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Les systèmes oasiens des gorges du Rhoufi et d'Oued Labiod

Date of Submission: 28/04/2025
Criteria: (iii)(v)(vii)
Category: Mixed
Submitted by:
Délégation permanente de l'Algérie auprès de l'UNESCO
State, Province or Region:
Sud-ouest de la wilaya de Batna, Nord-est de la wilaya de Biskra
Coordinates: N35 8 56.78 E6 3 3.45
Ref.: 6833
Disclaimer

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Property names are listed in the language in which they have been submitted by the State Party

Description

Les gorges du Ghoufi et l’Oued Labiod constituent les composants majeurs du massif de l’Aurès, dont les limites s’étendent à l’ouest jusqu’à la grande dépression de Batna et à l’est jusqu’à la vallée de l’Oued El Arab. Le bien proposé pour inscription sur la liste indicative du patrimoine en qualité de site mixte couvre une superficie de 5000 Km2, avec sa zone tampon incluse. Ce relief escarpé se distingue par ses versants abrupts dominant les plaines et ses sommets atteignant plus de 2000 mètres au nord-est. Au sud, des ensembles oasiens se sont développés dans un environnement aride, marqué par une faible pluviométrie et une forte amplitude thermique journalière allant de 30° à 60°C et des températures nocturnes proches de 0°C selon les saisons.

Ces contrastes climatiques se traduisent par une végétation variée. Les versants nord abritent des chênes verts et, en altitude, des cédraies implantées sur des sols gréseux siliceux. Au sud, les forêts de pins d’Alep et de genévriers de Phénicie cèdent progressivement la place aux steppes et aux palmeraies confinés dans les vallées. À seulement 30 kilomètres de distance, cèdres et palmiers coexistent, illustrant la rencontre directe entre le Tell et le Sahara. Cette transition se manifeste également dans les cycles agricoles, où le blé est récolté en juin dans les montagnes et dès avril dans les palmeraies.

Les systèmes oasiens des gorges du Ghoufi et de l’Oued Labiod offrent depuis des millénaires un foyer aux chaouis, société berbère traditionnelle ayant préservé sa langue, ses coutumes et son mode d’habitat. L’isolement du massif, renforcé par des reliefs naturels difficiles d’accès, a favorisé le développement d’un habitat vernaculaire en villages terrasses (Dechras), adaptés aux pentes escarpées, et de cultures étagées soutenues par des murets de pierre. La gestion de l’eau repose sur des systèmes d’irrigation ingénieux permettant d’optimiser une ressource rare et d’assurer la pérennité de l’agriculture locale.

Additivement à son importance écologique et sociale, la région abrite un patrimoine riche et diversifié, d’une importance historique et archéologique significative. À Ichoukkane, les vestiges d’une ancienne cité berbère et des tombeaux circulaires (Chouchets) se dressent entre les montagnes de Boudricen et de Kharouben.
Menaa illustre l’intégration harmonieuse d’un village dans son environnement, tandis que la vallée de l’Oued Abdi est jalonnée de structures défensives, dont la Guelaa d’Iguelfène, grenier fortifié collectif.

L’axe des Tamarins, en suivant l’Oued Fedhala, se caractérise par une succession harmonieuse de vergers et de dechras. El Kantara, point de passage majeur entre les montagnes et le désert, se distingue par sa spectaculaire crête rocheuse entaillée par la débouchée d’une vallée. Arris, considérée comme la capitale du massif, concentre un ensemble remarquable de villages en terrasses et de jardins irrigués. Enfin, la vallée de l’Oued El Abiod, encaissée entre les montagnes de Krouma et Ahmar Khaddou, présente des parois calcaires vertigineuses, un cours d’eau sinueux et une palmeraie ponctuée de hameaux resserrés, dont les célèbres balcons du Ghoufi et leurs abris semi-troglodytes.

À travers ces éléments, Les systèmes oasiens des gorges du Ghoufi et de l’Oued Labiod apparaissent comme des composantes essentielles du paysage aurassien, incarnant la diversité géographique, l’adaptation humaine et la richesse historique des établissements.

