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Parc National Historique des Matheux - Chemin du café, de l’esclavage et de la liberté

Date of Submission: 13/05/2024
Criteria: (ii)(iv)(v)(vi)
Category: Cultural
Submitted by:
Délégation permanente d'Haïti auprès de l'UNESCO
State, Province or Region:
Section Communale des Délices, Commune de l’Arcahaie, Département de l’Ouest
Ref.: 6769
Disclaimer

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The sole responsibility for the content of each Tentative List lies with the State Party concerned. The publication of the Tentative Lists does not imply the expression of any opinion whatsoever of the World Heritage Committee or of the World Heritage Centre or of the Secretariat of UNESCO concerning the legal status of any country, territory, city or area or of its boundaries.

Property names are listed in the language in which they have been submitted by the State Party

Description

Ruines Sabourin : 18˚52’12’’N. 72˚22’16.42’’W.          Ruines

Ruines Guyon/Ka Dyon :  18˚52’31’’N. 72˚22’44’’W.   Réhabilité

Ruines de Lachenais : 18˚52’21’’N. 72˚23’05’’W          Ruines

Ruines de Cortade : 18˚53’10’’N 72˚23’21’’W            Ruines

Ruines de Janet/Latour : 18°53'18.26"N  72°23'28.16"W Ruines

Ruines de Gossé : 18°53'145.56"N   72°24'02.01"W     Ruines

Ruines de Lamothe :  18°53'52"N   72°24'3.210"W      Ruines

Ruines de Drouet :  18°53'51.72"N   72°24'25.66"W.  Réhabilité

Ruines de Mary :  18°54'21.42"N   72°25'16.70"W      Ruines

Ruines de Lapeyrade :  18°54'41"N   72°24'59.34"W   Ruines

Le Parc National Historique des Matheux (PNH-MATH), classé par un Arrêté Présidentiel le 8 octobre 2015, répertorié dans le Moniteur numéro 193, est le plus grand Parc National Historique d'Haïti. Sa désignation découle de l'incroyable nombre de vestiges historiques présents : environ 40 ruines d'anciennes plantations de café de l'époque coloniale de Saint-Domingue, une ruine d'un fort colonial anglais et deux fortifications militaires haïtiennes de 1804. Ce parc de 223,4 km2, -dont les limites ont été définies "virtuellement" par le Comité Interministériel d'Aménagement du Territoire (C.I.A.T.) pour préserver le plus de vestiges possibles, protéger l'écologie fragile et les grands bassins versants alimentant les départements du Centre, de l'Artibonite et de l'Ouest-, est un cas unique dans les Caraïbes et les Amériques.

Tous les vestiges historiques dans le parc sont inscrits au patrimoine national par le décret de création et sont sous l'autorité de l'Institut de Sauvegarde du Patrimoine National (ISPAN), chargé de leur inventaire et préservation. Ces vestiges sont des témoignages importants d'une période cruciale de l'histoire d'Haïti, des Caraïbes et du monde. En effet, les ruines des plantations de café des Matheux, construites à partir de 1770 et détruites en 1798, racontent la révolution du café à Saint-Domingue qui, dans le dernier quart du XVIIIe siècle, a vu un afflux massif de captifs africains, formant une classe d'esclaves d'un demi-million d'individus dont les 2/3 étaient nés et avaient vécu libres en Afrique.

Aujourd'hui, les plantations de café des Matheux forment un réseau unique de vestiges liés à l'esclavage et à la culture du café. Cette culture a drastiquement transformé l'écologie des montagnes des Matheux et a amené d'Afrique un peuple principalement du royaume du Congo, avec ses traditions, culture, religion et mode de fonctionnement distincts, qui a joué un rôle clé dans la lutte pour l'indépendance d'Haïti.

Le parc national historique des Matheux, avec ses vestiges militaires coloniaux anglais et ses fortifications haïtiennes, représente également une époque de conflits intenses où trois puissances coloniales - la France, l'Angleterre et l'Espagne - se sont battues pour le contrôle de la colonie de Saint-Domingue, jusqu'à la victoire des esclaves qui en avaient fait la richesse. Les forteresses de Drouet et de Delpêche, érigées sur des plantations de café françaises sous l’égide de Jean-Jacques Dessalines pour défendre la liberté nouvellement acquise, sont de puissants symboles de ces luttes.

L'État haïtien a sélectionné, dans le cadre de ce parc, des vestiges qui représentent l'ensemble des valeurs de ce lieu pour une demande de classification au Patrimoine mondial de l'Humanité.

Justification of Outstanding Universal Value

Le bien en question est le reflet d'échanges d'influence notables qui ont eu lieu pendant une période spécifique, plus précisément la deuxième moitié du XVIIIe siècle, ce qui a abouti à la création d'un paysage culturel sans équivalent dans le monde. Il représente un exemple remarquable d'une combinaison d'architecture, de technologie et de paysage qui témoigne d'une phase importante de l'histoire de l'humanité. C'est également un exemple exceptionnel d'habitat humain qui illustre l'interaction entre l'homme et son environnement, surtout lorsque cet environnement devient vulnérable à cause d'un changement irréversible.

