Take advantage of the search to browse through the World Heritage Centre information.

Les passages de Bruxelles / Les Galeries Royales Saint-Hubert

Date of Submission: 08/04/2008
Criteria: (ii)(iv)
Category: Cultural
Submitted by:
Direction des Monuments et des Sites de la Région Bruxelles Capitale de Belgique
State, Province or Region:
Région Bruxelles-Capitale
Coordinates: N50 50 54 E4 21 13
Ref.: 5355
Disclaimer

The Tentative Lists of States Parties are published by the World Heritage Centre at its website and/or in working documents in order to ensure transparency, access to information and to facilitate harmonization of Tentative Lists at regional and thematic levels.

The sole responsibility for the content of each Tentative List lies with the State Party concerned. The publication of the Tentative Lists does not imply the expression of any opinion whatsoever of the World Heritage Committee or of the World Heritage Centre or of the Secretariat of UNESCO concerning the legal status of any country, territory, city or area or of its boundaries.

Property names are listed in the language in which they have been submitted by the State Party

Description

Les Galeries Royales Saint-Hubert sont les premières galeries commerciales véritablement monumentales construites au XIXe siècle. Edifiées en 1847, non loin de la Grand-Place de Bruxelles, elles reflètent la prospérité et l'ambition du nouvel état belge sous le règne du roi Léopold Ier. Leur programme révolutionne le type architectural du passage tel qu'il s'était développé depuis le début du siècle selon le modèle parisien, et lui insuffle une nouvelle dimension. Son architecte Jean-Pierre Cluysenaar (1811-1880), l'un des plus importants représentants du style néoclassique en Belgique, s'inspire à la fois de la Renaissance italienne et de la technologie moderne du fer et du verre pour créer une rue couverte aux allures de « crystal palace » qui s'adapte parfaitement au paysage urbain.

Le projet de réaliser un passage à Bruxelles naît dix ans plus tôt, en 1837, dans le contexte prospère de l'essor industriel du jeune Etat de 1830. Bruxelles connaît alors une forte poussée démographique et le clivage social issu de la révolution industrielle se concrétise dans le tissu urbain : la bourgeoisie s'installe dans les faubourgs sud et est de Bruxelles, la classe ouvrière dans les faubourgs nord et au centre-ville.  Pourtant, dans un quartier proche de la Grand-Place (entre la rue Montagne de la Cour, le Marché-aux-Herbes et la rue des Fripiers) apparaissent des petits commerces de luxe, qui jouxtent les ruelles étroites et impasses où vivent les ouvriers. C'est précisément là que vont prendre place les galeries royales Saint-Hubert, dans l'axe d'une petite artère médiévale qualifiée de « misérable », la rue Saint-Hubert, où pour l'occasion sont démolies 49 maisons. Les enjeux du projet sont importants : assainir et moderniser le centre-ville, créer un lien entre le haut et le bas de la ville, dynamiser le commerce, créer une promenade luxueuse pour la bourgeoisie où elle puisse trouver magasins et lieux de plaisirs, cabarets et théâtres, atouts nécessaires à une capitale. L'argument du rôle international de Bruxelles comme étape dans une Europe où le réseau de chemin de fer est un modèle du genre est également mis en avant par les initiateurs du projet.

Vu ces enjeux et les expropriations nécessaires, le projet est soutenu par les pouvoirs publics à travers la création, en 1845, de la « Société anonyme des Galeries Saint-Hubert » dont les actions sont vendues à des investisseurs privés après avoir été garanties d'un intérêt minimum par les autorités. Ce montage financier astucieux est un succès et les galeries sont construites en un temps record de 18 mois.

Jean-Pierre Cluysenaar imagine une succession de deux vastes nefs, appelées galerie du roi et galerie de la reine, chacune large de 8,30 mètres, totalisant 213 mètres de long, recouvertes d'une verrière à structure métallique continue située à 18 m de hauteur. Les galeries s'articulent par un péristyle à leur croisement avec la rue des Bouchers où elles forment un angle obtus. L'ensemble forme une large rue couverte, au sol en pierre bleue, bordée d'immeubles de trois niveaux dont les façades qui se succèdent à un rythme serré sont traitées comme des façades-écran. Le style évoque la renaissance italienne, avec arcades au rez-de-chaussée, baies serliennes et sculptures allégoriques (ronde-bosse, bas-relief et bustes) intégrées à l'architecture. Les façades enduites sont colorées (rose et ocre) et ornées de panneaux de faux-marbres.  L'ordre toscan règne au rez-de-chaussée, l'ordre ionique au 2e niveau, le 3e niveau étant scandé de pilastres sans chapiteaux sur lesquels repose la corniche qui supporte directement la verrière. Au-dessus de la verrière, un 4ème niveau sous combles abrite des appartements. La verrière est une structure métallique autoportante faite d'arcs en plein cintre d'un seul tenant sur lesquels reposent près de 16500 carreaux de verre disposés en écailles de poissons afin de permettre une bonne ventilation.