Justification of Outstanding Universal Value

Les systèmes oasiens des gorges du Ghoufi et de l’Oued Labiod présentent une singularité exceptionnelle, issue d’une interaction millénaire entre l’homme et un environnement aride et montagneux, ce territoire se distingue par des cultures en terrasses et des aménagements des sols, comme dans les palmeraies de l’Oued Labiod et les vergers de l’axe des Tamarins, qui permettent de maximiser l’exploitation de terres fertiles rares tout en assurant une gestion durable des ressources en eau, un modèle d’adaptation qui repose sur des systèmes d’irrigation traditionnels ingénieux, notamment des seguias (petits canaux d’irrigation en pierre) et des barrages en pierre sèche utilisés pour capter et redistribuer l’eau des oueds saisonniers vers les vergers et les palmeraies nichées dans les fonds de vallée.

L’implantation des villages épouse le relief escarpé des gorges et illustre un mode d’occupation adapté aux contraintes du milieu, ces établissements humains, organisés en dechras perchées sur les pentes, comme à Ichoukkane et Arris, et reliées par un réseau de sentiers, témoignent d’une continuité historique et architecturale remarquable. L’utilisation de matériaux locaux, notamment la pierre calcaire des falaises et la terre extraite du site, ainsi que l’exploitation des cavités naturelles, comme les abris troglodytes dans les balcons du Ghoufi, garantissent l’intégration harmonieuse des habitations dans le paysage.

Au-delà de ses techniques agricoles et de son architecture vernaculaire, cette région abrite un patrimoine immatériel d’une grande richesse, incarné par la culture locale chaouie, société berbère traditionnelle, construite sur ses coutumes et son mode de vie rural, dont l’identité se manifeste à travers des pratiques ancestrales, comme l’élevage transhumant encore pratiqué dans la vallée de l’Oued Abdi, ou la confection de tapis tissés aux motifs symboliques, perpétuée dans les villages de Menaa et T’kout. Ce savoir-faire, transmis depuis des générations, constitue un élément fondamental de l’identité locale et participe à la valeur universelle exceptionnelle du site.

Les gorges du Ghoufi et l’Oued Labiod illustrent ainsi une adaptation remarquable à un milieu extrême, où l’ingéniosité humaine et les conditions naturelles ont façonné un écosystème d’une grande complexité, où grâce à la gestion adaptée et durable des ressources en milieu montagneux aride, l’homme a su y vivre et s’y développer tout en préservant un équilibre fragile entre nature et culture.

Critère (iii) : Le système oasien de montagne du Ghoufi et de l’Oued Labiod est structuré selon une organisation sociale tribale profondément ancrée dans le paysage. Derrière l’apparente dispersion des decheras se dessine un réseau des villages dont l’implantation répond à des impératifs économiques, agricoles et sécuritaires. Ainsi, deux formes principales se distinguent : le village compact, tel que celui de Menaa, conçu pour préserver les terres cultivables et renforcer la protection collective, et le village linéaire, comme ceux s’étendant le long de l’Oued Labiod et de l’Oued Fedhala, qui épouse les cours d’eau et les voies naturelles de circulation.

L’architecture des établissements oasiens de montagne, reflète cette adaptation : des façades brutes percées de rares ouvertures en hauteur, visibles à Iguelfène et aux balcons du Ghoufi, assurent à la fois régulation thermique et défense ; les habitations, construites en terre et pierre et dotées de toitures-terrasses, s’intègrent harmonieusement au relief et aux conditions climatiques. L’ingéniosité locale se manifeste également dans l’alternance entre modes de vie sédentaires et semi-nomades, permettant une exploitation optimale des ressources selon les saisons, notamment dans les régions de Kimmel et Arris où la transhumance demeure une pratique ancestrale, de même que l’habitat semi-troglodyte des balcons du Ghoufi, parfaitement adapté aux contraintes du climat, tire parti des formations rocheuses pour offrir une isolation thermique naturelle.

