Les citadelles mosanes
Division du Patrimoine de la Région wallone de Belgique
Province de Liège et Namur, Région wallonne
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Description
Tout au long des 151 km de son parcours en Wallonie, la Meuse définit une vallée remarquable par son ampleur verticale et la présence de nombreux affleurements rocheux. De Givet à Namur, elle traverse la Famenne puis le plateau condruzien perpendiculairement à son plissement ouest - est et y imprime une véritable tranchée de plus de 100 m de profondeur. En aval de Namur, elle marque la transition entre les plateaux condruzien et hesbignon et creuse son lit à un peu moins de 100 m des reliefs qui la bordent. Cette différence de niveau, bien que s'atténuant, se maintient jusqu'à l'aval de Liège.
Un tel relief constitue un obstacle naturel important et offre des points stratégiques sur lesquels appuyer un système de défense. Au cours de l'histoire de nombreux oppidum, donjons, châteaux, forts et citadelles ont été érigés sur les sommets mosans. Beaucoup ont disparu et ne subsistent que dans la toponymie ou au titre de sites archéologiques. Certains encore, réduits à l'état de ruines, alimentent l'imaginaire et donnent une image romantique du fleuve. Cependant, trois citadelles sont parvenues jusqu'à nous et ont gardé leur fonction militaire jusqu'à la seconde moitié du XXe siècle. A Dinant, le site de type "éperon barré" est occupé depuis le XIe siècle quand, à l'initiative du prince évêque de Liège, un château et une chapelle sont construits. Ce premier ensemble a aujourd'hui totalement disparu, rasé en 1466 par Charles le Téméraire. La réparation et la reconstruction seront décidées au XVIe siècle, par le prince évêque de Liège Erard de la Marck. Le chroniqueur François de Rabutin a décrit l'aspect de la forteresse en 1554. Elle a certainement été modernisée avant le siège de 1675 par les troupes de Louis XIV mais on a peu d'information concernant ces travaux. Durant l'occupation française (1675-1 698), les fortifications du château et de la ville sont fortement renforcées par Vauban et son collaborateur Cladech. Le château abîmé par le siège est réparé, des ouvrages de défense sont construits et un château neuf est construit à l'est de l'ancien. tous ces organes fortifiés disparaissent en 1698 et 1703 quand les Français rendent la ville à l'évêché de Liège. De cette période, seule subsiste une galerie souterraine en chicane, longue d'une cinquantaine de mètres et construite en petit appareil irrégulier de calcaire. Le site ne sera plus fortifié pendant un siècle, il sera réutilisé dans le cadre de la nouvelle Barrière des Pays - Bas mise - sur pied en 1815. Le nouveau fort est l'œuvre du capitaine-ingénieur E. Bergsma. Il s'inspire des conceptions de Montalembert et des recherches menées par les ingénieurs de Napoléon.
La construction est terminée en 1821. Contrairement à l'appellation usuelle, il s'agit d'un fort d'une capacité en hommes et en armement réduite et au potentiel de résistance limité. Le plan est un pentagone allongé irrégulier tourné vers la vallée..
Le 11 novembre 1878, la citadelle est vendue à la ville. Elle sera cependant réoccupée par un régiment d'infanterie fiançais en 1914 et sera à nouveau utilisée lors de la seconde guerre mondiale. La citadelle de Namur présente un aspect tout à fait différent. D'aucun n'hésite pas à la qualifier de deuxième plus belle citadelle d'Europe. Elle se développe à l'extrémité d'un éperon rocheux situé en amont immédiat du confluent et de la Meuse. Cet éperon a toujours constitué l'un des points faibles du site. En effet, le relief seul ne permet pas d'assurer la défense et vu le sens de la pente, les assiégés sont nécessairement surplombés par les assiégeants, ce qui provoquera, au cours des siècles, un report constant des défenses vers le sommet du plateau. L'installation des comtes du pagus de Lomme, qui deviendront comte de Namur, est attestée depuis le milieu du Xe siècle. Les occupations antérieures sont obscures C bien qu'on suppose la présence d'un fortin romain au Bas-Empire.
Pendant toute la période comtale (Xe siècle à 1429), le château est la fois séjour noble et centre de commandement politique, social, économique, militaire voire religieux. Il constituera pendant tout le Bas Moyen Age, un enjeu politique majeur. Il semble acquis qu'au XVe siècle, le logis se trouvait sur le flanc nord (versant sarnbrien) de la terrasse supérieure. Après 1429, le comté de Namur est rattaché aux Etats bourguignons et le château va perdre sa fonction de résidence noble alors que son importance stratégique s'accroît. Cela se matérialise par la construction de Médiane (1542-1 559), premier ensemble bastionné. Occupée par les Espagnols, la citadelle est encore agrandie entre 1631 et 1675 avec la création d'une troisième partie : Terra Nova. En 1692, la citadelle est assiégée par les troupes françaises, c'est le dernier siège auquel Louis XIV participe. Après la prise de la place, Vauban est chargé de transformer la citadelle en place imprenable. Des travaux de l'ingénieur français, il subsiste peu de traces, à l'exception de l'arsenal construit hors du site, sur l'autre rive de la Sambre. En 1695, elle est cependant reprise par les Alliés. Base hollandaise, elle est renforcée par la construction de nombreux forts détachés. Prise par les troupes de Louis XV en 1746. Remise aux Autrichiens, elle est démantelée sur ordre de Joseph II après 1782. Après la réunion à la Hollande en 18 15, les Hollandais relèvent les ruines et reconstruisent entièrement la forteresse de 18 16 à 1825. Trois forts détachés sont construits, un seul nous est parvenu. Après 1830, l'armée belge occupe le site et y fait quelques travaux. A la fin du XIXe siècle, le général Brialmont construit neuf forts en béton entourant la ville constituant ainsi la position fortifiée de Namur. Le 8 juillet 1891, Léopold II signe l'arrêté déclassant la citadelle, les terrains sont cédés à la ville à la condition qu'elle ne les aliène pas à des particuliers. En 1914 et en 1940, la citadelle commandera la position fortifiée de Namur. Après la seconde guerre mondiale, l'Etat major du Régiment para-commando s'installe à Médiane et Terra Nova et y restera jusqu'en 1977.