Le passage des Galeries connaît d'emblée un réel succès et devient le lieu de rendez-vous et de flânerie préféré des bruxellois et des touristes, à toutes heures du jour et de la nuit. Avec son théâtre, son cabaret, son cinéma, ses 70 magasins, cafés et restaurants, ses appartements, ateliers d'artistes et bureaux aux étages, le passage des Galeries Saint-Hubert est une entité urbaine cohérente et prestigieuse, une ville dans la ville, unique au monde par la richesse de son programme et la qualité de son architecture.

Justification of Outstanding Universal Value

« Les Galeries Royales Saint-Hubert témoignent d'un échange d'influences considérable pendant une période donnée ou dans une aire culturelle déterminée, sur le développement de l'architecture, des arts monumentaux, de la planification des villes ou de la création de paysages » (ii)

La formule des « passages » constitue une typologie architecturale caractéristique du XIXe siècle, qui connaît rapidement une évolution considérable. Avec l'essor du commerce, les premiers passages couverts voient le jour à Paris tel que le passage des Panoramas (1800) ou le passage Delorme (1808) recouvert d'une verrière continue. La Galerie d'Orléans à Paris, au Palais Royal, construite par l'architecte Pierre-François-Léonard Fontaine (1762-1853) ouvre véritablement la voie aux somptueuses promenades vitrées du XIXe siècle. Ces galeries abritent des magasins mais aussi des lieux de plaisirs et de mondanités.  Libres d'accès, elles demeurent néanmoins des initiatives privées dont les répercussions sont locales.

Les Galeries Royales Saint-Hubert à Bruxelles sont les premières galeries couvertes à avoir été créées par une volonté politique et réalisées avec les garanties financières et le soutien des autorités. Elles figurent comme les premières galeries couvertes réellement publiques d'Europe. Datant du milieu du siècle et se situant entre le classicisme finissant et le début de l'Eclectisme, les Galeries Saint-Hubert constituent le lien entre les passages parisiens et londoniens - objets de la spéculation privée - et ceux des grandes villes européennes où s'équilibrent intérêts publics et spéculation privée.

L'architecte Cluysenaar s'inspire directement de la Galerie d'Orléans à Paris, dont les dimensions étaient considérables pour l'époque (1828) : 65 m. de long et 8,50 m. de large. Il reprend l'ampleur, le profil et la structure de la verrière en plein cintre divisée au milieu par un lanterneau surélevé pour la ventilation; il reproduit à Bruxelles le motif des arcades en plein cintre réunissant le rez-de-chaussée et l'entresol des boutiques. La structure de la verrière de la galerie d'Orléans sera aussi copiée à Hambourg (Sillem's Bazar, 1842-45, démoli) et à La Haye (De Passage, 1885), tandis que le motif d'arcades entre le rez-de-chaussée et l'entresol se retrouve à la galerie Bordelaise édifiée entre 1831 et 1834 à Bordeaux. 

Les dimensions des Galeries Royales Saint-Hubert et leur caractère monumental en font un modèle typologique qui sera imité par la suite : la Galleria Vittorio Emanuele II à Milan réalisée en 1867 par l'architecte G. Mengoni est directement inspirée par le modèle bruxellois, suite au séjour de Mengoni à Bruxelles et à sa rencontre avec Jean-Pierre Cluysenaar.

 « Les Galeries Royales Saint-Hubert offrent un exemple éminent d'un type de construction ou d'ensemble architectural ou technologique ou de paysage illustrant une période ou des périodes significatives de l'histoire humaine » (iv)

Le passage des Galeries Royales Saint-Hubert exprime la nouvelle réalité d'une société capitaliste issue de la révolution industrielle. Implantée au centre d'un îlot médiéval, il marque par ses dimensions et son luxe le triomphe d'un nouvel ordre social. Son développement va de pair avec le début du commerce moderne et l'essor de la bourgeoisie qui voue un véritable culte aux produits de consommation. Faire du « shopping » devient un « must » et les passages couverts se multiplient au cours du siècle dans toutes les villes industrielles.

