Ighamaouen, les Forteresses-Greniers Collectifs du parc culturel Touat Gourara Tidikelt
Délégation permanente de l'Algérie auprès de l'UNESCO
Wilaya de Timimoun et Wilaya d’Adrar
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Property names are listed in the language in which they have been submitted by the State Party
Description
Dénomination |
Latitude |
Longitude |
Aghem Draa |
29°32'5.16"N |
0°11'0.50"E |
Aghem n’Ba’salem |
29°31'48.99"N |
0°20'32.87"E |
Aghem At’ Faiza |
29°12'15.97"N |
0°11'2.12"E |
Aghem Aouled Mahmoud |
28°36'5.53"N |
0°2'45.45"E |
Aghem Tazoult |
27°11'32.50"N |
0°8'45.21"O |
Casbah Matrion |
27°49'43.54"N |
1°16'1.18"E |
Les Ighamaouene (pluriel) ou Agheem (singulier) en langue tamazight (zénète), parfois désignés par le terme casbah en arabe, sont des forteresses-greniers collectives caractéristiques des régions du Touat, du Gourara, et du Tidikelt, situées dans le sud-ouest de l’Algérie. Ces régions patrimoniales d’importance nationale ont été classées en parc culturel dès 2008 et OECM (Effective Area-based Conservation Measures - autres mesures de conservation efficace par zones) par l’UICN depuis 2020.
Le parc culturel Touat Gourara Tidikelt, géré par un établissement public à caractère administratif, couvre une superficie de plus de 38 000 km², s’étend sur environ 350 km du nord au sud, délimité par l’Erg Chech à l’ouest, le Grand Erg Occidental au nord, le plateau du Tademaït à l’est, et le désert de Tanzreouft au sud. Son climat aride, marqué par une faible pluviométrie et des températures élevées, a de tout temps imposé une gestion rigoureuse de ses ressources et une organisation sociale centrée sur la gestion durable de l’eau et le développement de l’agriculture oasienne.
Dans ce contexte, les Ighamaouen constituent une réponse ingénieuse aux défis de la conservation des denrées alimentaires et de la sécurité des communautés.
Conçus principalement pour le stockage des récoltes, notamment des dattes, ces édifices remplissaient également une fonction défensive, protégeant les biens et les populations locales contre les pillages et les razzias. Implantés dans un environnement désertique aux ressources limitées, ils s’intégraient à un réseau d’oasis, véritables pôles de vie et d’activité agricole.
Construits sur des hauteurs stratégiques ou dans des zones difficilement accessibles, ces forteresses-greniers se distinguent par leurs remparts en terre et en pierre, leurs fossés de protection, leurs tours de garde et leur unique entrée soigneusement sécurisée. Leur superficie, généralement inférieure à 1 500 m², est optimisée pour le stockage à long terme des denrées, avec un agencement garantissant leur préservation. Bien plus que de simples entrepôts, ces structures jouaient un rôle central dans les échanges commerciaux transsahariens, facilitant le troc.
Justification of Outstanding Universal Value
Les Ighamouen du parc culturel Gourara, -Touat - Tidikelt constituent un patrimoine exceptionnel, témoignage unique de l’ingéniosité humaine face aux défis du milieu saharien. Ces forteresses-greniers, édifiées dès le Xe siècle, incarnent une réponse remarquable aux besoins de protection des ressources, d’organisation sociale et de sécurisation des routes transsahariennes.
Leur architecture, combinant terre et pierre, reflète une parfaite maîtrise des techniques constructives adaptées au climat aride, avec des enceintes fortifiées, des fossés et des accès stratégiques. Chaque site s’intègre harmonieusement dans son environnement, exploitant le relief pour optimiser la défense et permettre la gestion des ressources.