Ce bien est directement et concrètement lié à des événements historiques spécifiques, des traditions encore vivantes, des idées et des croyances originaires d'Afrique qui ont une signification universelle exceptionnelle.

Critère (ii) : Au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, et notamment durant les trente dernières années, la culture du café a transformé la chaîne de montagnes des Matheux en introduisant un modèle de plantation qui a radicalement modifié son paysage. Cette modification a entraîné une désertification rapide inégalée dans d'autres régions caféières du monde.

Plusieurs écrivains du XVIIIe siècle, tels que Alexandre-Stanislas de Winffer en 1797 et S.J. Ducoeurjoly en 1802, ainsi que des auteurs contemporains comme Pierre Pluchon en 1993 et Gabriel Debien en 1956, ont fait état des dégâts environnementaux causés par cette culture. Durant les trois dernières décennies du XVIIIe siècle, la production intensive de café a entraîné la déforestation massive sur les pentes des montagnes des Matheux.

Critère (iv) : Les cafés historiques situés dans la chaîne des Matheux, qui font partie du patrimoine protégé d'Haïti au sein d'un Parc National Historique, ont été témoins d'une révolution agricole majeure au 18e siècle. Cette révolution liée à la culture du café a entraîné une augmentation considérable du commerce des esclaves et de l'esclavage dans la colonie de Saint-Domingue. Des dizaines de milliers d'Africains ont été amenés sur ces plantations où ils vivaient de façon autonome, loin des villes, un phénomène qui n'a jamais été vu ailleurs dans le monde avec une telle intensité.

Ces plantations de café françaises dans les Matheux ont été établies à partir de 1770 sur les hauts plateaux situés au-dessus de 900 mètres d'altitude. Elles avaient une disposition unique avec des quartiers pour les esclaves, de grands espaces ouverts dominés par la maison du propriétaire, des entrepôts, de grands réservoirs et des moulins à pierre, formant un réseau unique axé sur la transformation du café en coque. Cependant, ces plantations ont été incendiées entre 1796 et 1798 pendant les combats entre l'armée de Toussaint Louverture et les forces anglaises, ce qui a entraîné leur abandon total. Cet abandon a créé une capsule de temps unique qui les a préservées de toute intervention humaine, conservant leur intégrité qui a disparu dans le reste du pays.

Critère (v) : Au cours de la seconde moitié du 18ème siècle, les pratiques d'implantation et d'agriculture des plantations de café coloniales ont entraîné une dégradation environnementale rapide dans les montagnes des Matheux. Cependant, des groupes de paysans ont par la suite établi leurs propres établissements, caractérisés par leurs "jardins créoles", autour de ces plantations. Ces établissements ont été créés initialement par d'anciens esclaves africains et ont été maintenus par leurs descendants. Ils étaient en opposition directe avec le système destructeur des plantations de café qui nécessitait la déforestation.

Aujourd'hui, depuis 1804, le café pousse librement dans ces zones pour un usage familial, et l'agriculture et les techniques de survie ont remplacé l'exploitation industrielle à grande échelle. Cette transition précoce vers une forme de plantation de café haïtienne, qui se démarque clairement de l'approche rigoureuse des grandes plantations coloniales, a été la première déclaration de liberté des anciens esclaves africains dans la nouvelle nation haïtienne.

Critère (vi) : Les ruines des plantations de café des Matheux, qui sont dispersées dans le Parc National Historique du même nom, ont une connexion directe et tangible avec les traditions et croyances apportées par les hommes et femmes nés libres en Afrique qui ont été réduits en esclavage sur ces terres. Dans les Matheux, les registres révèlent qu'entre 85% et 100% des travailleurs étaient des esclaves africains. Ces esclaves ont réussi à recréer un « univers africain », permettant ainsi non seulement la préservation de traditions agricoles et culinaires, mais aussi de coutumes associant fortement le café à l'au-delà et aux esprits des défunts.

Des éléments de l'environnement naturel, tels que les rochers, les gouffres, les sources d'eau et les arbres, ont acquis une signification sacrée, transformant ces sites en lieux de vénération et de culte. Isolés pendant plus de deux siècles sur ces collines retirées, loin des villes, entourés des vestiges de plantations où leurs ancêtres ont vécu et sont morts, quelques centaines de paysans continuent aujourd'hui de perpétuer ces traditions qui ont vu le jour outre-mer, dans des terres dont le souvenir s'est estompé au fil des générations.

Statements of authenticity and/or integrity

Intégrité du bien: Le panorama préservé des crêtes du Parc National Historique des Matheux découle principalement de son abandon après l'incendie des plantations de café coloniales en 1798, à la fin de l'occupation anglaise. Le déclin environnemental provoqué par trente ans de mauvaises pratiques de culture du café jusqu'en 1799, et les conflits survenus lors des premières années de la nouvelle nation haïtienne, ont contribué à cet abandon. Ces sommets dénudés et escarpés s'étendent sur plus de 223 km2. Depuis sa création en 2015, le parc assure une protection supplémentaire à la majorité des biens qui s'y trouvent, préservant ainsi un paysage culturel unique, témoin des premières expérimentations de la culture du café à grande échelle dans la colonie de Saint-Domingue.