Le relief accidenté, en plus de structurer l’habitat et les modes de vie, a également constitué une barrière naturelle face aux influences extérieures, jouant un rôle stratégique dans l’histoire de la région, de l’Antiquité à l’époque moderne, des sites comme la Guelaa d’Iguelfène témoignent de cette nécessité de protection à travers des structures défensives adaptées aux contraintes du terrain, les greniers collectifs fortifiés, haqliɛth, tels que ceux de Tadjmout et d’Ichoukkane, illustrent une organisation sociale fondée sur la gestion collective des ressources, essentielle à la survie dans cet environnement exigeant.

Ce mode d’occupation est le témoin d’un héritage culturel exceptionnel, matérialisé par une relation intime entre l’homme et son environnement, façonnée par des siècles d’ingéniosité et de transmission collective.

Critère (v) : Les systèmes oasiens des gorges du Ghoufi et de l’Oued Labiod incarnent une adaptation remarquable aux contraintes du milieu montagneux aride, son organisation, telle qu’on peut le voir à Mechounech et El Kantara, repose sur l’Effet oasis structuré en strates, où le palmier-dattier crée un couvert végétal protecteur, les arbres fruitiers optimisent l’humidité et l’ombre, tandis que les cultures potagères au sol profitent d’un microclimat tempéré. Cette superposition, couplée à une gestion rigoureuse de l’eau, assure une productivité agricole durable malgré un environnement contraignant.

L’implantation humaine s’inscrit dans cette logique d’harmonie avec le territoire, les habitations, intégrées au relief en terrasses et en abris semi-enterrés, offrent une protection naturelle contre les fluctuations de températures, et préservent les terres cultivables. Une organisation qui s’accompagne d’une mobilité saisonnière, permettant une exploitation rationnelle des ressources entre fonds de vallée et hauteurs.

Cette structure paysagère, ces savoir-faire, façonnés par des siècles d’expériences et de transmissions, aujourd’hui fragilisés par les mutations contemporaines, demeurent un exemple rare de gestion raisonnée de l’espace, où l’agencement des cultures et des habitats témoigne d’un rapport raisonné au territoire fondé sur l’optimisation et la résilience.

Critère (vii) : Le bien d’une beauté exceptionnelle comporte d’importants paysages naturels et culturels, témoins de l’interaction harmonieuse entre l’homme et la nature. Parmi les plus emblématiques et les plus originaux, on trouve le paysage culturel du village de Menaa, les balcons de Ghoufi et les gorges d’El Kantara.

Le canyon de Ghoufi, inscrit sur la carte de la région martienne de Jezero par la NASA en 2024, est le résultat du ravinement du plateau sédimentaire par les eaux de l’oued Labiod (Ighzer Amelal). Ce processus naturel, datant de plusieurs millions d’années, a donné naissance à un paysage exceptionnel et unique en Algérie, où l’homme a su intégrer un chapelet de villages et de palmeraies le long du canyon.

Alors que le paysage culturel de Menaa, encore vivace, mérite à lui seul une reconnaissance en tant que paysage culturel exceptionnel de l’humanité. Situé au cœur de l’Aurès et édifié à l’intersection des deux vallées de l’oued Abdi et de l’oued Bousina, il présente un ensemble dense et compact d’habitations homogènes qui se confondent avec la montagne.

Le troisième paysage du bien, et non des moindres, est celui des gorges d'El Kantara, surnommé la porte du désert, du fait qu’il sépare deux régions distinctes : le Tell et le Sahara. La renommée du paysage d’El Kantara dépasse les frontières nationales en raison de ses attributs uniques, particulièrement le village rouge, les gorges et la palmeraie.

Statements of authenticity and/or integrity

L’intégrité :

Elle repose sur l’harmonie entre ses structures naturelles et les structures anthropiques qui s’y sont développées au fil des siècles, les gorges du Ghoufi et les abords de l’Oued Labiod présentent un ensemble oasien de montagne où l’architecture vernaculaire, les systèmes agricoles et l’organisation sociale sont parfaitement adaptés aux contraintes du milieu, visibles à travers les villages en terrasses, les cultures irriguées par des canaux séculaires et les modes de gestion communautaire de l’eau, cette relation à la nature, inscrite dans le temps long, confère au site une cohérence et une unité remarquables.