Au-delà de leur rôle défensif et économique, ces structures s’inscrivent dans une organisation territoriale unique, où chaque communauté définissait son espace à travers son Aghem, structurant le paysage saharien en un réseau d’échanges et de solidarité. Leur position sur les routes commerciales transsahariennes en faisait des points névralgiques des interactions culturelles, sociales, et économiques entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne.
Les Ighamaouen, véritables témoins d’une identité culturelle et d’un savoir-faire ancestral, sont porteurs d’une mémoire vivante, perpétuant des traditions et des valeurs communautaires essentielles. Leur préservation est indispensable pour la compréhension de l’histoire humaine et des modes de vie sahariens, justifiant ainsi leur inscription au patrimoine mondial en tant que témoins d’une adaptation exceptionnelle aux contraintes du désert et d’un mode d’organisation territoriale unique.
Critère (iii) : Les Ighamaouens du parc culturel Touat-Gourara- Tidkelt apportent un témoignage exceptionnel d’une civilisation saharienne qui a développé un modèle d’occupation du territoire fondé sur la gestion collective des ressources et la sécurité alimentaire. Leur organisation communautaire et leur rôle dans la régulation économique locale illustrent un mode de vie disparu mais dont les principes de résilience et d’adaptation demeurent pertinents.
Critère (iv) : Les Ighamouen du parc culturel Touat-Gourara- Tidkelt constituent un exemple remarquable d’architecture défensive et d’innovation technologique adaptées aux conditions arides du Sahara. Ces structures, qui combinent des fonctions de stockage, de protection et de gestion collective des ressources, témoignent de la diversité des réponses apportées par les sociétés sahariennes aux défis environnementaux et sociopolitiques.
Implantés de manière stratégique sur des hauteurs naturelles ou des sites difficiles d’accès, les Ighamaouen présentent une variété d’éléments architecturaux : remparts massifs en terre et en pierre, fossés de défense, tours de guet, entrées uniques soigneusement sécurisées et systèmes de répartition des espaces de stockage. Ils illustrent ainsi une intégration quasi naturelle, à la topographie locale, à même de faire face aux menaces extérieures, notamment les conflits tribaux et les razzias.
La présence des Ighamaouen au fil des siècles illustre l’histoire du commerce transsaharien, de la gestion des ressources et des stratégies de défense. Ils constituent ainsi un témoignage exceptionnel d’une phase importante de l’histoire des sociétés sahariennes, marquée par l’ingéniosité des modes d’organisation et d’adaptation à un environnement extrême.
Statements of authenticity and/or integrity
L’intégrité
Les Ighamaouen du parc culturel Touat-Gourara- Tidkelt constituent un ensemble cohérent qui illustre avec fidélité les systèmes de défense et de stockage des sociétés oasiennes du Sahara. Leur intégrité physique et fonctionnelle est attestée par l’état de conservation des structures en élévation ainsi que par la préservation des vestiges enfouis par les vents et tempêtes de sables. Ces greniers fortifiés conservent les éléments essentiels permettant d’appréhender leur organisation spatiale, leur adaptation aux contraintes climatiques et leur rôle stratégique au sein des réseaux d’échanges transsahariens.
Dans l’ensemble, la morphologie d’origine des Ighamaouen demeure lisible, et les interventions humaines récentes n’ont pas altéré leur caractère distinctif. Les matériaux traditionnels, en particulier la terre crue et la pierre, sont encore bien présents, garantissant une continuité matérielle et architecturale. Bien que certains Ighamouen aient subi des transformations ou un certain degré d’abandon, ces altérations restent limitées et ne compromettent pas la lisibilité de leur typologie ni leur inscription dans le paysage.
L’implantation des Ighamaouen dans leur contexte territorial d’origine, leur interconnexion avec les ksour environnants et la persistance des anciens axes caravaniers participent également à la conservation de leur intégrité paysagère et fonctionnelle. À l’échelle régionale, ces structures forment un réseau homogène de sites représentatifs du mode de vie oasien et de ses dynamiques socio-économiques historiques.