La chaîne des Matheux, --un point de conflit pour trois puissances coloniales - la France, l'Espagne et le Royaume Uni, pour contrôler le territoire de la colonie de Saint-Domingue, en particulier le cordon de crête comprenant les plantations de café de Sabourin, Guyon, Lachenais, Cortade, Janin-Latour, Gossé, Lamothe-Drouet, Mary et Lapeyrade--, a été le site de batailles sanglantes entre 1796 et 1799.

La principale menace pour cette région provient de sa proximité avec une faille sismique et des vents violents qui affectent ces sommets durant la saison cyclonique. Toutefois, malgré son abandon pendant deux siècles, aujourd'hui, une petite communauté entoure ce bien, respecte son intégrité et aide régulièrement à le protéger des menaces naturelles et des rares visiteurs de ces lieux isolés.

Authenticité du bien: Dans le Parc National Historique des Matheux, se trouvent des vestiges de caféières et de structures militaires qui sont des témoins précieux d'une époque déterminante de l'histoire du café. Ces vestiges racontent l'histoire de l'essor de la culture du café et de l'impact qu'elle a eu sur la traite des esclaves à Saint-Domingue, les conflits qui ont déchiré la colonie jusqu'à l'indépendance d'Haïti et les premières tentatives de cette nouvelle nation pour préserver la liberté obtenue par la force des armes.

Les ruines de ces anciennes plantations de café dominent la vallée de l'Artibonite et la baie de Port-au-Prince. Elles sont le témoignage de l'industrie du café qui a prospéré sur les montagnes de Saint-Domingue au 18e siècle, et de l'impact dévastateur de cette culture sur l'environnement montagneux des Matheux. Parmi ces vestiges se trouve le fort Drouet, l'un des forts haïtiens les mieux conservés. Érigé en 1804 sous l’égide de Dessalines, il surplombe les vestiges de la plantation de café de Lamothe-Drouet, qui a servi de logement à la garnison anglaise de York et a été modifiée pour cet usage en 1796. Le fort Drouet a été le théâtre de nombreuses batailles entre l'armée de Toussaint Louverture et les troupes anglaises jusqu'en 1798.

Tous les efforts de conservation entrepris sur les sites de Guyon et du fort Drouet entre 2016 et 2024 ont cherché à préserver l'authenticité de ces lieux. Ils ont été soutenus par des recherches archéologiques et historiques approfondies, qui ont examiné de nombreux documents trouvés principalement aux Archives Nationales Françaises d'Outre-Mer. Ces documents comprennent des actes notariés, des testaments, des contrats de location et de vente de terres, d'habitations et d'esclaves, ainsi que des registres d'état civil de la colonie française. La préservation de ces sites a été menée par des techniciens expérimentés de l'Institut de Sauvegarde du Patrimoine National (ISPAN), formés à la réhabilitation de monuments du 18e siècle et utilisant des techniques et matériaux authentiques de cette époque.

Comparison with other similar properties

La révolution de Saint-Domingue a conduit les colons français et leurs esclaves à Cuba, où ils ont mis en place un réseau florissant de plantations de café dans la région orientale de l'île. Cela a non seulement transformé l'économie de Cuba, mais a également enrichi sa culture grâce à l'apport de nouvelles compétences et expressions artistiques de Saint-Domingue. Par conséquent, Cuba a le lien le plus direct avec Haïti en matière d'histoire du café. En effet, les vestiges de ces plantations de café franco-haïtiennes à Cuba partagent de nombreuses similitudes architecturales avec celles du Parc National Historique des Matheux en Haïti. Cependant, il existe trois différences majeures entre ces deux types de plantations : l'environnement naturel, les infrastructures et l'environnement humain colonial.

Les plantations de café de Matheux, par exemple, sont situées dans un environnement presque désertique, contrairement aux plantations de l'Oriente de Cuba, qui sont nichées dans une végétation luxuriante. Cette différence est principalement due à la méthode de culture du café utilisée par les colons français, qui nécessitait de vastes terrains pour chaque plantation et un grand nombre de travailleurs. Cette pratique a augmenté le nombre d'esclaves dans cette colonie.

En termes d'infrastructures, les plantations de Matheux se distinguent par leurs dortoirs pour esclaves, un élément architectural absent des plantations de café cubaines. De plus, les grandes aires de séchage du café en cerises, nécessaires pour la méthode de traitement "sèche", sont une autre caractéristique unique des plantations de Matheux.

Enfin, le milieu humain des plantations de Matheux, tel que documenté dans les Archives Nationales Françaises d'Outremer (ANOM), diffère également de celui des plantations cubaines. Il y avait une forte prédominance de main-d'œuvre esclave africaine, avec peu d'esclaves créoles. De plus, les colons de Matheux préféraient vivre en ville, laissant la gestion de leurs plantations à des hommes de couleur libres, dans un environnement où le confort du "maître" n'était pas une priorité.
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