Toutefois, cet équilibre est fragilisé par plusieurs activités contemporaines, l’exode rural, particulièrement marqué chez les jeunes, entraîne une perte progressive des savoir-faire traditionnels et une désertification des villages. Par ailleurs, la construction du barrage de Foum El Gherza, en aval de l’Oued Labiod, a modifié la dynamique hydrique de la région, réduisant l’apport en eau dans certaines zones cultivées et perturbant les systèmes d’irrigation qui conditionnent la vitalité des palmeraies et des cultures en terrasses. A l’inverse, le potentiel touristique du site demeure largement sous-exploité, limitant les initiatives de valorisation et de conservation qui pourraient constituer un levier pour la préservation des patrimoines matériel et immatériel.

L’authenticité :

Elle se manifeste à travers la continuité de pratiques sociales, agricoles et économiques transmises de génération en génération. Les habitations semi-troglodytes, les dechras d’Ouarka aux ruelles étroites et les constructions en pierre et terre reflètent un savoir-faire adapté aux conditions climatiques et géographiques. L’organisation sociale, encore perceptible à travers les structures d’entraide et de gestion des ressources, tels les comités des villages, la Djemaa, et les confréries religieuses, les zaouïas, témoigne d’une résilience collective face à un environnement exigeant.

Cependant, cette authenticité est mise à l’épreuve par l’introduction de matériaux modernes et l’abandon des techniques de construction traditionnelle, de même, les pratiques agricoles, qui assuraient autrefois une gestion durable des pâturages et des oasis, tendent à se raréfier au profit de modèles moins adaptés aux contraintes locales.

Malgré ces mutations, le paysage culturel des systèmes oasiens des gorges du Ghoufi et de l’Oued Labiod conserve encore aujourd’hui les marqueurs essentiels de son identité historique et environnementale. Sa préservation passe par une gestion active qui conjugue transmission des savoirs, adaptation aux défis actuels et valorisation des ressources locales.

Comparison with other similar properties

Comparé aux paysages culturels d’Al-Ahsa en Arabie Saoudite et de Hawraman/Uramanat en Iran, les systèmes oasiens de montagne du Ghoufi et de l’Oued Labiod se distinguent par leur adaptation à un environnement diversifié et leur équilibre entre nature et culture.

Al-Ahsa, avec son vaste réseau de sources et de canaux d’irrigation, constitue un modèle de gestion hydraulique qui a permis la prospérité d’une oasis en plein désert, en revanche, le système oasien de montagne des Ghoufi et de l’Oued Labiod repose sur une gestion délicate et adaptée de l’eau dans un relief escarpé, combinant les terrasses agricoles, les sources captées et les systèmes d’irrigation gravitaires, cette adaptation, bien que partageant des similitudes avec Al-Ahsa en termes de valorisation de l’eau, s’inscrit dans un cadre géographique bien plus accidenté, où les oasis s’intègrent aux versants rocheux et aux oueds intermittents, avec des déplacements humains et une gestion des ressources dictés par cette complexité du relief.

Hawraman/Uramanat, quant à lui, est un paysage façonné par des villages en terrasses et un mode de vie transhumant, étroitement lié aux contraintes du relief montagneux, là où les systèmes oasiens de Ghoufi et de l’Oued Labiod présente également une organisation en villages perchés et un mode de vie pastoral, mais il conjugue cette réalité avec l’exploitation des oasis en contrebas, formant un modèle d’interaction homme-nature à la fois sédentaire et semi-nomade, contrairement à Hawraman/Uramanat, où les déplacements sont dictés par des cycles de transhumance saisonniers, le système oasien de montagne permet une transition rapide entre les différentes strates écologiques, des cédraies et steppes aux palmeraies et aux cultures potagères, adaptée aux besoins immédiats des habitants.

Si ces trois sites illustrent chacun une adaptation remarquable à des conditions climatiques et géographiques spécifiques, le système oasien de montagne des Ghoufi et de l’Oued Labiod se distingue par sa diversité d’écosystèmes et son mode d’implantation hybride, combinant agriculture en terrasse, habitats semi-troglodytes et gestion traditionnelle et raisonné de l’eau. Une complexité qui le place à l’intersection des grands modèles d’oasis, de paysages montagnards et de systèmes agro-pastoraux, en faisant un exemple unique de résilience et de continuité culturelle.

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