Si certaines parties des Ighamaouen sont vulnérables aux effets de l’érosion et des conditions climatiques extrêmes, l’intégrité globale du bien est préservée. De nombreux sites restent intacts, garantissant la conservation des couches stratigraphiques et des traces matérielles qui enrichissent notre compréhension de ces structures.
Ainsi, les Ighamaouen de Gourara et du Touat conservent leur cohérence architecturale, fonctionnelle et paysagère, assurant la transmission de l’ensemble des valeurs historiques, sociales et culturelles qu’ils incarnent.
L’authenticité
Les Ighamaouen du parc culturel Touat-Gourara- Tidkelt présentent un haut degré d’authenticité, attesté par des études architecturales, archéologiques et historiques approfondies. Ces structures défensives et de stockages, construits en terre et en pierre, conservent leurs matériaux d’origine et témoignent des techniques de construction traditionnelles propres aux sociétés sahariennes. Les structures encore debout, révèlent l’ingéniosité des savoirs faire en matière de techniques de construction, adaptées aux conditions climatiques extrêmes et aux impératifs sécuritaires de l’époque.
La forme et la conception des Ighamaouen demeurent lisibles et compréhensibles, illustrant un système organisé de stockage collectif et de défense. L’implantation de ces structures dans le paysage désertique, et la conservation des chemins caravaniers historiques qui les relient renforcent leur authenticité contextuelle. L’organisation interne des greniers, avec leurs cellules de stockage, et leurs espaces de circulation, a été préservée sans altérations majeures, permettant d’apprécier pleinement la fonctionnalité originelle de ces édifices.
Aucune intervention de restauration ou de reconstruction de ces structures bâties n’a été entreprise. Les interventions récentes se sont limitées à des travaux de consolidation, sans altérer l’identité architecturale des sites, ni leur image originelle. Par ailleurs, plusieurs Ighamaouen demeurent inexplorés ou conservés en l’état, garantissant ainsi l’intégrité des différentes strates historiques et des témoignages matériels qu’ils renferment.
Comparison with other similar properties
Comparaison avec un bien inscrit sur la Liste du patrimoine mondial :
Comparaison entre les Ighamouen du parc culturel Touat-Gourara- Tidkelt et les Frontières de l’Empire romain (Allemagne Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord Date d'inscription : 1987) :
Bien que les Ighamaouen et les Frontières de l’Empire romain soient différents dans leurs conceptions et objectifs, ils partagent plusieurs points communs :
Un rôle de protection et d'organisation territoriale,
Une construction adaptée aux ressources et aux contraintes locales,
Les Ighamaouen du Gourara et du Touat présentent plusieurs caractéristiques distinctives par rapport aux Frontières de l’Empire romain :
Fonction et usage : Contrairement aux limes romains, qui étaient avant tout des systèmes militaires destinés à la défense et au contrôle des frontières, les Ighamaouen sont des forteresses-greniers conçues pour protéger les ressources alimentaires et les biens communautaires contre les pillages et les crises.
Organisation sociale et gestion collective : Les Ighamaouen sont gérés collectivement par les communautés locales, selon des règles strictes de répartition et d’accès aux réserves, tandis que les structures romaines étaient administrées par l’armée ou les autorités impériales.
Résilience et continuité d’usage : De nombreux greniers fortifiés sont restés en usage jusqu’à une époque récente ou conservent une place centrale dans l’organisation sociale des communautés locales, contrairement aux limes romains, aujourd’hui réduits à l’état de vestiges historiques.
Construction en terre : Alors que les frontières romaines étaient souvent érigées en pierre et servaient de marqueurs territoriaux fixes, les Ighamaouen sont principalement bâtis en terre crue et en pierre locale, témoignant d’un savoir-faire vernaculaire adapté aux ressources disponibles.