Le passage des Galeries Saint-Hubert à Bruxelles n'est pas uniquement un lieu de commerce, sa fonction est celle d'une rue animée où les gens habitent, travaillent, se déplacent et se délassent. Le lieu mêle de façon spectaculaire deux concepts : celui de l'artère publique et de l'espace commercial. Cette rue bordée de façades de trois niveaux est une copie conforme de la rue bruxelloise, mais recouverte d'une verrière qui vient se placer au-dessus des corniches des maisons. Il fut longtemps surnommé « le parapluie de Bruxelles ». Il s'en dégage une ambiguïté, l'intérieur donnant l'illusion de l'extérieur. Cette scénographie est complétée par le choix d'un vocabulaire historiciste qui s'affronte avec la modernité des matériaux et des techniques mises en œuvre dans la verrière en berceau, dont l'ampleur, la pureté des formes et la légèreté confère à l'espace une qualité unique et une luminosité particulière.

Statements of authenticity and/or integrity

Respect de la Condition juridique : Le bien bénéficie d'une protection juridique garantissant sa conservation. Les Galeries Royales Saint-Hubert sont classées comme monument par arrêté royal du  19 novembre 1986. Le Théâtre du Vaudeville et le Cinéma des Galeries abrités dans le complexe font également l'objet de mesures de protection particulières. Le bien se trouve déjà dans la zone tampon de la Grand-Place inscrite au patrimoine mondial.

Les galeries royales Saint-Hubert répondent au critère d'authenticité. Aucune transformation significative n'a altéré la cohérence des façades d'origine, à l'exception des modifications apportées aux devantures qui furent légèrement adaptées aux nouveaux commerces en fonction des vitrines et portes d'entrée nécessaires. Les appartements et lieux culturels ont subi des transformations ponctuelles. Les galeries ont été restaurées de manière approfondie en 1997, à l'occasion des 150 ans des galeries. Sur base d'études stratigraphiques, la polychromie originale a été restituée à l'ensemble dans l'esprit d'origine.

Les Galeries Royales Saint-Hubert remplissent aujourd'hui leur fonction d'origine, à la fois sociale, urbanistique, économique et culturelle. Les commerces de luxe y côtoient toujours cabarets, restaurants, théâtres et appartements privés.

Comparison with other similar properties

Le passage couvert a été inventé à Paris, la première fois dans les jardins du Palais Royal à la fin du XVIIIe siècle avec les Galeries de Bois. Cette typologie des galeries couvertes dédiées au commerce, qui se multiplie partout en Europe, reste un pur vestige du XIXe siècle. Les Galeries Royales Saint-Hubert à Bruxelles marquent un jalon dans l'histoire internationale de cette typologie, qui depuis les passages parisiens du début du siècle mène à la grande Galleria Vittorio Emanuele II à Milan (1867) où le passage atteint la dimension d'une cathédrale et s'émancipe totalement des exemples parisiens. À Bruxelles comme à Milan, le message est politique : les galeries célèbrent l'unification nationale et la ville en est le maître d'œuvre.

Les rapides progrès de l'industrie favorisent ensuite le gigantisme, à l'instar des galeries d'expositions universelles. Les Galeries commerciales de Moscou (1888-1893), celles de la galerie Umberto Ier de Naples (1887-1891) ou la Cleveland Arcade à Cleveland (1890) marquent l'apogée de ce type d'architecture, où peu à peu le programme se réduit au commerce pur et perd sa multi-fonctionnalité.

L'architecture commerciale urbaine du XIXe n'est pratiquement pas représentée sur la liste du patrimoine mondial, hormis dans un contexte portuaire. Si le concept de la galerie commerciale comme lieu d'exposition, de découverte et d'échange trouve son origine dans les halles du moyen-âge et les souks orientaux, il s'en différencie par son modèle architectural unique et par le fait que sa dynamique reste vivante aujourd'hui. 

S'agissant d'un modèle urbain répandu en Europe et dans le monde, la soumission des Galeries Royales Saint-Hubert est envisagée dans le cadre d'une inscription sérielle transnationale. Une sélection des passages du XIXe siècle les plus représentatifs dans le monde est à effectuer en collaboration avec des villes comme Paris, Bordeaux, Naples, Milan, Moscou, Prague, Budapest... Leur histoire se rejoignent pour constituer un riche panorama de notre civilisation occidentale. Leur inscription sur la liste de l'UNESCO serait une opportunité pour organiser une dynamique internationale d'échanges, d'expositions, afin que ce patrimoine commun puisse relier les différentes cultures.

Attirer le regard vers ce patrimoine et le valoriser permettrait d'atténuer les menaces qui continuent à peser sur les passages couverts suite à l'évolution urbaine et aux difficultés que connaissent les commerces de détail. Le maintien de ces lieux de flânerie et de divertissement au centre des villes modernes est une garantie de qualité pour la vie de ses habitants.

top