Dès la fin du XIXe siècle, sous l'impulsion de Léopold II, une partie du site est aménagée dans un but touristique. A Huy, le fort est situé sur un promontoire rocheux au confluent de la Meuse et du Hoyoux. On mentionne, sous l'évêque Wazon (1042-1048) la présence d'un castellum, certainement à identifier avec la tour Basin à la pointe nord de l'éperon. Aux XII et XIIIe siècle, des constructions sont ajoutées dont une chapelle. En 1288, Jean de Flandre agrandit considérablement l'ensemble. Par la suite, le château eut à souffrir des guerres de Bourgogne - et fut restauré à partir de 1507 par Erard de la Marck. Elle sera très disputée dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Elle est prise et incendiée une première fois par les Français en 1676.
De 1688 à 1703, elle fera l'objet de bombardements et de sièges successifs. En 1715, le Traité de la Barrière impose sa destruction qui débute en 1717. En 1818, les Pays Bas décide de sa reconstruction et de son intégration dans la ligne des défenses mosanes. Les plans sont dessinés par le lieutenant colonel Carnmerlingh. Le fort est désaffecté en 1834. Il devient prison politique en 1849. En 1880, il est à nouveau incorporé dans le système défensif de la Meuse. Durant la première guerre, les Allemands l'utilisent comme prison, rôle qu'il reprendra lors de la deuxième guerre mondiale où il devient lieu de détention pour les prisonniers politiques et les otages.
Le tracé du fort épouse le relief de l'éperon mais des terrassements et l'aménagement d'une plate-forme ont été nécessaire. C'est un quadrilatère de grand appareil calcaire avec une cour centrale en trapèze bordées de courtines. Le logement des troupes était aménagé dans les courtines alors que le quartier des officiers se trouvait dans un des bastions.
Une quatrième citadelle était construite sur les hauteurs de Liège et avait connu une histoire similaire à celle des trois monuments évoqués plus avant. Au début des années 1970, - elle a été démolie au début des années 1970 pour faire place à un hôpital.
Justification of Outstanding Universal Value
La Wallonie a de tout temps été pays de frontière et lieu d'affrontements. La Meuse et sa profonde vallée constitue un obstacle naturel important et offre de nombreux sites de hauteur pouvant être facilement aménagé dans un objectif de défense. Depuis l'époque romaine jusqu'à nos jours, des sites défensifs furent ainsi construits, aménagés et modernisés. De nombreux sites anciens ont disparu ou ont été laissés à l'abandon et subsistent à l'état de ruines. Trois d'entre eux occupant une situation stratégique importante ont gardé leurs fonctions jusqu'au XXème siècle et témoignent ainsi de l'évolution des territoires et des techniques de guerre jusqu'aux techniques modernes où la guerre devient guerre de mouvement et ne concerne plus uniquement le territoire terrestre.
Statements of authenticity and/or integrity
Les citadelles mosanes ont un passé commun : construites pour défendre soit la principauté de Liège, soit le comté de Namur, elles seront intégrées à un système de défense beaucoup plus large. Elles ont toutes vu passer Vauban et ses ingénieurs. Il s'intéressera à chacune d'elle. Au cours du XVIIIe siècle, leur démantèlement sera décidé et mis en œuvre avant qu'elles ne soient reconstruites par les Hollandais qui souhaitent opposer une ligne de défense à l'ennemi de toujours : la France. Si l'objectif premier est stratégique et l'usage des matériaux locaux - le calcaire de Meuse, la qualité architecturale n'est pas exclue des projets, notamment dans la forme des baies. Ces reconstructions s'inspirent des conceptions de Montalembert. Le statut de neutralité imposé à la Belgique lors de sa fondation n'est sans doute pas étranger à la décision de démilitariser ces sites dès la seconde moitié du XIXe siècle. Cependant, lors des deux grands conflits du XXe siècle, elles seront remises en activité. Leur reconversion à vocation culturelle et touristique a permis de les maintenir dans leur état de « citadelle hollandaise ».
L'impact visuel est important entre les villes en bord de fleuve et les citadelles qui les dominent. L'ensemble crée un paysage de grande qualité.
Comparison with other similar properties
Les citadelles mosanes sont des lieux de défense uniquement, seules les troupes casernées sont logées sur le site. Elles ont principalement vocation de défense des voies d'accès au territoire. Les villes qui s'étendent à leur pied étaient pourvues de leur propre système défensif. Ce sont des constructions du XIXe siècle sur des sites anciens relevant d'une configuration politique ancienne de l'Europe occidentale puisqu'elles firent reconstruites, sur décision des Hollandais, pour faire face à une invasion de la France qui était l'adversaire historique. Elles témoignent également de la fin d'une époque, celle des forts basitonés. L'artillerie devient déterminante et la guerre de siège disparaît. A l'époque suivante le système défensif change, on opte plus pour des structures triangulaires ou quadrangulaires mais surtout partiellement enfouies. L'approche s'inverse : on n'impressionne plus l'adversaire par la puissance de ses fortifications.