patrimoine fragile fait face à des défis modernes : surexploitation des nappes phréatiques, urbanisation croissante et impacts du changement climatique. Malgré cela, les producteurs locaux perpétuent ce savoir-faire, symbole de résilience et d’adaptation, rappelant que les solutions les plus pérennes naissent souvent d’une alliance entre tradition et innovation.

Le « Ghout » n’est pas seulement une technique agricole ; c’est un héritage culturel, une philosophie de vie où l’humain coexiste avec le désert, sans le dominer. Son existence continue inspire des réflexions contemporaines sur l’agroécologie et la gestion responsable des ressources, prouvant que les connaissances ancestrales peuvent éclairer l’avenir.

Le système oasien de l’Oued Souf, bien qu’ancré dans un contexte géoculturel unique, s’inscrit dans une logique universelle partagée par de nombreuses communautés vivant en milieu aride à travers le monde. Comme ces dernières, il repose sur un équilibre triadique fondamental entre habitat, oasis et eau, trois piliers interdépendants façonnés par l’ingéniosité humaine. Ce système, artificiel par essence, est le fruit d’un travail collectif millénaire, où savoirs techniques, transmission intergénérationnelle et adaptation constante aux contraintes environnementales ont permis de transformer un désert hostile en un espace de vie durable.

Si la recherche de l’eau constitue l’impératif premier dans toutes les régions désertiques, les méthodes pour la capter, la distribuer et la conserver varient considérablement d’un territoire à l’autre.

Le système d'irrigation « Aflaj » au pluriel, « Falaj » au singulier à Oman est un système hydraulique traditionnel et ingénieux, reconnu pour son efficacité et sa durabilité. Il est inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 2006 en tant que témoignage exceptionnel de l'ingéniosité humaine dans la gestion des ressources en eau dans un environnement aride.

Les « Aflaj » irriguent les palmeraies, les cultures maraîchères et les jardins, permettant une agriculture durable dans des zones arides. Ils fournissent également de l'eau pour les besoins domestiques des villages. « Les Aflaj » soutiennent la biodiversité en maintenant des zones humides et des écosystèmes fragiles.

Ce système capte l'eau des nappes phréatiques ou des sources naturelles situées en amont, souvent dans les montagnes. L'eau est acheminée par des canaux souterrains ou à ciel ouvert, utilisant la pente naturelle du terrain pour circuler par gravité sans besoin d'énergie externe. L'eau est répartie entre les utilisateurs selon un système de partage équitable, basé sur des règles traditionnelles et des droits d'eau bien définis.

La gestion des « Aflaj » est assurée par les communautés locales, avec un responsable « Wakil » chargé de superviser la distribution de l'eau. Des règles strictes, transmises oralement ou par écrit, régissent l'utilisation de l'eau pour éviter les conflits et garantir une répartition équitable.

Par ailleurs, dans la vallée du M’Zab, ainsi qu’au Touat, Gourara et Tidikelt, l’eau provient de sources diversifiées : crues saisonnières (seguias), foggaras (galeries drainantes souterraines) ou puits traditionnels. Sa gestion exige une organisation sociale rigoureuse, codifiée par des règles coutumières qui régulent les droits d’accès, l’entretien des infrastructures collectives (nettoyage des canaux, répartition équitable) et la résolution des conflits. Cette « hydraulique sociale », héritée des Ibadites au M’Zab, repose sur une gouvernance communautaire où chaque individu participe à la préservation du bien commun.

À Oued Souf, en revanche, la relation à l’eau est marquée par une approche plus individualiste. Cette technique ancestrale élimine le besoin d'une gouvernance basée sur la nomination de gestionnaires pour assurer une distribution équitable de l'eau. Ici, également pas de réseaux hydrauliques complexes : l’accès à la ressource dépend exclusivement des eaux souterraines, atteintes par le creusement de puits familiaux.  Les cultures secondaires (maraîchères ou céréalières) sont irriguées manuellement, tandis que les palmiers dattiers, cœur de l’oasis, tirent leur subsistance directement de la nappe phréatique superficielle grâce aux « Ghitan » (cratères creusés au sol).

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