Ainsi, les Ighamaouen du Gourara du Touat et du Tidikelt se distinguent par leur fonction communautaire, leur adaptation au milieu saharien et leur résilience, à l’inverse des frontières de l’Empire romain, conçues avant tout comme des systèmes militaires sous administration centralisée.
Comparaison avec des biens non-inscrits sur la Liste du patrimoine mondial :
Comparaison entre les forteresses-greniers du parc culturel Touat-Gourara- Tidkelt (Algérie) et Ksar Al-Hajj (Libye)
Les forteresses-greniers du Touat-Gourara-Tidikelt en Algérie et Ksar Al-Hajj en Libye partagent une fonction essentielle de stockage communautaire, de protection et d'organisation sociale, tout en présentant des caractéristiques architecturales et historiques propres. Cette comparaison permet de mettre en lumière leurs similitudes avec d’autres biens non-inscrits sur la liste du patrimoine mondial, ainsi que les éléments qui confèrent un caractère exceptionnel aux forteresses-greniers algériennes en vue d'une éventuelle proposition d’inscription.
Similitudes architecturales et fonctionnelles :
Une fonction de stockage et de protection communautaire :
Les deux ensembles ont été conçus comme des espaces collectifs servant au stockage des denrées alimentaires et à la sécurisation des biens des communautés locales. À l'instar de Ksar Al-Hajj, les ighamaouen du Touat-Gourara-Tidikelt assumaient un rôle vital dans l'organisation économique et sociale des populations sahariennes, notamment dans un contexte marqué par la rareté des ressources et l’insécurité qui prévalait.
Un plan circulaire et une gestion centralisée :
La forme circulaire de Ksar Al-Hajj trouve un écho dans certaines forteresses-greniers du Gourara, telles qu’Aghem Draa (1 272 m²) et Aghem Tazoult du Touat. Cette morphologie optimise l'organisation spatiale et la défense, en permettant une surveillance accrue et une meilleure répartition des espaces de stockage.
L’utilisation de matériaux vernaculaires :
Les deux types de structures sont construits avec des matériaux locaux : la pierre calcaire et l’adobe pour les ighamaouen, et l’adobe pour Ksar Al-Hajj. Cette architecture vernaculaire s’adapte aux conditions climatiques extrêmes du Sahara, garantissant une régulation thermique efficace pour la conservation des denrées.
L’existence d’une seule porte d’accès :
Comme Ksar Al-Hajj, les ighamouen sont dotés d’une entrée unique, souvent monumentale, qui contrôle les flux d’entrée et de sortie. Cette disposition renforce la sécurité du site et limite les intrusions, témoignant d’une organisation défensive avancée.
Différenciation et valeur exceptionnelle des forteresses-greniers du parc culturel Touat- Gourara- Tidkelt
Une diversité morphologique plus marquée :
Contrairement à Ksar Al-Hajj, qui présente un plan strictement circulaire et un agencement radial des espaces de stockage, les forteresses-greniers adoptent des formes variées : circulaires (Aghem Draa, Aghem Tazoult), trapézoïdales (Aghem Ba Salem) ou rectangulaires (Aghem At’ Faiza). Cette diversité architecturale témoigne d’une évolution des techniques de construction et d’une adaptation aux contextes géographiques et stratégiques spécifiques.
Un système défensif plus élaboré :
Les ighamaouen sont souvent dotés de remparts imposants, de fossés et de tours de guet, éléments absents à Ksar Al-Hajj. Ces caractéristiques indiquent un rôle plus marqué dans la protection des populations locales contre les raids et les conflits tribaux, en complément de leur fonction de stockage.
Une intégration au paysage saharien et une connexion avec les ksour :
Alors que Ksar Al-Hajj est une structure isolée, les ighamaouen s’intègrent dans un réseau plus large de ksour et d’établissements sahariens, formant un maillage territorial unique. Ce lien étroit avec les habitats traditionnels renforce leur caractère exceptionnel en tant que témoignages d’un mode de vie adapté aux conditions désertiques.